ANNONCES. Les pouvoirs publics viennent d'annoncer une série de mesures visant à soutenir économiquement les entreprises du secteur de la construction en cette période difficile. Au programme : soutenir les trésoreries, les carnets de commande, et adresser le sujet des surcoûts liés aux mesures sanitaires.

C'est un arsenal de mesures que vient de présenter le Gouvernement, ce 10 juin 2020, pour soutenir les entreprises de BTP en cette période de redémarrage de l'activité. Il est organisé autour de trois axes : soutenir la trésorerie des entreprises, les carnets de commandes, et traiter la question des surcoûts covid. Aujourd'hui, le Gouvernement avance que seulement 1% des chantiers de travaux publics n'ont pas encore repris, et 15% des chantiers de Bâtiment.

 

Ce plan constitue la deuxième phase d'action de l'État, après les aides d'urgence lancées dès fin mars, et en attendant un plan de relance économique qui sera annoncé par le président de la République en septembre, dont un pan entier sera concentré sur le secteur de la construction. Il devrait comprendre notamment des mesures d'investissement public dans la rénovation thermique des bâtiments et la relance du neuf, mais aussi des avancées en matière d'accélération des procédures pour libérer les capacités d'activité, confirme le ministère de la Ville et du Logement.

 

Traiter la question des surcoûts directs

 

Premier sujet que les pouvoirs publics souhaitent prendre en main dès maintenant : la question des surcoûts, et plus particulièrement les surcoûts directs. La maîtrise d'ouvrage d'État (y compris les grands opérateurs comme la RATP, SNCF, ou la Société du Grand Paris par exemple) doit donner l'exemple selon le gouvernement, et renégocier les contrats de travaux pour prendre en compte une partie de ces surcoûts. Un devoir d'exemplarité que Bruno Le Maire avait déjà évoqué dans nos colonnes, qu'une circulaire du 9 juin entérine.

 

 

Du côté des collectivités locales, l'État ne peut pas leur imposer un tel dispositif, mais une instruction a été transmise aux préfets afin d'aider les pouvoirs publics locaux à prendre également en charge une partie de ces coûts supplémentaires. Pour cela, des dotations pourront leur être délivrées à titre dérogatoire, explique le ministère de l'Économie et des Finances.

 

Parvenir à "objectiver" les surcoûts covid

 

La prise en compte des surcoûts indirects, liés à la nouvelle organisation du travail sur les chantiers et à l'impact sur la productivité et les rendements, est en revanche plus complexe à appréhender, et ne fait pas l'objet de mesures spécifiques dans le projet de loi de finances rectificatif 3 (PLFR3).

 

Cependant, un comité de suivi, impliquant les services des ministères de la Cohésion des territoires, de la Transition écologique et solidaire et les fédérations professionnelles, est créé afin "d'objectiver ces surcoûts indirects". Le but est aussi de "donner une référence" pour qu'ils soient pris en compte dans les futurs contrats, publics comme privés.

 

Soutenir la trésorerie des entreprises

 

Le deuxième sujet concerne le soutien à la trésorerie des entreprises. A ce titre, le PLFR3 prévoit différents dispositifs qui d'ailleurs n'intéresseront pas uniquement le BTP. Tout d'abord, les entreprises de moins de 50 salariés qui ont perdu au moins 50% de leur chiffre d'affaires durant la crise sanitaire pourront demander une annulation des charges sociales reportées en mars, avril et mai. Ce qui permettra de donner un peu d'air aux PME.

 

En matière d'assurance-crédit, le Gouvernement va mettre en place une garantie sur les en-cours (le stock) de l'assurance-crédit pour "éviter que les entreprises soient privées de couvertures", ce qui devrait avoir un impact positif sur les trésoreries. Les pouvoirs publics signalent avoir reçu beaucoup de remontées d'entreprises du BTP sur le fait que des assureurs-crédits refusaient de les couvrir par crainte de possibles faillites.

 

Autre moyen de soutenir économiquement les sociétés : le "remboursement anticipé du carry-back", également appelé report en arrière des déficits. Le gouvernement indique qu'il sera désormais possible de "se faire rembourser dès cette année les créances fiscales" créées par ce report, "plutôt que d'attendre 2021".

