ÉTUDE. Jusqu'à quel point les artisans se sentent engagés dans le dispositif gouvernemental de rénovation énergétique s'appuyant sur le système d'aides publiques ? D'après une étude publiée par la société Bigmat, une grande partie des TPE s'en tiennent relativement éloignées.

Dans quelle mesure les artisans du bâtiment sont-ils engagés dans la politique gouvernementale de rénovation énergétique, portée par les aides publiques telles que MaPrimeRénov' ou les certificats d'économie d'énergie (CEE) ? Une étude, publiée par Bigmat et réalisée récemment par Opinionway auprès de 505 TPE du secteur (1), vient apporter des éléments de réponses. Il en ressort en premier lieu que les deux tiers (66%) des sondés considère que le système d'aides est "compliqué". C'est, on le sait, la principale raison pour laquelle les entreprises artisanales se détournent de MaPrimeRénov', des certificats d'économie d'énergie, et plus généralement du label Reconnu garant de l'environnement (RGE), qui ne concerne qu'un peu moins de 60.000 entreprises (à comparer aux 350.000 que comprend le secteur). De nombreux artisans préfèrent ainsi accorder une remise que d'obtenir le RGE pour faire bénéficier leurs clients des aides.

 

66% des artisans ne se sentent pas légitimes pour parler des aides à leurs clients

 

Si une majorité d'artisans considère le système d'aides trop compliqué, ils s'estiment aussi, à 64%, mal informés sur celui-ci. En toute logique, 66% (les deux tiers) ne se sentent donc pas légitimes pour en parler à leurs clients. Et d'après le sondage, seulement un artisan sur cinq (22%) perçoit les aides comme un levier de développement commercial. Malgré tout, 70% des TPE interrogées déclarent proposer à leurs clients des solutions respectueuses de l'environnement, mais elles sont seulement 23% à les recommander systématiquement.

 

 

Ces résultats, plus de dix ans après le lancement du label RGE, des formations Feebat, et de la promotion de l'offre globale, reposent la question de la manière avec laquelle les TPE pourraient mieux être intégrées dans la stratégie gouvernementale de rénovation énergétique. Et ils apporteront probablement de l'eau au moulin des opérateurs de travaux (délégataires de CEE, obligés ou encore enseignes de négoce), en mesure d'effectuer un accompagnement de A à Z du client, obtention des aides comprise, en sous-traitant la partie travaux. La création, dans le projet de loi Climat et résilience, d'un rôle d'accompagnateur rénov' est aussi à mettre en relation avec ces résultats.

 


"Les artisans ont la compétence et la technicité pour jouer pleinement leur rôle", Jean-Christophe Repon (Capeb)

 

Jean-Christophe Repon, président de la Capeb
Jean-Christophe Repon, président de la Capeb © Capeb

 

Les résultats de cette enquête ne surprennent pas Jean-Christophe Repon, président de la Capeb. "Ils correspondent au diagnostic que nous avons fait", explique-t-il auprès de Batiactu. "Entre MaPrimeRénov' et les CEE, le système d'aide est tellement complexe que la priorité des artisans n'est pas de le maîtriser ; ils se concentrent plutôt sur la prescription et leur compétence technique." D'où le fait que de nombreuses TPE ne feraient pas des aides un argument commercial dans le cadre d'une démarche active, "même s'ils répondront à la demande de leur client si ce dernier en a connaissance et souhaite en bénéficier".

 

Pour attirer davantage d'artisans vers le RGE, plusieurs travaux sont menés. En premier lieu, le lancement à l'échelle nationale de l'expérimentation du RGE 'chantier par chantier'. Mais aussi le test, au sein de trois régions, du programme 'accompagnateur des pros', financé par les CEE sous le nom d'Oscar. "Nous l'avions proposé en 2020, avant le rapport Sichel [dont est issue l'idée d'un accompagnateur rénov', NDLR]", précise le président de la Capeb. "La ministre Emmanuelle Wargon y a été favorable. L'idée serait, devant le désamour des artisans pour le RGE, qu'un accompagnateur les aide sur les parties administrative et commerciale."

 

Ces résultats sont-ils à interpréter comme une preuve de la démotivation des artisans par rapport aux enjeux de la rénovation énergétique ? "Pas du tout, cela fait plus de dix ans que nous sommes engagés dans la démarche RGE", répond Jean-Christophe Repon. "Mais le fait est que le marché de la rénovation énergétique émerge seulement maintenant ! De nombreux artisans ont connu une forme de lassitude ces dernières années puisqu'il ne décollait pas ; et ils n'ont certainement pas été encouragés à s'y lancer du fait de la complexité et l'instabilité des aides. Je suis persuadé que les artisans ont la compétence et la technicité requises pour jouer pleinement leur rôle dans ce domaine. Peut-être que l'on a manqué de pédagogie avec eux sur la partie administrative, qui est pourtant, on le sait, le point faible de la TPE. C'est pourquoi il faut mieux les accompagner."

 

(1) Méthodologie de l'étude : enquête réalisée par téléphone entre le 26 avril et le 14 mai 2021 auprès d'un échantillon de 505 entreprises artisanales représentatives des entreprises du secteur de la construction comptant moins de 10 salariés. L'échantillon a été constitué selon la méthode des quotas au regard des critères de région d'implantation et de taille d'entreprise et selon la norme ISO 20252.

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