ANALYSE. Le projet de loi de finances pour 2019 vient d'être révélé par le Gouvernement. CITE, prélèvement à la source, transition énergétique... De nombreuses dispositions concernent directement le secteur de la construction.

Le projet de loi de finances pour l'année prochaine vient d'être présenté par le Gouvernement, ce 24 septembre 2018. De très nombreuses dispositions prévues concernent directement le secteur de la construction et de la transition énergétique. Batiactu vous en propose un tour d'horizon.

 

Crédit d'impôt pour la transition énergétique

 

Comme annoncé ces dernières semaines, le Crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) ne sera pas, comme c'était prévu, transformé en prime au 1er janvier 2019. Il est prorogé, à hauteur de 800 millions d'euros (alors que le budget alloué en 2016 et 2017 était de l'ordre de 1,7 milliard). Le PLF 2019 nous précise que le CITE sera bien transformé en prime, mais pas en 2019, et que cette prime concernera les ménages les plus modestes - on sait que le CITE était un outil d'abord employé par les ménages les plus aisés, payant des impôts, en général mieux informés des aides existantes, et ayant assez de trésorerie pour déclencher les travaux.

 

Le PLF ne donne aucune indication sur le champ d'application du CITE pour 2019. D'après Les Echos, le Gouvernement n'a pas prévu de réintroduire les fenêtres. Mais une concertation avec les acteurs devraient être menée "dès que possible". Rien ne semble donc tout à fait joué.

 

 

Eco-PTZ

 

L'éco-prêt à taux zéro est prolongé de trois ans, jusqu'en 2021, sous une forme "simplifiée et renforcée".

 

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

 

Comme annoncé précédemment, les tarifs réduits de TICPE seront supprimés. D'après les pouvoirs publics, "ils ne se justifient plus sur le plan économique, sont en contradiction avec nos objectifs environnementaux et son incohérents avec l'alignement de la fiscalité du gazole sur celle de l'essence à l'horizon 2021 décidé dans le cadre de la loi de finances pour 2018". Cette décision devrait rapporter 1 milliard d'euros l'an prochain.

 

Chèque énergie

 

L'État a décidé de porter le montant moyen du chèque énergie de 150 euros par an à 200 euros. Cela devrait bénéficier à 3,7 millions de ménages. "Environ 740 millions d'euros de chèques seront émis en 2019 contre 560 millions d'euros en 2018", précise le Gouvernement.

 

Soutien aux ENR

 

"En cohérence avec la présentation de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) à venir, un budget de plus de 7,3 Md€ sera consacré en 2019 au financement des projets d'énergies renouvelables engagés ces dernières années, contre 6,4 Md€ en 2017, via les dépenses du compte d'affectation spéciale 'Transition énergétique'", explique le Gouvernement.

 

Agence nationale de l'habitat (Anah), rénovation urbaine

 

Le Gouvernement annonce une "sécurisation" des financements de l'Anah, à 110 millions d'euros "tout en augmentant ses recettes affectées issues de la taxe sur les logements vacants (+40 millions d'euros) et celles issues des 'quotas carbone' juqu'à 420 millions d'euros", précisent les pouvoirs publics. Deux objectifs : augmenter le nombre de logements rendus accessibles et financer 75.000 passoires thermiques par an.

 

Fonds national d'aide à la pierre (Fnap)

 

Il est prévu, avec les 450 millions d'euros du Fnap, de financer 40.000 logements très sociaux et 80.000 logements au total pour les étudiants.

 


Budget du ministère de la Cohésion des territoires


Le budget affecté au ministère de la Cohésion des territoires, en charge du logement, baissera de plus d'un milliard d'euros, dont 900 millions grâce à la réforme des APL. Le montant de ces dernières sera en effet calculé sur la base des ressources actuelles des bénéficiaires, et non plus celles touchées deux ans auparavant.

 

Heures supplémentaires

 

Le Gouvernement propose d'exonérer totalement la part salariale des cotisations d'assurance vieillesse de base et complémentaire sur les heures supplémentaires et complémentaires à compter du 1er septembre 2019.

 

Coût du travail

 

Le Gouvernement souhaite, à compter du 1er janvier 2019, transformer le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) en un nouvel allégement de cotisations d'assurance maladie de 6 points pour les rémunérations allant jusqu'à 2,5 Smic. "Ce dispositif sera renforcé dès le 1er octobre 2019 par une augmentation d'environ 4 points du barème des allégements généraux au niveau du Smic, dégressive jusqu'à 1,6 Smic." D'après un exemple chiffré du Gouvernement, pour un salarié à temps complet au Smic, "le nouveau barème d'allègement général des cotisations introduit à partir du 1er octobre 2019 permettra une baisse du coût du travail de 183 € (soit -0,9%)". "La baisse du coût du travail s'élèvera à 122 € (-0,5 %) pour un salarié à temps complet à 1,2 Smic."

 

RÉACTIONS

 

La Fédération française du bâtiment (FFB) parle d'une "grande stabilité" du PLF 2019 en ce qui concerne les marchés du bâtiment, d'après un communiqué de presse diffusé le 24 septembre. Les professionnels du secteur se félicitent évidemment du maintien des taux réduit de TVA. Mais s'inquiète du fait que "la dégradation déjà à l'œuvre sur les marchés du logement ne sera pas compensée" par le maintien des aides.

