RISQUES PROFESSIONNELS. Que penser des deux derniers rapports sur la santé au travail et le risque chimique ? Farouk Benouniche, avocat au cabinet Michel Ledoux, décrypte le sujet pour Batiactu.

Au cours de cette rentrée, les rapports de mission à destination du gouvernement intéressant la santé au travail foisonnent et témoignent de l'intérêt actuel des pouvoirs publics aux problématiques touchant la prévention des risques professionnels.

 

Tout d'abord, la députée LREM du Nord, madame Charlotte Lecocq, vient de rendre, le 28 août, un rapport consacré à la « Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée » [lire notre article ici, NDLR] qui propose une totale refondation du système basée sur la mise en place de structures régionales de prévention uniques regroupant l'ensemble des acteurs du domaine, une réduction de leur nombre et du nombre de règles à respecter pour l'employeur et ce, pour une meilleure lisibilité et accessibilité du système, notamment pour les TPE et PME.

 

Dans la continuité du rapport de l'Anses sur les cancers professionnels

 

Par ailleurs, un nouveau rapport de mission élaboré par Monsieur Paul Frimat [lire notre article ici, NDLR], professeur des universités et praticien hospitalier de l'Université de Lille, consacré cette fois aux risques chimiques, est paru le 29 août et se montre bien plus exigeant à l'égard des employeurs que ce que recommandait le rapport Lecocq. Il s'inscrit en cela dans la continuité des conclusions que pouvait inspirer la dernière étude de l'Anses dressant l'état des lieux des cancers professionnels que nous évoquions dans un précédent article. Là où le rapport Lecocq s'évertuait à suggérer une simplification des règles à la charge des employeurs (document de prévention unique en remplacement des DUER, plans de prévention et fiches d'entreprises, possibilité de déroger à certaines obligations issues du Code du Travail par la mise en place d'une politique de prévention propre à l'entreprise offrant une sécurité équivalente), monsieur Frimat, quant à lui, invite au durcissement des sanctions en matière de risques chimiques, au développement des amendes administratives en cas de non-respect des obligation formelles en matière de risques chimiques, et à la création d'un nouveau document, le dossier des agents chimiques dangereux, qui intégrerait le Document unique d'évaluation des risques et dont l'élaboration incombera à l'employeur.

 

 

Faciliter la reconnaissance de maladies professionnelles

 

Parallèlement, monsieur Frimat suggère des pistes permettant de faciliter la reconnaissance des maladies professionnelles « hors tableaux », partant du constat des difficultés rencontrées par les salariés victimes pour rapporter la preuve de leur exposition aux risques. Ces pistes prendraient la forme d'une nouvelle procédure devant les caisses primaires d'assurance maladie. Seraient ainsi mis en place au sein des CPAM des groupes d'experts chargés, dans un premier temps, d'émettre un avis sur la réalité des expositions qui lui sont soumises avant prise de décision sur le caractère professionnel de ces maladies. Il est également envisagé, pour les salariés qui quittent leur activité, la réalisation d'une visite par le service de santé au travail sur le lieu d'exercice de l'activité des salariés en question, afin de les aider à reconstituer leur parcours professionnel, leurs éventuelles expositions et donc à nourrir leurs dossiers de maladies professionnelles. Enfin, en cas de doute persistant sur la réalité de l'exposition, les CRRMP auraient en charge de statuer de manière définitive sur la question.

 

Ce rapport Frimat mise ainsi sur le renforcement de la traçabilité des risques et la nécessité de développement de la prévention en matière de risque chimique. Les différentes orientations empruntées par les rapport Lecocq et Frimat ne sont pas pour autant à regretter car il faut garder à l'esprit que l'ensemble de ces rapports de mission constituent la base de réflexion qu'entretiendront les pouvoirs publics et les partenaires sociaux en vue de l'élaboration des prochaines réformes à venir en matière d'hygiène, de santé et de sécurité au travail. La diversité des propositions offertes par ces différents rapports témoigne du foisonnement et de l'intérêt actuel porté aux problématiques de prévention au travail. Ils ne sont d'ailleurs pas inconciliables dans leur globalité. Le débat sera donc nourri et le gouvernement bénéficiera de multiples alternatives dans la politique qu'il entend mettre en œuvre en la matière.

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