SOLUTION TECHNIQUE. Un architecte hongrois a imaginé une solution constructive incorporant de l'eau comme isolant dans l'épaisseur des murs. Le liquide agit également comme fluide caloporteur dans toute la structure, distribuant ainsi de la chaleur en hiver ou de la fraîcheur en été. Explications.

Et si les maisons les plus agréables à vivre ressemblaient à des aquariums ? Matyas Gutai, jeune architecte hongrois, semble le penser, lui qui a inventé le concept "AllWater Panel", une solution constructive de verre et… d'eau. "L'eau est un formidable distributeur de chaleur : elle la collecte et la redistribue rapidement, avec une efficacité supérieure aux matériaux classiques", explique-t-il. Car, selon lui, si les solutions lourdes, comme le béton ou la brique, offrent de bonnes capacités de stockage de la chaleur, grâce à leur masse, cette caractéristique les rend peu réactive et chère. A l'inverse, sa solution se présente comme un système de construction léger, quasiment similaire à un double vitrage dans son principe. D'une épaisseur de 5 cm, le panneau présente deux parois vitrées (dont une peut être opaque) et une lame d'eau ménagée au centre. Livré vide, et donc aisé à manipuler, il est ensuite mis en eau, afin d'apporter alors de la masse et de l'inertie à l'ensemble.

Quid de sa résistance mécanique ?

Isolation panneau eau
Isolation panneau eau © Allwater
"Le volume d'eau de l'intégralité de la structure est connecté. Ainsi, pour tout gain ou toute perte locale, c'est le volume entier qui réagit", précise l'architecte. Selon ses mots, la maison munie de toutes ses faces en panneaux AllWater possèderait ainsi "un microclimat idéal" grâce à "une parfaite régulation de la température de l'air et des surfaces". L'invention permettrait même de réaliser des économies d'énergie, à hauteur de 40 %, sur les postes de dépense que sont le chauffage et le rafraîchissement. "Combinés à un système géothermique ou à de l'énergie solaire, les panneaux peuvent même garantir l'intégralité des apports en énergie nécessaires à un bâtiment", assure-t-il. Avantage supplémentaire, la solution constructive procurerait une meilleure tenue au feu que les structures classiques. Mais la résistance mécanique sera-t-elle garantie dans toutes les zones sismiques et que se passera-t-il si un panneau cède ? Les présentations commerciales ne le disent pas.

Inspiré de l'aïkido japonais

L'idée, qui peut paraître farfelue, pourrait cependant être utilisée en façade et en toiture, notamment là où la transparence est réclamée. L'architecte a notamment imaginé des tours de bureaux adoptant les façades de verre et d'eau, permettant de se passer de systèmes de chauffage/climatisation coûteux et encombrants. Matyas Gutai a déjà réalisé un prototype de petites dimensions, dans sa ville natale de Kecskemét, en plein centre de la Hongrie, afin de valider son concept. Bénéficiaire d'une aide de 50.000 € de la part de l'Union Européenne et des autorités hongroises, il cherche désormais des partenaires industriels pour produire et commercialiser sa solution.

 

Interrogé sur l'origine de son idée, l'architecte spécialisé dans la construction durable raconte avoir été inspiré par l'aïkido, lors d'un voyage d'étude au Japon en 2003. En particulier la notion d'utilisation de la force de l'adversaire à son propre avantage : plutôt que de contrer frontalement contre le froid ou le chaud en opposant des épaisseurs toujours plus grandes, l'inventeur préfère les faire circuler, à l'image d'un courant marin comme le Gulf Stream… L'étape suivante pourrait être d'introduire de petits poissons multicolores dans ces cloisons, afin d'égayer un peu les intérieurs et transformer définitivement les occupants en aquariophiles convaincus.

 

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