 

Un "CITE dégradé"

 

Et regrette le maintien d'un CITE "dégradé". "Alors que la suppression de l'éligibilité des fenêtres et chaudières performantes au fioul avait été présentée comme une mesure transitoire, dans l'attente d'une étude de l'Ademe et du CSTB permettant de rebattre les cartes en faveur d'une rénovation énergétique plus efficace [lire notre article ici, NDLR], le projet de Loi de finances reconduit simplement le 'CITE dégradé' en 2019 et prévoit une transformation en prime réservée aux plus modestes en 2020." "A force de valse-hésitation sur les aides, le marché de la rénovation énergétique va se trouver profondément affecté, au risque de s'écarter définitivement des promesses de l'accord de Paris", avertit Jacques Chanut, président de la FFB. "Le ministre de la Transition énergétique et solidaire, François de Rugy, a toutefois ouvert une fenêtre de négociation sur l'avenir du CITE [lire notre article ici, NDLR]. La FFB compte bien se saisir de cette opportunité pour parvenir à un dispositif plus équilibré et plus pertinent."

 

Pour Jean-Baptiste Lebrun, directeur du Réseau pour la transition énergétique (Cler), "le dé-tricotage de la loi de transition énergétique se poursuit", est-il affirmé dans un communiqué de presse. "Le gouvernement ne prévoit pas de financer les prétendues priorités du quinquennat - la rénovation des bâtiments et la lutte contre la précarité énergétique par exemple - et ne donne aucun moyen aux territoires pour qu'ils mettent en œuvre la transition énergétique sur le terrain. Ce désinvestissement est symptomatique de l'incohérence de l'action gouvernementale dénoncée par Nicolas Hulot lors de sa démission."

 

"Lé détricotage de la loi pour la transition énergétique se poursuit"

 

L'initiative Rénovons a également réagi aux annonces gouvernementales par communiqué de presse. "Pour les organisations membres de Rénovons !, la division par deux, depuis 2018, du budget global du Crédit d'impôt transition énergétique, principal instrument budgétaire de soutien à la rénovation énergétique des ménages en France, puis les annonces du gouvernement par voie de presse concernant le report à 2020 de sa transformation en prime, ne vont pas dans le bon sens", peut-on y lire. "Alors que le respect des objectifs de la loi LTECV demanderait d'investir 4 milliards d'euros
annuellement dans la rénovation des passoires énergétiques, le choix du gouvernement se
limite, tous dispositifs d'aides confondus, à peine à un milliard d'euros (hors CEE) pour tout type de logement privé."

 

Les acteurs formulent ainsi plusieurs propositions pour redresser la barre :

 

- Redéployer la part du budget du CITE précédemment octroyée aux portes, fenêtres et chaudières fioul vers la bonification des aides de l'Anah lorsque les chantiers visent des performances énergétiques élevées (étiquettes DPE A, B, C) et créer un CITE 'précarité
énergétique' compatible avec les aides de l'Anah ;
- Intégrer dans les aides du programme 'Habiter mieux' une couverture de 100% des coûts d'une visite par un opérateur Anah et la réalisation d'un diagnostic socio-technique
complet (énergie-santé-sécurité) pour éliminer un des obstacles du passage à l'action pour
les ménages en situation de précarité énergétique ;
- Relever dès 2019 le montant moyen du chèque énergie à 600€ (au lieu des 200 €
prévus en 2019), pour véritablement sortir de la précarité les ménages qui restreignent leurs consommations où se privent d'énergie.

 

"Si les banques jouent le jeu, bien sûr..."

 

Sur l'élargissement de l'éco-PTZ, le groupe Effy se félicite de ce que "le pragmatisme l'emporte". "Alors qu'ils devaient jusqu'à présent engager un 'bouquet' de travaux, les particuliers qui déclenchent un chantier unique pourront également accéder à ce dispositif de financement", peut-on ainsi lire dans un communiqué de presse. "Pour les plus modestes, cet éco-PTZ simplifié permettra de financer le CITE auquel ils ont droit, la prime CEE et le reste à charge, et doit permettre de déclencher de nombreux travaux, si les banques jouent le jeu, bien sûr...", précise Frédéric Utzmann, président du groupe.

 

La Confédération des PME (CPME) insiste pour sa part sur le fait que la transformation du crédit d'impôt en baisse de charges ne constituera qu'une "mesure ponctuelle de trésorerie et en rien d'un prétendu 'cadeau aux entreprises'". L'organisation reconnaît en tout cas l'intérêt de la poursuite de la diminution de l'impôt sur les sociétés (IS), "dont le taux passera à 31% en 2019". "De même la suppression du forfait social* pour les PME incitera les entreprises à s'engager dans des dispositifs d'intéressement et de participation tandis que l'exonération de charges sur les heures supplémentaires* rendra ces dernières plus attractives pour les salariés."

 

POur résumer, la CPME affirme que les chefs d'entreprise ne sente pas, pour l'instant, "un desserrement de l'étau fiscal qui les étouffe".

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