EN IMAGES. C'est l'indien Balkrishna Doshi qui vient de se voir remettre le prestigieux prix Pritzker 2018. Le jury a souhaité récompenser une œuvre "sérieuse, jamais tape à l'œil et se moquant des modes". Il est le dernier collaborateur vivant de Le Corbusier, son "gourou", à qui il "doit ce prix".

Le prix Pritzker vient de récompenser pour la première fois un architecte indien en la personne de Balkrishna Doshi, 91 ans. Les membres du jury ont salué par communiqué de presse du 7 mars 2018 "une architecture sérieuse, jamais tape à l'œil et se moquant des modes". "Avec un sens profond de la responsabilité et un désir d'apporter à son pays et à son peuple par la haute qualité de son travail, une architecture authentique, il a créé des projets pour l'administration publique, les infrastructures, des institutions culturelles et éducatives et des résidences pour clients privés, entre autres."

 

Le Corbusier, son "gourou"

 

L'autre atout pointé par le jury est l'attention de Balkrishna Doshi pour l'environnement dans lequel se situe le bâtiment. Son travail est considéré comme "totalement engagé avec l'idée de durabilité", conclut le jury.

 

"Je dois ce prestigieux prix à mon gourou, Le Corbusier", commente l'architecte par communiqué de presse. "Ses leçons m'ont amené à questionner l'identité et m'ont incité à découvrir des méthodes d'habitat durable holistique. Avec toute mon humilité et ma gratitude, je tiens à remercier le jury du Pritzker pour cette reconnaissance qui me touche profondément. Cela réaffirme ma conviction que 'la vie est célébrée lorsque modes de vie et architecture fusionnent'."

 

"Faire oublier le rôle de l'architecture"

 

Une autre idée développée par le lauréat du Pritzker est celle de dire que "la conception de l'architecte transforme les abris en maisons, l'habitat en communautés, et les villes en un aimant à opportunités". Sans oublier le lien à la nature qui lui vient, d'après le communiqué de presse, d'impression d'enfance. "Tous les éléments autour de nous, et la nature elle-même - les lumières, le ciel, l'eau et la tempête - tout est comme une symphonie. Et cette symphonie représente tout ce qu'est l'architecture. Mon travail est l'histoire de ma vie, évoluant continuellement, changeante, occupée à chercher... Chercher pour faire oublier le rôle de l'architecture, et se concentrer uniquement sur la vie."

 

B. Doshi et Le Corbusier
B. Doshi et Le Corbusier © VSF

Le Corbusier était l'un des maîtres de Balkrishna Doshi. On peut les voir ci-dessus ensemble.

 



Balkrishna Doshi : Biographie

 

En 2007, Batiactu consacrait un portrait à celui qui allait être auréolé du Pritzker plus de dix ans après.

 

"Balkrishna Doshi souhaite établir le lien entre l'architecture moderne et les traditions, les besoins urbains et les habitants. Il monte ainsi sa propre agence en 1956 à Ahmedabad, ville à laquelle il consacre ses premiers projets. Il collabore notamment avec Louis Kahn pour la création de campus universitaires. Il crée l'École d'architecture de la ville (1962). Mais il ne s'arrête pas aux frontières de la ville : il participe à l'élan du développement de toute la région du Gujurat dont Ahmedabad est l'ancienne capitale. Ecoles, universités, logements pour ouvriers, nombreux bâtiments publics... Il se montre moderne tout en respectant les habitants.

 

En 1978, il crée la Vaastu Shilpa Foundation pour la recherche et l'étude du patrimoine environnemental et urbain, l'esthétique environnementale, une fondation pionnière sur la planification urbaine et les logements collectifs à prix modérés. Pour l'architecte, tout s'imbrique. Il ne faut pas s'arrêter à une vision limitée : le local et le global, culture, religion, technologies, climat... L'harmonie doit être la meilleure possible. Et aujourd'hui, à 80 ans, il continue sur sa lancée. Il réconcilie modernité architecturale, architecture organique et nécessités écologiques, en optimisant notamment les ressources et les besoins en énergie. N'a-t-il pas imaginé la ville nouvelle de Vidyadhar, qu'il a théorisée dans un ouvrage intitulé La ville modèle énergétique ?

Un parcours exemplaire

Sa carrière, tant nationale qu'internationale, est exemplaire. Professeur émérite de nombreuses universités en Inde, en Europe ou aux États-Unis, juré de concours internationaux, conférencier, il ne se lasse pas de contribuer à faire connaître l'architecture. Et il le fait dans un souci d'ouverture au grand public, souvent oublié, alors qu'il en est le principal intéressé. Pour Benno Albrecht, architecte, "si le débat sur l'architecture durable contemporaine est aujourd'hui si riche dans le monde, c'est parce que des précurseurs comme Doshi ont entrepris 'd'infléchir' les puissants flux mondiaux du développement industriel pour les recentrer au service des sociétés, d'en canaliser les effets pour qu'ils irriguent leur culture et leur économie au lieu de les détruire"."

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