Mieux réguler le travailleur détaché dans le BTP et volonté de sauver le RSI : le Conseil économique, social et environnemental (CESE) vient de voter deux avis en ce sens. Patrick Liébus, l'un des conseillers artisanat, estime que ces deux rapports "ne resteront pas lettre morte".

Six mois après avoir demandé au Conseil économique, social et environnemental (CESE) de lui fournir de nouvelles recommandations pour mieux réguler le phénomène des travailleurs détachés, le Premier ministre s'est vu remettre ce mardi 22 septembre, près de 137 pages. Un texte que les 175 représentants du Cese ont voté à l'unanimité ce mardi 22 septembre.

 

"Sans remettre en cause le principe de la liberté de prestation de services, on constate que l'exercice insuffisamment contrôlé de cette liberté a conduit à un affaiblissement de la protection des travailleurs - résidents comme détachés-, à une concurrence déloyale entre les entreprises et à une insuffisante coopération entre les Etats membres", nous décrypte Patrick Liébus, représentant des artisans dans la section du Travail et de l'Emploi au Cese, qui rejoindra à Bruxelles le Comité économique et social social européen (CESE) le mois prochain.

 

"Il faut stopper l'essor des opérations de détachement, ce fut le mot d'ordre ce mardi du Conseil économique, social et environnemental (Cese) concernant le statut des travailleurs détachés", poursuit-il. L'assemblée consultative, saisie sur la question par le Premier ministre, a, en effet, rédigé un avis préconisant à la fois d'améliorer le contrôle de ces contrats et de revoir le cadre juridique européen fixé dans la directive de 1996.

 

En effet, "malgré la loi Savary votée en juillet 2014 et des décisions prises par Manuel Valls pour renforcer les contrôles, et les travailleurs détachés, il est nécessaire que des décrets soient pris en compte très vite dans les Lois Macron et Rebsamen", ajoute Patrick Liébus. Avant de nous confier : "A ce titre, la nouvelle ministre du Travail s'y est engagée devant à nous, c'est un sujet prioritaire à ses yeux et a martelé sa détermination en la matière."

L'instauration d'une carte d'identification obligatoire

Ainsi, Myriam El Khomri a annoncé, l'instauration d'une carte d'identification obligatoire pour mieux contrôler les chantiers. Le rapport prône aussi la création d'une "carte européenne des travailleurs détachés, permettant l'identification des personnes concernées dans une base européenne."

 

Le CESE recommande également qu'une durée maximale soit définie pour chaque secteur d'activité au niveau européen et que cette durée soit négociée par les partenaires sociaux.

Vers une rémunération des travailleurs détachés au "juste" prix

"Le CESE recommande de fixer, dans chaque convention collective, les niveaux de salaires pour les travailleurs détachés en fonction de leurs qualifications et de leurs missions", indique le document.

Une déclaration en ligne des détachements

"Nous préconisons la création d'un site Internet sur lequel les entreprises rempliraient un formulaire de déclaration de détachement à l'image de ce qui se fait en Belgique", indique Patrick Liébus. Objectif : constituer un guichet unique pour les employeurs prestataires de services et les donneurs d'ordre. A noter que ce système a le mérite de recouper "les informations individuelles sur les travailleurs détachés et les employeurs dans les pays d'accueil et d'envoi".

Renforcer les moyens de contrôle

Le CESE prévoit aussi de porter les effectifs des Unités régionales spécialisées (URACTI), qui sont chargées de lutter contre le travail illégal, de 140 personnes actuellement à au moins 200 agents. "On recommande aussi d'organiser des contrôles mêlant inspecteurs du travail et policiers, ajoute Patrick Liébus. Et, surtout, il est fondamental d'accompagner ces missions d'interprètes." Dans son rapport, la section Travail et Emploi recommande d'introduire "dans le Code du travail une disposition donnant accès aux interprètes sur les lieux inspectés."

Un droit d'alerte pour les accidents du travail

Enfin, l'institution suggère d'introduire dans le Code du travail la possibilité de condamner le donneur d'ordre à une amende administrative. Il veut également donner un "droit d'alerte" aux instances représentatives du personnel, tels que les CHSCT. "C'est une très bonne chose, ce qui renforce le rôle des Commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l'artisanat ajouté dans la Loi du 17 août 2015 du Dialogue social et de l'Emploi, portée par François Rebsamen. Ces élus pourraient donc prévenir l'inspection du travail."

 

Le CESE donne son feu vert au plan de sauvetage du RSI
Le Conseil économique social et environnemental (CESE) a également rendu ce mardi son avis sur la nécessaire réforme du régime social des indépendants (RSI) qui va dans le même sens que les propositions présentées lundi 21 septembre par les députés socialistes Fabrice Verdier et Sylviane Bulteau au Gouvernement. "L'avis est adopté, nous signale le Cese en fin d'après-midi. Résultats du vote : 169 votes pour, 0 contre et 5 abstentions sur 174 votants."

 

 

Saisi par le président du Sénat Gérard Larcher pour plancher sur les difficultés récurrentes du RSI, le CESE s'est dit "globalement en phase" avec le rapport Verdier, sur lequel compte s'appuyer le Gouvernement pour réformer le régime des indépendants dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).

Vers un taux unique de cotisation

Les conseillers ont finalement validé la mesure phare du rapport, qui consiste à mettre en place un barème unique de cotisation. Il s'agirait de passer à un taux unique de 11,5 % pour les droits sociaux minimaux au lieu des cinq taux actuels (allant de 5,5 % à 40 % du plafond de la Sécurité sociale).

 

Toutefois, le CESE suggère la création dans le PLFSS d'indicateurs pour "détecter de manière précoce la constitution d'une dette sociale chez les assurés du RSI."
"En matière de recouvrement, le CESE préconise également un renfort de la procédure de taxation d'office et une augmentation des contrôles des assurés, s'exprime Patrick Liébus. Attendons, dans les prochains jours, la présentation du PLFSS, pour savoir si Martine Pinville, ministre de l'Artisanat a retenu ces recommandations."

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