ETUDE. L'essor de la maquette numérique est, pour la première fois, mesurée quantitativement dans la commande publique par une étude du Conseil national de l'Ordre des architectes. L'intégration du BIM apparaît en progression constante dans les concours de maîtrise d'œuvre.

La révolution numérique est en marche pour le monde du bâtiment en France. Cependant, le Conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA) note que, jusqu'à présent, aucune étude quantitative sur le sujet n'a été menée afin de mesurer l'impact du BIM au sein de la commande publique. Cette prise en compte par la maîtrise d'ouvrage non privée a donc été évaluée depuis la réforme de cette commande publique, au mois d'avril 2016. Comme le note le CNOA, "l'avis de concours est déterminant dans la composition des équipes de maîtrise d'œuvre puisqu'il décrit impérativement les conditions de participation, les critères de sélection, les critères d'évaluation des projets ainsi que la nature de la mission confiée au maître d'œuvre une fois le lauréat désigné". Il permet donc une appréciation des modalités de prise en compte de la maquette numérique.

 

 

Le BIM intégré aux marchés publics dans 8 à 15 % des cas

 

Le conseil note tout d'abord que l'intégration du BIM, "encore très marginale sur les périodes précédentes" est en augmentation constante dans les concours depuis la mise en œuvre de la réforme. Le niveau était de 0,49 % en 2013-2014 et il est aujourd'hui de 8,10 %. Au mois d'avril 2016, moment de l'entrée en vigueur de cette évolution de la commande publique, le chiffre était tout de même déjà de 5,72 %. Une tendance similaire est observée en marché global, où la part d'inclusion du BIM s'élève à 15,34 %. Elle était de 5,39 % en 2013-2015 et s'établissait à 11,74 % au 30 mars 2016.

 

Quelles sont les attentes des acheteurs en matière de démarche numérique ? Dans le processus de sélection, "les maîtres d'ouvrage érigent principalement le BIM comme une condition de participation. La compétence BIM dans l'équipe candidate est ainsi imposée dans 68,75 % des cas". Ensuite, 20 % des concours comportent des critères de sélection relatifs à cette question. Mais un faible nombre d'entre eux sont affectés d'une pondération forte ou d'une hiérarchisation significative du BIM. Quant à la remise de prestations sous la forme de maquette numérique en phase d'évaluation, elle reste "extrêmement marginale", souligne le CNOA. Seuls quelques concours imposent ce format (6,83 % des concours intégrant le BIM mais seulement 0,54 % de tous les concours lancés en France dans les deux dernières années).

 

Sur la nature de la mission confiée, le sondage fait apparaître une relative imprécision dans la majorité des cas (37 %). Le BIM est intégré à la mission de base dans 32 % des projets alors qu'il est considéré comme une mission complémentaire dans 23 % des autres. Plus rarement encore, la maquette numérique fait l'objet d'une option (moins de 7 %). Le conseil national explique : "Il faut noter une traduction particulièrement hétérogène des notions de BIM et de maquette numérique dans les compétences exigées des candidats et la nature de la mission confiée". Il énumère toutes les nuances observées : assistance à maîtrise d'ouvrage BIM, BIM manager, gestionnaire ou coordinateur BIM, démarche ou mission BIM… "Dans plus d'un tiers des cas, alors que l'acheteur y fait pourtant expressément référence comme condition de participation, critère de sélection, voire comme rendu de concours, il est impossible d'identifier la nature de la mission BIM confiée à la maîtrise d'œuvre". La mise à disposition d'un cahier des charges BIM ou de documents précisant ces attentes au stade de la sélection des projets reste "résiduelle" de l'ordre de moins de 10 concours.

 

Quels enseignements en tirer ?

 

 

Géographiquement, la prise en compte du BIM est relativement équilibrée sur l'ensemble du territoire national et cohérent avec la construction publique. Les régions comme l'Île-de-France (22 %), les Hauts-de-France (11 %) ou Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle Aquitaine et Occitanie (10 %) sont les plus peuplées et plus représentées. Sur le terrain, ce sont les collectivités territoriales (conseils régionaux, conseils départementaux, métropoles et intercommunalités) qui portent très majoritairement l'adoption du BIM : 66 % des concours y faisant référence sont de leur fait. Les commandes publiques de l'Etat arrivent en deuxième (19,5 %), devançant les bailleurs sociaux (9 %) et le monde de la santé (3 %).

 

Le CNOA tire plusieurs enseignements de cette étude. Tout d'abord que le degré de maturité de l'intégration du BIM dans les concours de maîtrise d'œuvre est encore faible : "La prise en compte actuelle (…) semble poursuivre une trajectoire similaire à la mise en place des démarches de développement durable dans la construction publique observée il y a quelques années". La plupart des maîtres d'ouvrage seraient encore en phase d'apprentissage avec un certain lot d'approximations. Mais en matière de sélection, la compétence BIM sera requise de la part des agences d'architecture de façon de plus en plus naturelle. "Cela suppose des agences une réflexion structurelle sur les modalités de participation aux concours et un arbitrage entre deux options : intégrer la compétence en interne (…) ou nouer un partenariat fort avec des intervenants extérieurs afin de co- ou sous-traiter", annonce le conseil. Sur la remise des prestations sous la forme d'une maquette numérique, malgré la réforme du droit de la commande publique, l'étude révèle : "Force est de constater que les maîtres d'ouvrage ne se sont pas encore emparés de cette possibilité, sans doute encore difficile à manipuler et juridiquement très encadrée". Car, comme le rappelle l'ordre, l'acheteur ne pourra faire référence qu'au format IFC (norme ISO 16379:2013), le seul permettant de respecter le principe de liberté d'accès. "Toute autre préconisation dans les documents du concours aurait pour effet de le rendre irrégulier", précise-t-il. Les acteurs publics sont donc volontaires mais prudents.

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