L'enquête sur l'activité de Lafarge en Syrie pourrait être accablante pour le cimentier français : trois ex-salariés syriens viennent d'être entendus et un rapport des douanes conclut que la direction en France avait validé "des paiements aux groupes jihadistes" pour continuer à travailler dans le pays en guerre. Précisions.

Les toutes dernières révélations sur les actions du groupe Lafarge en Syrie semblent accabler de nouveau le groupe cimentier français. Trois ex-salariés syriens de la cimenterie de Lafarge en Syrie ont été entendus cette semaine par les juges d'instruction chargés de l'enquête sur le groupe, mis en cause pour avoir indirectement financé des groupes armés dans le pays, dont l'organisation État islamique, vient de signaler à l'AFP une source proche du dossier.

 

 

L'enquête s'attache notamment à déterminer les liens qu'a pu entretenir le géant du ciment, notamment avec l'EI, pour continuer à faire fonctionner en 2013 et 2014, malgré le conflit, la cimenterie de Jalabiya (nord du pays). Elle porte aussi sur la connaissance qu'auraient eu des responsables du groupe en France de tels accords et du danger qu'ils ont pu faire courir aux employés sur place.

 

Rappelons que dans le cadre d'une enquête ouverte après une plainte de Bercy en octobre 2016, le groupe avait admis en mars 2017 avoir "indirectement" financé des groupes armés en Syrie.

 

Au cours de leurs dernières auditions, les anciens salariés ont confirmé aux juges d'instructions "le caractère accablant des éléments qui pourraient être retenus contre Lafarge", a indiqué à l'AFP leur avocate Marie Dosé. Il s'agit des premières auditions par les magistrats dans cette enquête pour "financement d'entreprise terroriste" et "mise en danger de la vie d'autrui", confiée en juin dernier à trois juges d'instruction. Les ex-salariés, un informaticien, un ingénieur et un employé chargé des emballages dans l'usine, venus spécialement de Syrie pour répondre à la convocation des magistrats, ont été entendus pendant plusieurs heures ce lundi, mardi et mercredi, a précisé la source proche de l'enquête.

 

Pour rappel, une enquête préliminaire par le parquet de Paris, confiée au Service national de douane judiciaire (SNDJ) avait été ouverte à la suite de la plainte déposée par le ministère de l'Economie. Dans son rapport, dont l'AFP a eu connaissance, le SNDJ conclut que Lafarge Cement Syrie (LCS), branche syrienne du groupe, a "effectué des paiements aux groupes djihadistes" via un intermédiaire pour que la cimenterie continue à fonctionner.

 

D'après les informations du journal Le Monde révélées ce mercredi 20 septembre 2017, l'ex-directeur général adjoint opérationnel de Lafarge, Christian Herrault, aurait reconnu que le groupe s'est plié à une "économie de racket", menée par différentes milices armées, pour assurer la circulation de ses marchandises dans le pays.

 

Lafarge aurait versé "20.000 euros par mois" à Daech, selon un de ses ex-responsables

 

"Cela représentait 5 millions de livres syriennes par mois pour Daech (acronyme arabe de l'EI), environ 30.000 dollars, soit l'équivalent de plus de 20.000 euros, poursuit le même journal. L'argent était prélevé directement dans le cash de l'usine et versé à un intermédiaire".

 

LCS en aurait acheté des "en toute illégalité" à des groupes "islamistes, kurdes ou autres", a raconté Frédéric Jolibois, directeur général de LCS à partir de l'été 2014, complète Le Monde. L'enquête suggère aussi que la décision du cimentier de rester en Syrie a reçu l'aval des autorités françaises. "Le Gouvernement n'a jamais incité Lafarge à partir de Syrie, a souligné Christian Herrault, alors que que Frédéric Jolibois a relevé avoir été "régulièrement en contact avec le Quai d'Orsay et la DGSE", d'après l'AFP.

 

Marie Dosé, l'avocate des trois ex-salariés syriens pointe du doigt toute la responsabilité de la hiérarchie au sein de Lafarge. "La seule gestion de Lafarge était une gestion financière en dehors de tout critère humanitaire : le groupe n'a pas hésité à mettre en danger l'intégrité physique de ses salariés et à les exposer au pire", a-t-elle confiée à l'AFP.

 


LafargeHolcim condamne ce jeudi 21 septembre 2017 "les erreurs inacceptables commises en Syrie", au lendemain de la divulgation d'un rapport d'enquête. Dès qu'il a été informé des irrégularités commises en Syrie, le conseil d'administration a tenu à "diligenter une enquête" interne, relève Lafarge, qui a fusionné en 2015 avec le suisse Holcim. Le groupe a aussi mis en place "des mesures afin de renforcer davantage l'efficacité des protocoles et contrôles existants pour assurer une meilleure prévention et détection des éventuels manquements afin qu'une telle situation ne puisse se reproduire", ajoute-t-il à l'AFP.

 

 

 

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