TRANSITION. La massification des chantiers de rénovation énergétique est-elle compatible avec la réalité du tissu actuel des entreprises de bâtiment, composé en quasi-totalité de TPE ? Cette question est au cœur du lancement du Hub "Rénovation urbaine & rurale - bâti du 21ème siècle".

C'est dans les locaux parisiens de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), ce 13 novembre 2019, qu'a eu lieu une réunion de lancement du Hub européen de la rénovation urbaine et rurale. Cette initiative s'inscrit dans le projet européen "Un million de logements à énergie zéro", et concerne uniquement la région Île-de-France. L'idée force est de trouver un moyen de mobiliser les différents acteurs de la filière dans le but de massifier les opérations de rénovation énergétique, de manière à ce que 100 villes dans le monde réalisent 10.000 chantiers, aboutissant au million d'ici 2023. Ce concentrateur d'idées est notamment soutenu par la préfecture d'IDF, la région et la Métropole du Grand Paris.

 

Inciter les artisans à travailler ensemble

 

Plusieurs scénarios sont sur la table pour atteindre un objectif si ambitieux, dont celui de promouvoir l'entreprise générale qui contrôle un maximum d'aspects de la construction, ou encore celui de la coopérative d'artisans. Mais comment inciter des artisans qui, comme on le sait, tiennent plus que tout à leur indépendance, à travailler ensemble, qui plus est avec une entreprise générale ? Une question qui se pose depuis le Grenelle de l'environnement, depuis le lancement des labels d'éco-rénovation, mais qui ne semble pas avoir trouvé de réponse pour l'instant. Pour Dominique Lefaivre, animateur du Hub, il n'existe pas une solution magique pour tous les territoires, mais des solutions à trouver selon les spécificités de ceux-ci, les services locaux et les aides existantes...

 

 

Quoi qu'il en soit, les artisans du bâtiment devront s'y mettre, au vu de l'urgence environnementale. Mais pas seulement. "Le client n'est plus celui du siècle passé, et ses demandes ne sont pas les mêmes non plus", a observé ainsi Patrick Liébus, président de la Capeb, en début de réunion. "L'approche des marchés par l'artisan doit être différente. Mais ils doit conserver la maîtrise de son marché." Dans un contexte où la défiance des clients envers les artisans est visiblement de plus en plus fréquente.

 

L'atomisation du secteur du bâtiment, un obstacle

 

C'est l'exemple de Didier Demercastel, P-DG de la société Chamois constructeur, basée en Rhône-Alpes, qui a été mis en avant dans le cadre des échanges sur ce hub. Il a la particularité d'avoir monté un modèle d'entreprise générale, ces cinquante dernières années, lui permettant de maîtriser un maximum d'aspects d'une rénovation de manière à assurer au client final un niveau de qualité et une amélioration de la valeur de son patrimoine. Il différencie l'entreprise multi-compétentes, particulièrement adaptée aux clients particuliers, des entreprises spécialisées, plus adaptées à un marché 'b to b'. "Nous ne bâtirons aucune stratégie de rénovation ambitieuse avec des entreprises du bâtiment atomisées disposant en moyenne de trois salariés", assure-t-il. Mais il souhaite parler de co-traitance plutôt que de sous-traitance pour l'artisan. Que faut-il entendre par 'co-traitance' ? "Une ou deux TPE peuvent apporter un marché auquel elles n'ont pas la possibilité de répondre dans son entièreté à une entreprise multi-compétente. Celle-ci intègrerait l'ensemble de l'opération, mais rémunèrerait à bonne hauteur les artisans apporteurs d'affaire", propose-t-il.

 

"Nous devons convaincre les acteurs de proximité à entrer dans la dynamique"

 

Il paraît également indispensable à l'entrepreneur de disposer d'un interlocuteur unique, non seulement pour assurer un service de qualité au client final, mais aussi pour disposer de la garantie de bon achèvement et respecter plus généralement le CCMI. "Avec 1.000 entreprises comme la mienne nous pourrions atteindre les objectifs de rénovation. Quand tous les acteurs ne sont pas réunis autour d'un projet de rénovation, on le sait, ça finit par coincer." Pour sa part, il dispose au sein de Chamois constructeurs d'architectes, d'ingénieurs, en plus de l'équipe habituelle sur la phase construction.

 

"Nous n'atteindrons pas les objectifs de la rénovation énergétique sans que les acteurs se mettent ensemble autour du projet", confirme Sabine Basili, vice-présidente de la Capeb. "Nous devons à présent convaincre tout le monde, notamment les structures de proximité (entreprises, mais aussi architectes, bureaux d'études...) à entrer dans la dynamique." Pour autant, elle considère que le modèle déployé par Chamois constructeurs ne pourra pas se généraliser. "De nombreux travailleurs indépendants ne veulent pas être salariés", rappelle-t-elle. "Par contre, nous pouvons dégager sur les territoires des leaders et monter des groupements." Une solution qui paraît possible, puisque selon même Didier Demercastel, "que l'on soit en société anonyme ou en coopérative, peu importe", du moment que l'on applique la méthode (intégration des différentes compétences et interlocuteur unique, notamment).

 

Ce Hub sera en phase d'amorçage en 2020, avec un premier budget de 300 à 500.000 euros alloué par l'initiative européenne "Un million de logements à énergie zéro", 100.000 euros de la préfecture de région. La Capeb pourrait abonder, ainsi que d'autres partenaires comme Engie ou Saint-Gobain. L'idée serait ensuite de passer au concret, et de montrer par l'exemple, via des chantiers démonstrateurs, qu'il est possible de rénover moins cher, et de manière plus efficace et plus massifiée. "Nous devons démontrer aux pouvoirs publics que nous sommes en mesure de faire autrement que nous le faisions avant, tout en gardant la maîtrise du marché", résume Patrick Liébus.

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