 

Triplement d'une dotation aux collectivités locales

 

Les fédérations du BTP avaient insisté sur un autre point ces derniers jours : l'investissement, notamment public, doit être relancé rapidement, alors que la baisse des appels d'offre durant la période de confinement laisse craindre un "effondrement de l'activité" à l'automne.

 

Comment l'État souhaite-t-il réagir ? Pour le long terme, il faudra attendre le plan de relance de l'économie, présenté à la rentrée. Pour aider à remplir les carnets à court terme, le gouvernement va augmenter significativement l'enveloppe de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), comme l'avait annoncé le Premier ministre le 29 mai. Elle passera ainsi de 600M€ à 1,6Md€, "ce qui équivaut quasiment à tripler cette dotation", insiste un porte-parole de Bercy. Cette dotation aux collectivités locales doit permettre de soutenir des projets d'investissement sur les territoires. Mais pas n'importe lesquels, puisque les montants seront fléchés vers des projets en lien avec la transition énergétique notamment. Bercy évoque comme cibles possibles la rénovation des bâtiments publics ou du patrimoine.

 

Apprentissage : des primes à l'embauche

 

Le PLFR3 comprendra aussi les mesures annoncées il y a quelques jours par la ministre du Travail en faveur de l'apprentissage. Pour rappel, une prime de 5.000 euros sera accordée aux entreprises pour l'embauche d'un apprenti de moins de 18 ans. Elle s'élèvera à 8.000 euros pour les apprentis majeurs. "C'est un soutien utile pour le secteur du BTP, qui permet d'embaucher un apprenti à un coût moindre", juge-t-on à Bercy.

 

Avec ce milliard de dotation supplémentaire aux collectivités, le gouvernement espère déclencher un effet de levier. En effet, à Bercy, on rappelle que "quand l'État met 1 euro, cela déclenche 4 à 5 euros d'investissement au niveau local". Avec cette enveloppe, ce sont donc 4 à 5Mds€ d'investissements supplémentaires, sur les territoires, et en faveur de la transition écologique, qui sont attendus.

 

Une "attention particulière" à la rénovation énergétique

 

Le Gouvernement accorde aussi une "attention particulière" à la transition énergétique et à la rénovation thermique des bâtiments. Le ministère de la Transition écologique parle "d'éléments plus mous, de l'ordre de la communication", qui se traduisent concrètement par deux démarches. D'abord, une lettre du Gouvernement a été envoyée aux professionnels du bâtiment, que ces derniers peuvent à leur tour envoyer à leurs clients pour les rassurer et les inciter à reprendre leurs travaux en accueillant de nouveau des artisans à leur domicile, dans le respect des précautions sanitaires évidemment.

 

Ensuite, comme l'avait annoncé la secrétaire d'État Emmanuelle Wargon à Batiactu, une campagne presse et télévision sur les chantiers de rénovation va être lancée vers la mi-juin, en reprenant les communications autour de la plateforme Faire et du dispositif "Ma prime rénov'", ceci pour "remobiliser l'épargne des particuliers" et remplir les carnets de commandes des entreprises.

Pas de retour à une TVA à 5,5% pour tous les types de travaux

 

Les dossiers "Ma prime rénov'" ont d'ailleurs continué à être instruits par l'Anah (Agence nationale de l'habitat) pendant la période de confinement, à partir d'avril, ce qui fait dire au ministère que cette nouvelle aide profite d'une bonne dynamique, malgré la crise, et que son déploiement se poursuit comme prévu. Des annonces plus concrètes pour la rénovation énergétique (mais aussi pour la construction neuve) devraient être faites en septembre. L'État n'envisage en tout cas pas de revenir à une TVA à 5,5% pour tous les travaux. "Cela a déjà été expérimenté et n'a pas eu les effets attendus", commente un porte-parole ministériel. Le gouvernement préférera continuer à flécher les aides, pour répondre de façon plus ciblée aux objectifs définis dans les politiques publiques.

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