ENTRETIEN. Eradication des passoires thermiques, rénovation des bâtiments publics, stabilisation des aides, Philippe Pelletier, le président du Plan Bâtiment Durable passe en revue pour Batiactu les différentes annonces faites par le président de la République et les membres du gouvernement. Entretien.

Batiactu : Comment accueillez-vous le Plan Climat que vient d'annoncer Nicolas Hulot ?
Philippe Pelletier : Notre compréhension du projet gouvernemental nous fait dire que dans le champ des bâtiments durables, nous sommes très en phase, et que la méthode est la bonne pour l'appliquer, même si les annonces n'ont été que partiellement confirmées. Trois éléments nous paraissent être les sujets majeurs pour entrer dans la massification des actions : l'éradication des passoires thermiques détenues par des ménages modestes, le focus sur le parc des bâtiments publics - qui étaient un peu à la traîne - et puis, et c'est fondamental, l'essai de stabilisation réglementaire pour les aides à la rénovation sur la durée de tout le quinquennat, avec le besoin de rendre le Crédit d'impôt transition énergétique (CITE) plus efficace en le déclinant peut-être sous forme d'une prime touchée l'année même des travaux plutôt que sur la déclaration de l'année suivante.

 

Batiactu : Sur la lutte contre les épaves thermiques, quel est l'enjeu ?
P. Pelletier : C'est le premier de tous les sujets, pour des raisons écologiques, économiques, sanitaires et sociales. Les populations concernées n'ont que des petits moyens, et toute aide est la bienvenue pour diminuer leur facture d'énergie et leur rendre du pouvoir d'achat. L'impact réel des pathologies que développent les occupants de passoires thermiques a été évalué au Royaume-Uni : il ressort que pour 1 livre investie dans des travaux de rénovation, sont évités 40 cents de dépenses de santé ! De plus ce sont des populations qui se sentent oubliées, dans une France périphérique, en perte de lien social, qu'il faut récupérer. Cela représente entre 2,5 et 3 millions de foyers, ce qui signifie que pour éradiquer ces épaves thermiques dans les 10 ans il faut en rénover 270.000 par an. Or, le programme de l'Anah est à un niveau de 50.000 rénovations par an environ, ce qui n'est pas à l'échelle pour l'instant. Il faut donc revoir le processus pour atteindre l'objectif.

 

Batiactu : Des propositions ont-elles été faites pour y parvenir ?
P. Pelletier : L'Anah doit se spécialiser sur les sujets les plus lourds comme la double problématique de l'amélioration thermique couplée à l'adaptation du logement au handicap ou au vieillissement de ses occupants. Il s'agit d'un enjeu fort que le maintien à domicile et l'agence sait très bien s'en charger. Mais qui d'autre pour les 170.000 logements restant ? Si l'on a 5 ans de visibilité et de stabilité réglementaire, alors nous verrons apparaître des acteurs traditionnels qui développeront une offre sur la rénovation, à l'exemple des «Combles à 1 euro» financées par des Certificats d'économies d'énergie. Les acteurs se financeront de la même manière en assurant un geste technique simple, comme l'isolation des combles perdus, qui amène des diminutions de consommation. Effy en réalise 3.000 par mois ! D'autres acteurs vont émerger et industrialiseront ces actions, on passera ainsi du « sur mesure » au « prêt à porter ». L'objectif de 270.000 rénovations de passoires thermiques par an sera tenu sans passer seulement par l'Anah mais également par des acteurs privés et d'autres dispositifs à définir. Nous proposons nos services pour aider à mettre sur pied une nouvelle gouvernance et une animation du sujet, en rupture avec les méthodes d'hier qui sont peu efficaces.

 

Batiactu : Que pouvez-vous nous dire sur la rénovation des bâtiments publics ?
P. Pelletier : L'exemplarité avait été invoquée au moment du Grenelle de l'Environnement, mais, depuis, nous n'avons rien vu venir. C'était une idée de Jean-Louis Borloo qui avait eu l'excellente intuition que pour faire bouger la société, il fallait que certains précurseurs essuient les plâtres et que cela faciliterait la prise de décision des ménages. En mettant l'accent sur le parc éducatif (écoles, collèges, lycées, universités) on agit sur le pouvoir d'éducation des parents par leurs enfants. Ces derniers deviennent ambassadeurs de la rénovation énergétique et de la maîtrise des comportements dans un bâtiment performant, à l'image du tri sélectif ou de la prévention routière qu'ils apprennent à l'école et ramènent chez eux. Je crois puissamment à cette pédagogie inversée qui est un moyen d'action très fort. Et le Plan Bâtiment Durable est en phase avec ce programme puisque nous avons connaissance de dizaines d'exemples réussis. Le lancement d'un groupe de travail dédié au patrimoine scolaire et éducatif est d'ailleurs à l'étude pour la rentrée, afin de poursuivre notre action.

 

Découvrez la suite de l'interview de Philippe Pelletier en page 2.

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