LOGEMENT. Des experts du CSTB présents à Marseille ce jeudi 29 novembre avec le ministre Denormandie s'interrogent sur une possible défaillance des sols qui pourrait expliquer l'effondrement des immeubles rue d'Aubagne. A l'occasion de cette visite, le ministre a annoncé une aide de 240 millions d'euros pour lutter contre l'habitat indigne.

Julien Denormandie, ministre chargé de la Ville et du Logement auprès de Jacqueline Gourault, la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, était présent ce jeudi 29 novembre à Marseille pour faire le point sur l'évolution de la situation, après l'effondrement de plusieurs immeubles d'habitation extrêmement vétustes qui avait causé la mort de 8 personnes au début du mois. Le ministre a notamment échangé avec les équipes du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) qui ont été mobilisées, à la demande de l'Etat, pour travailler sur les causes du drame. "La durabilité des immeubles n'est pas en cause", a déclaré à la presse Charles Baloche, directeur adjoint du CSTB. Selon l'expert cité par l'AFP, les immeubles effondrés sont "sans fondation, avec des murs directement déposés sur le sol", ajoutant : "Ce mode de construction suppose qu'aucun élément ne soit en position de faiblesse. Si un mur porteur est défaillant, soit par lui-même, soit par le sol, l'effondrement est garanti. Si la maçonnerie est sèche (...), normalement, il n'y a pas de problèmes. On en déduit que le problème vient du sol."

 

 

"Il faut lever un certain nombre d'incertitudes sur les sols"

 

Une situation qui s'expliquerait soit parce que ce dernier est de mauvaise qualité, soit en raison d'un excès d'eau causé par "des canalisations rompues" ou "des eaux de ruissellement qui ne sont pas canalisées comme il convient", a précisé Charles Baloche. Pour Jean-Philippe d'Issernio, directeur à la direction départementale des territoires et de la mer des Bouches-du-Rhône, également contacté par l'AFP, "l'ensemble des immeubles visités (alentour) n'ont pas fait apparaître de risque structurel qui laissait penser qu'ils allaient s'écrouler dans la minute ou dans les heures qui viennent, ils sont maintenant suivis depuis trois semaines et ils ne bougent pas". Pour autant, les habitants évacués ne peuvent pas espérer réintégrer leurs logements : "Je ne suis clairement pas en mesure aujourd'hui de vous donner un délai", a-t-il poursuivi : "Il faut lever un certain nombre d'incertitudes sur les sols". Pendant sa visite de la cité phocéenne, Julien Denormandie a été pris à partie par des habitants inquiets, auxquels le ministre a répondu : "On va pas tout régler du jour au lendemain, il y a beaucoup de choses à faire. Moi je suis là pour appuyer la mairie et la métropole qui sont en charge de ça, pour qu'on aille beaucoup plus vite."

 

Julien Denormandie a néanmoins annoncé une aide de l'Etat à hauteur de 240 millions d'euros, dont la répartition sera regardée de près, via un comité de pilotage dirigé par le préfet. "Je serai très ferme sur le contrôle de la stratégie mise en oeuvre", a-t-il prévenu, tout en promettant "d'autres subventions, dans le cadre de la rénovation urbaine". Durant la conférence de presse qui a suivi sa visite dans la cité phocéenne, Julien Denormandie a également indiqué que le soutien financier de l'Etat serait accompagné d'une "mobilisation de tous les services et agents de l'Etat et la création d'une structure d'aménagement pour la réhabilitation de l'habitat".

 


Le ministre du Logement entend s'appuyer sur la promulgation de la loi Elan et des mesures relatives au sujet (simplification des procédures de redressement des copropriétés dégradées et sanctions contre les marchands de sommeil), et mise aussi sur son plan "Initiative copropriété", sur la requalification de l'habitat dans les centres anciens dégradés et sur l'accélération de la rénovation urbaine, grâce notamment au doublement du budget de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Ces politiques publiques se fixent pour objectif de proposer à terme des procédures plus simples, mobilisant davantage de moyens et d'accompagnement. Julien Denormandie a d'ailleurs procédé ce jeudi à l'installation du comité de pilotage du plan "Initiative copropriétés" pour la ville de Marseille.

 

Un plan à 600 millions d'euros répartis entre l'Etat, la métropole et les autres collectivités

 

Plus tôt dans la journée, la présidente du département des Bouches-du-Rhône et de la métropole Aix-Marseille Martine Vassal a proposé un plan de 600 millions d'euros pour combattre ce fléau, particulièrement présent dans le centre-ville de la cité phocéenne. La présidente du département souhaitait que l'Etat assume une enveloppe de 229 millions, que la métropole en fasse autant, et que le reste soit réparti entre les autres collectivités. Les nominations d'un préfet délégué à la lutte contre l'habitat indigne et d'un vice-procureur chargé du même sujet, ont également été évoquées lors de la visite avec Julien Denormandie.

 

D'autres pistes évoquées, comme le "permis de confiscation"

 

 

La métropole Aix-Marseille-Provence, pour sa part, a déjà mis en application plusieurs mesures, comme l'expertise d'une centaine d'immeubles frappés d'une déclaration d'arrêté de péril. Martine Vassal a cependant évoqué d'autres pistes, à l'instar d'un "permis de confiscation" des biens immobiliers pour les "propriétaires voyous" et les marchands de sommeil ne réalisant pas les travaux de rénovation nécessaires. D'ici au printemps 2019, des "Assises territoriales de l'habitat" seront également lancées.

 

Jacqueline Gourault et Julien Denormandie ont récemment envoyé un courrier commun à Jean-Claude Gaudin et à Martine Vassal pour leur assurer que l'Etat apporterait "un accompagnement" sur "la mise en sécurité des habitations, l'accélération de la mise en œuvre du plan 'Initiative copropriétés'", ainsi qu'une "lutte sans merci contre les 'marchands de sommeil'". Quant à la municipalité marseillaise, elle a précisé dans un communique qu'elle "s'engagera pleinement dans la mise en œuvre" de ces dispositifs "en attendant les mesures concrètes que Julien Denormandie pourrait présenter au nom de l'Etat […] lors de sa visite à Marseille". Depuis le drame de la rue d'Aubagne, la préfecture des Bouches-du-Rhône a procédé à l'évacuation de 193 immeubles vétustes, ce qui représente 1.482 personnes prises en charge, selon le dernier bilan publié.

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