A la suite des déclarations d'Emmanuel Macron et de François Hollande, le sujet des qualifications d'artisans revient dans l'actualité, avec la remise, lundi, du rapport Barbaroux, intitulé "Lever les freins à l'entreprenariat individuel". Cette piste de travail suscite toujours l'inquiétude chez les artisans du bâtiment.

Les déclarations d'Emmanuel Macron sur la qualification des artisans, appuyées lundi par le chef de l'Etat en personne au Cese, ont précédé le rapport de Catherine Barbaroux, remis ce lundi 18 janvier à Bercy.

 

Dans la continuité de celui rédigé par Laurent Grandguillaume en décembre 2013, le texte de Catherine Barbaroux, présidente de l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie), avec le concours de Laurent Moquin (CGEFI), préconise de revoir les qualifications professionnelles nécessaires pour exercer certains métiers, en mettant en avant le caractère "baroque" de la réglementation des qualifications requises dans l'artisanat.

 

Le rapport propose ainsi "de procéder à des changements substantiels qui conduiront in fine à la disparition des éléments les plus contestés de la loi de 1996" qui a imposé des exigences de qualifications et des réglementations dans certaines professions.

Elargir le champ des possibles

"Dès lors qu'elles limitent les possibilités d'installation, les exigences législatives ou réglementaires destinées à assurer la santé et la sécurité des consommateurs doivent être strictement proportionnées aux risques encourus", estiment les auteurs du document.

 

Et la présidente de l'Adie de commenter : "Vouloir supprimer des barrières inutiles à l'entrepreneuriat, ce n'est évidemment pas vouloir le substituer au salariat ou prendre le risque d'abaisser la qualité des services aux consommateurs, c'est tout simplement élargir le champ des possibles."

"Cultiver la différenciation des professionnels"

Parallèlement, le rapport suggère de "cultiver la différenciation des professionnels qui ont la qualité d'artisan et des chefs d'entreprise qui possèdent une qualification", afin de ne pas décourager les aspirants à une formation qualifiante.

 

Les rapporteurs constatent aussi que "les obligations de qualification professionnelle pèsent davantage sur les entreprises immatriculées au répertoire des métiers de l'artisanat que sur celles inscrites au registre du commerce et des sociétés." Ce n'est pas qu'une question de nombre, les entreprises du secteur de l'artisanat représentant une grande part des TPE, mais les entreprises du commerce également, ajoutent-ils.

 

Rappelons que cette piste de travail a déjà été largement dévoilée et expliquée par Emmanuel Macron en décembre dernier, qui en avait fait un des axes de son projet de loi Noé sur les "Nouvelles opportunités économiques", suscitant l'inquiétude chez les artisans notamment du bâtiment sur un possible nivellement par le bas des professions. "Tout métier qui touche à la santé/sécurité nécessite une qualification", a encore insisté ces jours-ci dans nos colonnes, Patrick Liébus, président de la Capeb. Prenant l'exemple du peintre, qui est sur la liste des métiers visés, il nous expliquait : "M. Macron a parlé des travaux de peinture : mais quand on utilise de la peinture aux formaldéhydes, cela cause des problèmes de santé aux enfants."

 

De son côté, la FFB, dans un communiqué publié vendredi dernier, était également inquiète : "Les nouvelles pistes proposées par Bercy (suppression du stage de préinstallation pour les autoentrepreneurs et augmentation des seuils de chiffre d'affaires) auront comme conséquences l'augmentation de la concurrence déloyale."

Stage, immatriculation et complexité administrative

Au-delà de de la question des qualifications professionnelles obligatoires, ce document de 70 pages a examiné de près les exigences préalables à l'activité des entreprises individuelles : le stage préalable à l'installation pour les entreprises artisanales ; les modalités d'immatriculation et enfin l'organisation des répertoires des entreprises (registre du commerce et des sociétés, répertoire des métiers). Les auteurs du rapport proposent de réduire encore les complexités administratives, améliorer l'accès aux informations utiles et enfin saisir les potentialités du numérique...

 

Au sujet du stage, la Capeb ne mâchait pas ses mots ces jours-ci : "M. Macron dit que faire des stages c'est trop long pour créer une entreprise, qu'il faut pouvoir la créer en 24 heures, c'est complètement déraisonnable ! S'installer, c'est connaître son métier, c'est savoir gérer une entreprise. Il faut rendre les stages plus professionnels, plus ciblés et tenir compte du niveau d'études des jeunes."

 

 

Autre priorité : libérer les initiatives entrepreneuriales. Ce rapport rappelle qu'il "est tout aussi impératif de ne pas faire du diplôme ou de la durée de l'expérience professionnelle une barrière insurmontable, en particulier pour l'accès à des activités qui ne réclament pas le même degré de savoir-faire ou pour lesquelles les attentes des consommateurs portent davantage sur la disponibilité d'un professionnel même moins aguerri." C'est pourquoi les auteurs proposent d'ajuster les exigences de qualification professionnelle, développer l'offre de formations personnalisées en gestion et enfin réduire les effets de seuil.

 

Dans la mesure où le développement de l'entrepreneuriat vise également à lutter contre le chômage et les discriminations à l'emploi, Catherine Barbaroux suggère d'améliorer la prise en compte des acquis de l'expérience. D'après elle, cela permettrait "à des personnes disposant de compétences mais pas de diplômes d'accéder à l'entreprenariat", offrant ainsi des débouchés à des jeunes décrocheurs, des chômeurs de longue durée, des seniors, des personnes en reconversion ou encore des travailleurs d'origine étrangère.

 

Enfin, sécuriser davantage les projets d'entreprise individuelle fait partie du troisième et dernier projet de réflexion de Catherine Barbaroux. Parmi les pistes principales, elle propose de "développer la protection du chef d'entreprise, de faciliter le financement des projets des TPE, d'aplanir les difficultés liées aux évolutions de l'entreprise et enfin de renforcer la confiance dans les relations interentreprises..."

Loi Macron 2 ou loi El Khomri ?

De son côté, Emmanuel Macron a salué dans un communiqué "des propositions équilibrées" pour accélérer la dynamique entrepreneuriale en France. "C'est l'un des piliers de la lutte contre le chômage et certaines mesures se traduiront très rapidement dans un projet de loi", a-t-il ajouté.

 

Malgré tout, le doute plane encore sur l'avenir de cette future loi Macron 2 ou Noé, qui pourrait être fusionnée avec le projet de loi de la ministre du Travail, Myriam El Khomri, sur la réforme du Code du travail et le compte personnel d'activité, nous a-t-on glissé ce lundi au Cese. "Sa loi sera présentée le 19 mars prochain en Conseil des ministres pour élargir la place des entreprise", a assuré son cabinet ce lundi. A suivre.

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