AIDES. La politique du "quoi qu'il en coûte" commençant à coûter cher, et les fraudes ayant tendance à se multiplier, l'Administration resserre les contrôles sur les demandes d'indemnisation au titre du Fonds de solidarité.

Ouvrir le robinet des finances publiques pour soutenir une économie brutalement impactée par une pandémie et les restrictions sanitaires qui l'accompagnent est une chose, mais Bercy s'inquiéte des conséquences d'une telle politique sur les comptes publics. Le Gouvernement commence donc à envisager l'arrêt progressif des dispositifs d'aide mis en place depuis mars 2020 pour épauler les entreprises dans la tempête économique du Covid, les observateurs s'interrogeant quant à eux sur les modalités du futur "débranchement" de cette perfusion. Parmi ces mesures de soutien, le Fonds de solidarité, destiné aux indépendants et d'abord d'un montant maximal de 1.500 euros mensuels, a vu son plafond être repoussé à 200.000 euros en décembre 2020. Au cours du dernier mois de l'année, l'Administration a dû plancher sur 750.000 demandes d'indemnisation : 450.000 ont effectivement donné lieu à un paiement (dont 271.000 pour des montants inférieurs à 1.500 euros), 110.000 ont nécessité un examen approfondi et 190.000 ont été refusées. Ce qui, au total, a amené Bercy à verser 2,4 milliards d'euros d'aides au titre du Fonds de solidarité en décembre dernier.

 

 

Or, les professionnels ont constaté un allongement des délais de traitement depuis. L'Administration assure pourtant mettre les bouchées doubles pour éplucher le plus rapidement possible les demandes, et ainsi octroyer les fonds aux entreprises, la plupart des dossiers étant de surcroît traités de manière automatique. Mais "un filtre informatique concernant le chiffre d'affaires" des entreprises formulant une demande d'aide a été ajouté à la procédure de traitement depuis décembre 2020, comme l'explique le directeur général des Finances publiques, Jérôme Fournel, dans les colonnes de Ouest-France : "Nous devons nous assurer que les bénéficiaires soient légitimes à l'obtenir (l'aide). C'est pourquoi nous comparons la demande d'indemnisation du contribuable avec l'activité qu'il a déclarée." Les agents de Bercy demandent dans ce cas des documents complémentaires aux professionnels, comme des factures. Les dossiers refusés, eux, ne sont pas pour autant définitivement rédhibitoires : les entreprises qui n'ont pas été jugées éligibles au Fonds de solidarité peuvent toujours déposer une nouvelle demande ultérieurement en invoquant le "droit à l'erreur".

 

Des fraudes qui se chiffreraient en "dizaines de millions d'euros"

 

 

Mais l'autre sujet sur lequel la Direction générale des Finances publiques (DGFIP) se mobilise, c'est la fraude. Épinglées par Le Canard enchaîné, ces pratiques peu scrupuleuses se chiffreraient en "dizaines de millions d'euros", sachant que "deux millions d'entreprises ont perçu 15 milliards en 10 mois", et ce alors que Bercy "distribue actuellement 4,5 milliards par mois". Interrogé sur le sujet par nos confrères de Ouest-France, Jérôme Fournel reconnaît que ses équipes restent vigilantes : "Nous avons vu des entreprises en sommeil, sans aucune activité, ranimées subitement pour solliciter le Fonds. Ou d'autres réclamer le double du chiffre d'affaires qu'elles ont réalisé. Sans compter des sommes atterrissant sur un compte et repartant instantanément vers une destination lointaine." Des cas de figure qui ont d'ailleurs poussé la DGFIP à transmettre des dossiers "au parquet".

 

Pour l'heure, le ministère de l'Économie assure n'avoir pas encore pu dresser les derniers décomptes des dossiers potentiellement frauduleux. L'Administration veut toutefois se montrer combative : "Nous avons trois ans pour récupérer des sommes, si elles sont indûment versées. Nous irons les chercher", affirme le directeur général des Finances publiques. Qui tient par ailleurs à préciser que les comportements vertueux existent aussi : "Plus de 6.000 entrepreneurs se sont aperçus qu'ils ne remplissaient pas les critères et ont reversé au fisc l'équivalent de 13 millions d'euros". Sollicité par Batiactu sur la proportion de fraudes au Fonds de solidarité dans le BTP, Bercy a indiqué ne pas disposer de données précises par secteur d'activité.

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