CONJONCTURE. Lors de sa présentation du marché tricolore de l'immobilier, le groupe Horizon a détaillé le bilan et les perspectives du secteur. Entre le neuf et l'ancien, à l'échelle du pays ou de l'Ile-de-France, les segments affichent des activités disparates. L'environnement financier est toujours favorable, mais le contexte législatif s'illustre par des contradictions.

Le groupe Horizon, spécialisé dans le développement et le financement d'opérations immobilières, a tenu un point conjoncture sur le marché hexagonal, avec un focus sur l'Ile-de-France. Se basant sur des sources recoupées - Insee, Notaires de France, mais aussi des observatoires, des sites Internet comme SeLoger, des réseaux comme la Fnaim, ou encore la FPI (Fédération des promoteurs immobiliers) -, Horizon dresse avant tout un constat de disparité entre les différents types de marchés analysés à l'échelle nationale comme francilienne. Mehdi Gaiji, président et co-fondateur du groupe, et directeur de la gestion : "En France, le segment du logement ancien a enregistré un nombre de ventes record en 2017, avec 968.000 transactions, soit un bond de 14% en un an. En avril 2018, nous avions déjà comptabilisé 953.000 ventes, ce qui représente un très léger repli de 0,4% en un an. La progression est constante, le volume de transactions reste important, et un pic a incontestablement été atteint en 2017".

 

 

Au niveau de l'Ile-de-France, Horizon note toutefois un ralentissement des ventes : après avoir effectué 186.000 transactions en 2017 (+18% en un an), ce marché ne totalisait que 43.680 ventes au 2e trimestre 2018 (-6% en un an). Quant au niveau des prix, la hausse est là aussi contenue : bien que la tension sur l'ensemble de la région francilienne et notamment sur Paris reste "à son apogée" depuis la crise financière de 2008, Mehdi Gaiji tient à relativiser : "A Paris, sur 10 ans, l'indice des prix de l'immobilier a explosé de 41,5%, pour atteindre les 9.300 € le m², pendant que l'Ile-de-France bondissait de 25,4%. Mais ces chiffres sont à mettre en corrélation avec le taux d'inflation cumulée de +10% sur la même période, ce qui nous fait constater que l'immobilier francilien progresse 2,5 fois moins vite que la hausse des prix". Le segment de l'immobilier ancien affiche donc globalement un niveau de transactions élevé, mais il reste porteur de plus-value surtout en région parisienne.

 

L'immobilier neuf a atteint un pic

 

Concernant le marché du neuf, la France se distingue là encore par une année 2017 record, même si la dynamique s'avère plus modérée que sur l'ancien, et en léger repli depuis la fin de l'année dernière. En 2017, 273.000 ventes ont été réalisées (+5% en un an), mais une baisse de 4% a été observée au 1er semestre 2018. "Il y a eu beaucoup d'à-coups, des hauts et des bas sur une seule année", note Mehdi Gaiji. "Un premier tassement est constaté depuis 2017 ; nous pensons en fait qu'un certain pic a déjà été atteint sur ce marché." L'Ile-de-France a également connu une année 2017 faste, bien que les volumes de ventes aient rencontré un léger ralentissement en fin d'année. Sur les 6 premiers mois de 2018, 57.994 transactions ont été enregistrées, par rapport aux 65.928 mises en vente du 1er semestre 2017, soit une diminution de 12%. Et l'évolution des prix dans tout cela ? "Elle est restée mesurée en 2017, compte tenu du dynamisme des ventes. On n'enregistre plus de hausse des prix à Paris et dans les Hauts-de-Seine." Bref, l'immobilier neuf a atteint un pic, aussi bien au niveau des prix que des volumes de ventes.

 

La confiance reste de mise

 

Voilà pour les indicateurs du marché. Mais qu'en est-il de l'analyse conjoncturelle et structurelle de cette tendance ? Le groupe Horizon a étudié les facteurs-clés qui composent l'environnement financier de l'immobilier, à commencer par les taux d'intérêt. "Ils n'ont jamais été aussi bas, et nous prévoyons qu'ils le resteront pendant encore trois ans", insiste Mehdi Gaiji. "Cela demeure le premier moteur du marché immobilier en 2018. Car en dépit de l'inflation, ils préservent la solvabilité des primo-accédants, bien qu'ils ne puissent plus élargir la base de l'accession." Horizon estime que la confiance reste de mise dans l'immobilier : une majorité de Français penseraient que la conjoncture est favorable, au vu des taux très stables, de la durée des prêts qui a tendance à s'allonger, et de la concurrence bancaire féroce.

