Après les déchets solides, des recherches scientifiques mexicaines tentent de valoriser les déchets liquides issus… du métabolisme des organismes. L'urine produite par les organismes supérieurs recèle en effet d'une grande quantité de composants qui peuvent être séparés par électrolyse et utilisés pour fournir de l'énergie. Découverte.

On ne sait pas comment Gabriel Luna-Sandoval a eu cette idée folle. Peut-être en se cognant la tête contre le rebord des toilettes comme le génial Emmett "Doc" Brown dans Retour vers le Futur ? Mais, après neuf ans de recherche, le scientifique mexicain de l'université de Sonora a finalement mis au point une technique permettant de transformer l'urine en énergie. Par le passé déjà, quatre jeunes Nigérianes avaient mis au point un générateur fonctionnant avec ce liquide, tandis qu'un groupe de chercheurs anglais avaient réussi, en 2013, à alimenter un smartphone grâce à une pile à combustible microbienne…

 

Composé à 95 % d'eau (plus 2 % d'urée et une multitude de composés chimiques divers comme le potassium ou le sodium et les chlorures, sulfates, phosphates…), le liquide salé peut être fractionné par électrolyse, de la même façon que l'eau de mer. On obtient ainsi de l'hydrogène et de l'oxygène qui sont aisément valorisables. Le docteur en ingénierie mécanique, soutenu par l'Agence spatiale mexicaine, a mis au point un prototype de cuve en acrylique équipée d'électrodes métalliques où l'urine est stockée puis transformée. Initialement prévue pour équiper des astronautes lors de missions au long cours, où les ressources sont limitées, l'invention pourrait trouver des applications plus terre à terre, notamment en remplacement du GPL.

 

Miction possible

 

L'hydrogène extrait pourra servir à alimenter de petits générateurs ou des piles à combustibles, avec un bilan énergétique positif à condition que l'électrolyse soit elle-même alimentée par une source renouvelable (comme le photovoltaïque par exemple). Il est estimé que 13 à 21 ml d'urine suffiraient à obtenir de l'énergie pour réchauffer l'eau chaude d'une douche de 15 minutes, et que 70 à 130 ml fourniraient de quoi faire cuire des haricots (rouges, nous sommes au Mexique !) dans une cocotte-minute pendant une heure. Sachant qu'un humain rejette, en moyenne, 1.400 ml par jour, il est aisé de comprendre tout le potentiel que recèle le liquide, désormais précieux. Chaque jour, l'humanité éliminerait plus de 10 milliards de litres, ignorant toute la richesse qu'elle évacue dans la Nature… Notons toutefois que l'azote contenu dans ces quantités astronomiques de déchets liquides vient fertiliser les sols.

 

La principale difficulté reste maintenant de recueillir ces urines, habituellement mélangées aux autres déchets. L'installation de toilettes spécialement conçues pourrait être une solution pour séparer les deux. La création d'un système de tuyauterie spécifique, relié uniquement à des urinoirs, pourrait être une autre solution, notamment lors de certains grands événements comme des matches de football où la bière coule à flot ce qui entraîne une augmentation des besoins. La technologie de séparation par électrolyse a donc été brevetée, il y a peu, et posséderait, selon un autre expert mexicain de l'électrochimie, "une viabilité technique". La prochaine étape sera de lui trouver une "viabilité économique". La transposition au monde de l'élevage, où les quantités d'urine sont beaucoup plus élevées (jusqu'à 8 litres/jour pour un porc, et 10 à 25 l/j pour un bœuf), serait également une piste prometteuse.

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