ÉTUDE. Dans son rapport 2018, l'Observatoire des territoires s'est penché sur la question des mobilités résidentielles en France et de leurs impacts économiques et sociaux sur les régions. Le document, riche d'enseignements, nous apprend notamment que la plupart des Français qui déménagent restent dans un périmètre de proximité, et que la crise économique latente a tendance à "figer" les mobilités.

Le rapport 2018 de l'Observatoire des territoires, consacré aux mobilités résidentielles en France et à leurs conséquences économiques et sociales sur les régions, confirme certaines idées reçues mais en écarte d'autres aussi. Dans cette septième édition du document, on apprend par exemple que seulement 11% des Français déménagent chaque année, soit 2 points de plus que la moyenne européenne. De même, environ ¾ de nos compatriotes changent de logement mais restent cependant dans la même commune ou le même département. "La majeure partie des mobilités résidentielles sont des déménagements de proximité", note de fait le rapport.

 

 

Des déménagements de proximité pour l'essentiel, qui concernent davantage les ouvriers que les cadres

 

L'étude de l'Observatoire des territoires s'intéresse également à la répartition sociologique des Français amenés à changer de domicile : en 2014, 14% des ouvriers, des employés et des cadres ont déménagé, mais seulement 20 à 25% des premiers ont changé de département, contre 41% des cadres. Ce qui fait dire au rapport que, "moins on est diplômé, moins on déménage loin". D'une manière plus large, la part des ménages ayant changé de logement a diminué de plus de 4 points entre les périodes 2002-2006 et 2009-2013. L'Observatoire observe en outre une timide réduction du nombre des déménagements de longue distance : dans les faits, 34% des changements de domiciles dépassaient les frontières départementales au début des années 1990, contre 31% à l'heure actuelle. En revanche, à l'échelle des individus, la mobilité s'est relativement amplifiée depuis une cinquantaine d'années : aujourd'hui, un Français sur deux réside dans le département où il est né, contre 61% il y a un demi-siècle. A ce sujet, il convient néanmoins de noter que les statistiques fluctuent d'une région à l'autre : à titre d'exemple, 71% des habitants des Hauts-de-France y ont vu le jour, contre seulement 29% de leurs compatriotes d'Ile-de-France.

 

Par ailleurs, peut-on établir un corollaire entre l'impact des crises économiques et les mobilités résidentielles ? Pas tant que cela, selon l'Observatoire des territoires, qui souligne que le choc pétrolier des années 1970 s'est effectivement traduit par de plus grands déplacements de populations, mais que la situation est toute autre aujourd'hui. La conjoncture actuelle étant marquée par un chômage de masse persistant, bien plus élevé qu'il y a 40 ans, les individus sont beaucoup plus impactés par une immobilité due à l'instabilité globale du marché du travail. Les travailleurs se retrouveraient ainsi "fixés" à cause d'une baisse de leurs revenus et/ou de l'incertitude quant à la pérennité de leur situation.

 

L'Ouest et le Sud contrastent avec le Nord-Est, pendant que les jeunes et les cadres préfèrent les villes

 

Sur le plan géographique, le rapport nous apprend que le contraste ville/campagne n'est finalement pas si prononcé qu'on pourrait le croire. Au contraire, l'Hexagone est majoritairement marquée par l'opposition entre les régions attractives du Sud et de l'Ouest, et les régions du quart Nord-Est qui perdent plus d'habitants qu'elles n'en gagnent. Quant aux départements d'Outre-Mer (hors Guyane), ils affichent toujours une balance migratoire déficitaire. L'Ile-de-France occupe pour sa part une place particulière : elle perd 51.000 habitants chaque année (contre 15.000 au début des années 1970), surtout au profit de la région Centre - Val-de-Loire, soit un déficit migratoire deux fois plus élevé que ceux des Hauts-de-France et du Grand Est réunis. "Au total, entre 2009 et 2014, la moitié des régions françaises étaient en déficit migratoire et l'autre moitié en excédent, les deux ensembles étant schématiquement séparés par la ligne Saint-Malo - Genève", relève le rapport.

 

Enfin, l'Observatoire des territoires s'est intéressé à la répartition spatiale des tranches d'âge : les jeunes adultes, les étudiants et les cadres s'orientent vers les pôles urbains ; les trentenaires, plutôt cadres et professions intermédiaires, se dirigent vers les couronnes périphériques des principales agglomérations ; les ouvriers et les employés déménagent vers certaines couronnes périurbaines. De plus, c'est une population diverse mais tout de même assez âgée qui s'installe dans les espaces ruraux de la moitié Sud du pays, pendant que les retraités choisissent les littoraux et les zones peu denses du centre de la France.

 

"Les mouvements résidentiels segmentent la population plus qu'ils ne la mélangent"

 

 

"Aux échelles régionales et départementales, les disparités de dynamisme migratoire sont de plus en plus fortes. L'héliotropisme et l'attrait pour les littoraux ont façonné au cours des dernières décennies un contraste marqué entre des espaces attractifs au Sud et à l'Ouest, et un Nord-Est qui, hormis en Ile-de-France, souffre davantage d'un manque d'attractivité que de départs nombreux", indique l'Observatoire des territoires dans la conclusion de son rapport 2018. Les enseignements les plus enrichissants, relatifs à la disparité socio-économique de la population française, sont mis en exergue dans la dernière ligne droite de l'étude : "A l'échelle locale au contraire, les disparités de dynamisme migratoire se réduisent entre les différents types de territoires (pôles urbains, espaces périurbains, communes rurales), sous l'effet d'un mouvement de desserrement au long cours de la population. Mais cette extension de l'espace périurbain s'accompagne d'une importante sélection sociale. Par le jeu des mobilités résidentielles, les cadres renforcent leur présence dans les métropoles (via les mobilités des étudiants) et à proximité de celles-ci, quand les ouvriers et les employés investissent davantage les espaces périurbains plus éloignés des pôles et les espaces ruraux."

 

Et l'Observatoire d'achever son propos en dressant un parallèle entre les déplacements de populations et les problématiques du logement : "Ainsi, les mouvements résidentiels segmentent la population plus qu'ils ne la mélangent, notamment sous l'effet des fortes contraintes qui pèsent sur l'accès au logement dans certains territoires".

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