ÉCOLOGIQUE. Des étudiants sud-africains ont mis au point un procédé de production de briques naturelles en combinant du sable et… de l'urine humaine. Le secret : une bactérie qui reproduit le processus de formation du corail et permet d'obtenir des morceaux de calcaire en quelques jours. Explications.

Les calculs urinaires sont peut-être les premières (petites) pierres d'une révolution dans la construction. En effet, des chercheurs de l'université du Cap (Afrique du Sud) ont réussi à produire des briques au moyen de sable et d'urine humaine grâce à une bactérie contenant une enzyme nommée "uréase". A température ambiante, le microorganisme est capable de transformer l'urée pour obtenir une sorte de ciment (carbonate de calcium) qui liera les grains de sable. Dyllon Randall, l'un des trois scientifiques impliqués, explique : "C'est essentiellement de cette même façon que le corail est fabriqué dans l'océan". Le premier avantage est donc de se passer de toute étape de cuisson dans des fours à 1.400 °C qui consomment de grandes quantités d'énergie et dégagent du CO2.

 

Laisser reposer longtemps dans le moule pour obtenir un produit final solide (et inodore)

 

Le procédé requiert juste un moule, du temps - entre quatre et six jours pour obtenir un matériau solide et potentiellement plus pour parvenir à une solidité à toute épreuve - et une grande quantité d'urine. Environ 20 à 30 litres seront nécessaires pour une seule brique. Se pose alors un problème mathématique : "Sachant qu'un adulte en bonne santé produit en moyenne 1 à 1,5 litre d'urine par jour, et qu'une maison de 100 m² au sol nécessite 1.500 briques, de combien de pauses pipi un couple aura-t-il besoin pour construire son nid douillet ?". Pour l'heure, le procédé sud-africain consiste d'abord à obtenir de l'ammoniac (odorant) qui sera utilisé pour produire un engrais riche en azote. Le carbonate de calcium, quant à lui, sera précipité en bio-brique, aussi solide que des blocs de calcaire. La forte odeur liée au processus se dissipe en 48 heures, assurent les chercheurs. Quant au risque sanitaire, il serait inexistant : "Le processus que nous utilisons dans la première étape tue tous les pathogènes et bactéries nocifs, parce que nous fonctionnons à un pH extrêmement élevé qui a le potentiel de tuer à peu près tout".

 

 

D'où l'idée de recycler le liquide collecté dans les urinoirs notamment, afin d'obtenir rapidement de grands volumes sans pour autant avoir à les séparer d'autres déchets. Cependant l'étape d'industrialisation n'est pas encore à l'ordre du jour. Dylon Randall, Vukheta Mukhari et Suzanne Lambert annoncent déjà travailler à l'amélioration du procédé pour diminuer les quantités nécessaires. D'ici à quelques années, l'idée sera peut-être même compétitive économiquement. Il faudra donc se retenir encore quelques temps avant de pouvoir aller aux toilettes et d'y couler des briques. D'autres usages incongrus de l'urine sont envisagés, dont la production d'énergie (hydrogène) par électrolyse. Comme quoi, ce n'est pas du pipi de chat !

 

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