Contre toute attente, les 3ème Rencontres de l'architecture ont donné lieu à une manifestation de soutien au programme immobilier des ministères de la Justices et de la Sécurité Intérieure.

Michel Macary, architecte et président de l'association Architectures et Maîtres d'Ouvrage (AMO), présidait ce matin une conférence-débat sur le thème de la privatisation de la commande et des services de maîtrise d'ouvrage publique.

Invité, l'architecte britannique Mehron Kirk, de la société Building Design Partnership, a présenté le modèle anglais du PFI, l'équivalent du PPP, autrement dit de la privatisation des services de maîtrise d'ouvrage publique. A travers trois exemples de réalisation, deux écoles publiques et le centre de Liverpool, autours de Paradise Street, il a défendu la délégation de la maîtrise d'ouvrage publique à des promoteurs privés. Selon lui, l'intérêt de ce système est que l'Etat ne prend aucun risque au niveau financier et voit les réalisations qu'il a commandé achevées plus rapidement.

Après cette intervention, Xavier Bezançon, délégué général des Entreprises générales de France, a souligné par l'histoire que le partenariat public-privé avait toujours existé en Europe, depuis les romains, et qu'on lui devait les plus grandes réalisations. " A l'époque romaine comme au Moyen-Age, les systèmes de concession ont permis la construction de plus de 400 villes dans le Sud de la France. Paris a été construit sur ce principe par une concession offerte aux marchands. Les cathédrales aussi ont été érigées grâce à ce système, et c'est de cette époque que vient l'expression maître d'?uvre. Plus tard, ce sera le réseau des canaux, comme celui du Languedoc, qui en profiteront, avec un partenariat entre le roi et Riquet, et encore après, Hausmann y aura recours pour redessiner la capitale. "

Toujours selon Xavier Bezançon, spécialiste de l'histoire des contrats publics, c'est après la guerre de 39 que la France abandonne ce système au motif qu'il faille nationaliser tous les moyens de production. " Je ne vois d'ailleurs pas en quoi la Tour Eiffel, qui a bénéficié d'un partenariat, est un moyen de production ", a-t-il ajouté.

Le représentant des majors du BTP s'est néanmoins voulu rassurant face à un auditoire pour l'essentiel composé d'architectes. " Les entreprises que je représente souhaitent rémunérer de façon supérieure les architectes qui seront amenés à travailler avec nous, car nous pensons qu'ils doivent être intégrés totalement à l'équipe et qu'ils ont une responsabilité supérieure ".

" Architecture de consensus "

Les projets immobiliers du ministère de l'Intérieur et de celui de la Justice ont été défendus par Guy Autran, architecte qui a réalisé une très grande partie des prisons construites dans le cadre des programmes 13.000 et 4.000. Il a néanmoins reconnu que le système de PPP commandait à " une architecture de consensus ". Selon lui, les rapports entre les entreprises et l'architecte sont " excellents " dans toute la phase de préparation du dossier puisque les intérêts sont convergents, " c'est après qu'ils se dégradent, au nom de la rentabilité ". Un point de vue partagé par Michel Zulberty, le directeur de l'agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la Justice.

" Dans le cas d'un système de conception-construction, voire aussi de financement, le problème est que l'architecture n'est pas totalement définie au moment du concours. Et si l'entreprise s'engage trop en amont du projet, en raison de son souci de rentabilité, elle délaisse l'architecture ", a ainsi souligné Michel Macary. Mais il a aussitôt mis en avant le fait que " le débat n'est pas de déterminer le bien fondé de cette loi. De toute façon, elle est passée et les décrets d'application vont tomber ".

Michel Zulberty a enfoncé le clou en affirmant que " la qualité architecturale est globale, elle comprend l'esthétique, certes, mais aussi le coût. Aussi le PPP et le système de conception-construction permettent de trouver un équilibre entre la créativité coûteuse des architectes et le périmètre du budget imposé ".

Jacques Cabanieu, secrétaire général de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques, et qui a participé à la rédaction des décrets d'application de la loi Maîtrise d'Ouvrage Publique en 1993 ainsi qu'au nouveau Code des marchés publics de mars 2001, assistait à la conférence au côté de Wanda Diebolt. Il est intervenu à la fin pour expliquer que " ce serait dommage que la maître d'ouvrage fasse de la conception-construction sans avoir le courage de dire à l'architecte qu'il exagère, qu'il y a un budget à respecter ".

Un architecte venait, depuis la salle, de souligner le danger qui existe pour les jeunes architectes de voir se généraliser des programmes de PPP et sacraliser les constructeurs de maisons individuelles. " Vous, vous êtes les mandarins de l'architecture ", a-t-il affirmé à l'intention des animateurs du débat.

Ce débat, organisé dans le cadre de Rencontres soutenues par le ministère de la Culture, montre le clivage qui existe avec l'Unsfa, dont le dernier Congrès avait servi de tribune pour condamner la nouvelle politique architecturale du gouvernement. Avec ces deux rendez-vous annuels, les architectes ont le choix entre deux points de vues bien opposés sur la conception du métier d'architecte.

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