URBANISME. L'équivalent de la surface d'un département est artificialisé en France tous les cinq ans. Un mouvement qui s'accélère, en particulier en raison de l'attrait des Français pour les zones pavillonnaires, mais qui va à l'encontre de l'objectif "Zéro artificialisation nette" du plan Biodiversité de 2018…

Ces 30 dernières années, l'artificialisation des sols (et leur imperméabilisation) s'est intensifiée. Le rythme moyen est de 67.000 hectares par an, avec des conséquences directes sur la perte définitive de terres agricoles, de diminution de la ressource en eau potable, d'augmentation de la fréquence des inondations ou de hausse des émissions de carbone liées aux transports quotidiens. Les surfaces bâties et revêtues ont crû trois fois plus vite que la population entre les années 1980 et les années 2010, passant de 3,7 % de la superficie métropolitaine en 1982 à 6,7 % en 2018. En poursuivant la courbe jusqu'en 2030, ce chiffre pourrait dépasser les 8 % !

 

L'habitat individuel diffus, une hérésie écologique

 

Avec les transports (28 %), l'habitat reste le principal facteur d'artificialisation des sols (42 %). La Fabrique écologique souligne même que "l'attraction de la France pour les logements individuels type 'pavillons' accélère le phénomène". Car ces opérations peu denses, prennent la forme de lotissements, impliquant de vastes équipements de desserte (routes, parkings) et le développement en parallèle de surfaces commerciales excentrées. "Ces lotissements accueillent déjà près du tiers de la population française (entre 15 et 20 millions d'habitants)", note le rapport. Les raisons de ce succès sont multiples : le prix de l'immobilier dans les métropoles chasse de nombreux ménages qui souhaitent devenir propriétaires, et la qualité de vie "à la campagne" demeure le rêve de 80 % des familles. L'accroissement démographique, le vieillissement de la population, la hausse du nombre de familles monoparentales et l'augmentation des surfaces par personne contribue à renforcer la tendance au "desserrement" : le nombre de foyers croit toujours plus rapidement. Or, comme le mentionnent les auteurs de l'étude, "l'habitat individuel est particulièrement gourmand, puisqu'il contribue à lui seul à la consommation de 85 % de la surface totale consommée par le logement". Il serait même 15 fois plus consommateur que l'habitat collectif. Des chiffres collectés au Canada (municipalité régionale d'Halifax) montrent que les banlieues ont un coût très lourd pour les finances publiques : par rapport à un quartier central, la charge serait multipliée par 2,5 pour la collectivité. Les dépenses liées aux voiries et réseaux (routes, égouts, eau potable) seraient cinq fois plus élevées en raison de leur étirement, tandis que celles liées aux transports ou aux services d'urgences seraient deux fois supérieures. Et les autres postes seraient également affectés, qu'il s'agisse d'accès à la culture ou de frais de gouvernance. Corollairement, les maisons individuelles diffuses entraînent un recours quatre fois plus élevé à l'automobile, générant une lourde charge financière pour des ménages qui s'en trouvent précarisés.

 

 

Densifier les lotissements ou retourner en ville ?

 

Conscient de ce problème, le gouvernement a présenté, dans le cadre de son plan Biodiversité du 4 juillet 2018, un objectif de "zéro artificialisation nette". Deux types d'économies d'artificialisation ont été identifiés par le Commissariat général au développement durable (CGDD) : "Tout d'abord, des gisements indépendants de la forme de la ville, obtenus par exemple en stabilisant le nombre de logements vacants ou en stoppant la consommation d'espaces dans les communes dont la population décroît". Car, avec la multiplication des résidences secondaires, la décroissance du nombre de résidents permanents n'entraîne pas nécessairement celle de l'artificialisation. Il existerait aujourd'hui 2,7 millions de logements vacants en France, notamment du fait de la dévitalisation de certains centres. Le CGDD estime que ce seul gisement pourrait réduire le phénomène de consommation des sols naturels de 26.000 hectares par an. L'autre gisement identifié est celui du découpage de la ville. "Il s'agirait par exemple de recycler les friches urbaines et de valoriser les dents creuses, ou encore de densifier le bâti existant ou de recomposer le parcellaire". La Fabrique écologique va plus loin et propose "d'accompagner les acteurs locaux dans la mutation des tissus existants". Premièrement, en mettant en place des "contrats de régénération des territoires" pour passer d'une logique privée à la parcelle, à un raisonnement plus collectif à l'échelle d'un îlot ou d'un quartier. Des guichets uniques mutualisant toutes les aides publiques existantes pourraient y être implantés. Deuxièmement, en développant "une culture du projet urbain collectif et durable dans les territoires de lotissement", par le biais de formations des élus et de leurs services, la mise sur pied d'associations de lotissements pour l'échange et l'information des citoyens ou encore la publication d'un "Guide des bonnes pratiques" et d'un guide de référence du foncier pour révéler les potentialités locales. Des initiatives suffisantes pour ralentir la boulimie française des terrains ?

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