 

Une volonté politique contradictoire

 

Pour ce qui est du contexte législatif et réglementaire, l'analyse est par contre plus mesurée. En effet, Horizon rappelle que la loi Alur (Accès au logement et un urbanisme rénové) de 2014 a introduit des mesures bénéfiques, comme la régulation d'un grand nombre d'acteurs et de paramètres du secteur, l'encouragement à simplifier les démarches et à soutenir les expérimentations, ou encore la suppression du COS (Coefficient d'occupation des sols) et de la superficie minimale des terrains constructibles. Puis 2018 a vu l'arrivée de la loi Elan (Evolution du logement, de l'aménagement et du numérique), dont un consensus a été acté en commission mixte paritaire. Ce texte prévoit, entre autres, un assouplissement général des normes, un regroupement des organismes HLM ainsi que la mise en vente de 40.000 logements sociaux par an. De plus, Elan veut faciliter la transformation de bureaux en logements, sachant que 4 millions de m² de bureaux seraient vacants à l'échelle du pays.

 

Ceci dit, Horizon considère que la trajectoire politique reste contradictoire, avec d'un côté des mesures phares permettant certes d'améliorer la vision du marché, mais de l'autre des décisions restrictives qui risquent de bloquer la confiance : "Les points positifs pour le marché de l'immobilier comprennent notamment la RT 2020, le prolongement du dispositif Pinel jusqu'à la fin décembre 2021 et son recentrage sur les zones tendues, ainsi que la prorogation du PTZ pour quatre ans, lui aussi refocalisé sur les secteurs les plus en difficulté", énumère Mehdi Gaiji. "En revanche, nous avons aussi listé un certain nombre de points négatifs, à l'instar de la baisse des aides personnalisées au logement (APL) versées aux locataires du parc social. On peut aussi citer le déclenchement du supplément de loyer de solidarité pour certaines catégories de ménages, sans oublier l'instauration de l'IFI - Impôt sur la fortune immobilière - qui donne un mauvais signal aux potentiels investisseurs."

 

Le Grand Paris Express, des opportunités… et des risques

 

Un autre sujet d'actualité incontournable pour le marché francilien est bien sûr la réalisation du Grand Paris : représentant près de 35 milliards d'euros d'investissements, cet énorme chantier métropolitain doit engendrer, avec le Grand Paris Express, la construction de 68 nouvelles gares et de 200 km de lignes de métropolitain supplémentaires. De même, le besoin annuel de logements à construire est chiffré à 70.000 d'ici 2030. Pour autant, Horizon se montre prudent quant aux finalités de ce méga-projet : "Nous attirons l'attention sur le risque d'exclusion sociale, dans la mesure où les populations aux revenus modestes risquent d'être repoussées en-dehors de la zone-centre, ainsi que sur l'inadéquation entre l'offre et la demande, en ce sens que la création de logements doit répondre à une véritable demande, inscrite dans la durée". D'une manière générale, le tassement du marché immobilier, conjugué à un besoin élevé de logements et à un recul des financements publics, font donc dire au groupe spécialisé que la contradiction est au rendez-vous dans le secteur.

 

 

Les financements, point névralgique

 

Dès lors, quelle stratégie adopter ? Selon Horizon, les acteurs du marché de l'immobilier français se décomposent en quatre grandes catégories, à savoir les grands groupes et promoteurs internationaux, les promoteurs nationaux, les promoteurs locaux et enfin les bailleurs sociaux. Cependant, les deux dernières catégories sont confrontées à un assèchement de leurs fonds propres, d'où la recherche de nouvelles alternatives. Arnaud Monnet, directeur général et co-fondateur du groupe Horizon, également directeur du développement : "Les acteurs de l'immobilier doivent répondre à une problématique commune et centrale : le financement des opérateurs, qui est le vrai point névralgique. Pour cela, on peut recourir aux fonds propres, aux leviers bancaires ou encore aux capitaux externes. La situation actuelle n'est pas nouvelle en soi, mais peut-être a-t-on effectivement atteint un certain plafond d'investissements dans ce domaine. Il faut maintenant mieux identifier les acteurs et répondre à cette problématique".

 

D'après les spécialistes d'Horizon, plusieurs situations inhérentes au marché français sont à prendre en considération : les typologies de fonciers y sont spécifiques, sachant par exemple qu'on compte beaucoup de parcelles de 1.000 m² disponibles dans une région comme l'Ile-de-France ; ensuite, les constructions réalisées dans l'Hexagone ont peu d'étages, en comparaison à d'autres métropoles où les bâtiments sont bien plus hauts, comme New York ou Shanghai. Par ailleurs, les opérations ne peuvent plus être "monoblocs" : les projets sont de plus en plus mixtes, c'est-à-dire mêlant logements, commerces, bureaux… Dans ce contexte, la phase de développement serait le moment-clé pour les financeurs : "La solution est de renforcer l'accompagnement des investisseurs immobiliers", reprend Arnaud Monnet. "C'est lors de la phase de développement qu'il faut consolider l'opération : l'acquisition du foncier et/ou du bâti, le développement technique, la commercialisation des biens… voilà les axes à améliorer."

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