OBJECTIFS. Amiante, chutes de hauteur, travail illégal : les priorités pour l'inspection du travail sont claires et concernent pour une grande part le secteur de la construction. Les objectifs chiffrés sont nombreux. Détails.

Chutes de hauteur, amiante, travail détaché, travail illégal : les priorités 2019 de l'inspection du travail, dévoilées ce 10 avril 2019 au ministère de la Santé, font la part belle au secteur de la construction. Les objectifs chiffrés parlent d'eux-mêmes : 300.000 interventions tous secteurs confondus, dont 24.000 interventions de contrôles sur le travail illégal, 40.000 interventions au sujet des chutes de hauteur, 20.000 sur le thème de l'amiante.

 

"Les chutes de hauteur ont été à l'origine de 318 accidents du travail, dont 49 mortels", rappelle la Direction générale du travail (DGT). Les causes les plus souvent identifiées sont connues : absence de garde-corps, défaut de harnais ou échafaudage instable.

 

Le problème de l'amiante "est devant nous"

 

Quant à l'amiante, il est à l'origine "d'un millier de décès par an". Les inspecteurs interviendront sur sur des chantiers de retrait d'amiante. Mais les chantiers de couverture seront particulièrement ciblés, puisque comme on le sait c'est surtout le second œuvre qui est exposé à ce matériau aujourd'hui. Les déchetteries devraient aussi faire l'objet de contrôle. "Le problème de l'amiante est devant nous", a répété Laurent Vilboeuf, directeur adjoint de la DGT.

 

 

La conférence de presse a également été l'occasion de revenir sur l'année 2018, durant laquelle 274.544 intervention ont été effectuées (dont 11.515 sur les chantiers de désamiantage, 26.709 sur la prévention des chutes de hauteur, 20.366 sur les règles de détachement et 33.691 sur le travail illégal). Pour quelles suites ? Yves Struillou, directeur général du travail, a répondu : "Nous avons comptabilisé 5.752 arrêts d'activité ou de chantier, lorsqu'un inspecteur a repéré un danger grave et immédiat ; 4.805 mises en demeure, 4.964 procès-verbaux et 1.644 sanctions administratives." Les signalements au parquet se sont situés à 715, et 368 dossiers sont traités par le bureau de liaison européenne - probablement pour des faits liés au détachement.

 

La carte BTP est-il un outil efficace pour lutter contre le travail illégal ?
Questionné par Batiactu au sujet de la carte d'identification du BTP, créée en 2016, le directeur adjoint de la DGT a répondu. "C'est une demande de la profession. Cet outil s'est déployé correctement, il y en a aujourd'hui plus d'un million, y compris pour des travailleurs détachés. Elles sont dotées d'un 'flashcode' permettant d'avoir rapidement accès, via un téléphone, aux informations sur le salarié - même si a connexion avec la Déclaration sociale nominative n'est pas encore faite. Cela nous permet de vérifier la validité du titre et participe ainsi à la lutte contre le travail illégal."

 

Une autorité européenne sur le travail détaché

 

En matière de détachement des salariés, la DGT espère que la création d'une autorité européenne du travail permettra de mieux enquêter sur les schémas complexes utilisés par les fraudeurs. "Nous espérons que cela permettra des contrôles conjoints et coordonnés, que cela facilitera l'échange d'informations entre les différents services nationaux", illustre Yves Struillou. "Il faut que la coopération ne soit plus à la discrétion des États. Avec certains d'entre eux, les échanges sont fluides. Avec d'autres, c'est moins facile, les délais sont plus longs. L'autorité devrait faciliter cette régulation."

 

Contrôle du travail détaché : un témoignage publié sur Mediapart
Le journal en ligne Mediapart a publié un long article sur le mal-être des salariés au sein de l'inspection du travail. On peut notamment y lire cette intervention de Dominique Rolls (syndicat SNU), à propos du contrôle des travailleurs détachés : "On va aller sur un chantier, pour contrôler à la chaîne les déclarations de détachement. Mais on n'a pas les moyens de contrôler efficacement les salaires, le versement réel des cotisations sociales, ni de trouver qui est le véritable patron, où est basée la société en Europe, etc. Tout cela est d'une grande hypocrisie."

 

"Dans l'ensemble, comparé à l'évolution des effectifs de la fonction publique, l'inspection du travail est épargnée"

Enfin, la question des effectifs de la DGT pour remplir ces objectifs a été abordée, alors qu'un communiqué de la CGT se montre offensif : "Cette communication qui vise à donner l'illusion que l'inspection du travail dispose des moyens d'agir et qu'elle va pouvoir faire davantage que l'année passée est une escroquerie : car dans le même temps le ministère du Travail supprime des postes en masse dans nos services", peut-on notamment y lire. Yves Struillou a tout d'abord rappelé l'évolution du nombre de contrôles ces dernières années. Ils étaient en 2010 à 369.000, puis sont descendus à 202.000 en 2015 (point bas). La remontée a lieu depuis, avec donc l'objectif de retrouver 300.000 en 2019. En matière d'effectifs, le nombre d'agents de contrôles est passé de 2.249 en 2010 à 2.137 fin 2018. "Dans l'ensemble, comparé à l'évolution des effectifs de la fonction publique, l'inspection du travail est épargnée", assure Yves Struillou. "Notre nombre d'agents se cale sur la norme internationale de référence en la matière, soit 1 agent pour 10.000 salariés."

 

Un "vaste réseau d'entreprises détachant illégalement des salariés"
La DGT donne l'exemple d'une entreprise de travail temporaire slovaque, aux pratiques frauduleuses. "Elle détachait des travailleurs (une trentaine au total) auprès d'une dizaine d'entreprises du bâtiment, du département et des Bouches-du-Rhône mais n'exerçait aucune activité dans son pays de domiciliation et n'avait donc aucune raison d'y installer son sièges si ce n'est de contourner la réglementation", explique la DGT. "Les poursuites engagées ont abouti à la condamnation de l'entreprise et de son gérant à une amende de 14.000 euros, à 4 mois de prison avec sursis et au paiement de 1.379.000 euros de cotisations sociales. L'affaire a en outre mis à jour un vaste réseau d'entreprises détachant illégalement des salariés, pour lequel une procédure pénale a été ouverte."

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