En 2005, les chercheurs qui se rendront à l'Abbaye d'Ardenne pour travailler sur les archives de l'Institut des Mémoires de l'Edition Contemporaine, trouveront des bâtiments revitalisés. Une reliure architecturale entre passé et présent effectuée par les architectes Bruno Decaris et Agnès Pontremoli.

Près de Caen, à Saint-Germain-la-Blanche-Herbe, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, l'Abbaye d'Ardenne et ses bâtiments datant des XIIIème et XVIIIème siècles ne sont plus que ruines. Les bombardements ayant soufflé les toits et éventré les murs.
En 1992, quand le Conseil Régional de Basse-Normandie achète cet ensemble monumental, le site est à l'abandon et commence à être grignotée par un pavillonnaire galopant. Afin de le remettre en valeur, son nouveau propriétaire le destine à un programme de réutilisation à sa mesure.

Ce programme, c'est le «Normandy Scholar Program». Dédié à l'accueil d'étudiants américains pour des sessions d'études de deux mois autour du Mémorial de Caen, il est l'occasion de lancer une première tranche de restauration et d'aménagement, dirigée par Bruno Decaris, architecte en chef des monuments historiques. L'ancien farinier devient lieu d'hébergement et les écuries se transforment en salles de cours.

Mais l'utilisation du site reste sporadique et les bâtiments essentiels, l'église abbatiale et la grange dimière, demeurent déserts. C'est alors que l'Institut des Mémoires de l'Edition Contemporaine (IMEC), est proposé comme affectataire du lieu.
Dépositaire des archives de très nombreux auteurs et éditeurs français contemporains, cet organisme bénéficie de l'ensemble de l'espace pour redéployer ses missions de conservation, de diffusion et d'échange autour du livre. L'abbaye acquiert le label «Centre Culturel de Rencontre».

Cette nouvelle affectation lance une seconde phase de restauration. Réalisée par les architectes Bruno Decaris et Agnès Pontremoli, elle vise à restructurer deux espaces historiques de l'abbaye : l'abbatiale à l'est et la grange dimière à l'ouest.
L'abbatiale est réhabilitée en une bibliothèque de recherche de 100.000 volumes (1.850 m de rayonnage), reliée par un souterrain au centre des archives (bureaux et ateliers de réception, tri, inventaire et conditionnement contenant 12 magasins d'une capacité de 20 km linéaires).

«Le visiteur qui pénètre dans la nef de l'abbatiale ne voit d'abord que des grands meubles verticaux, lisses, énigmatiques et lumineux disposés dans les bas-côtés, et découvre dans un deuxième temps le contenu de ces hautes coques de bois : les livres dans leur sombre et précieux écrin», explique Bruno Decaris.
Cet aménagement, clairement inscrit dans un rapport de plein (bas-côtés) et de vide (nef), marie deux échelles (monumentale et humaine), deux époques (ancien et contemporain), deux matériaux (la pierre et le bois).

Montés sur une structure métallique, et fondés dans le calcaire par des micro-pieux, les «meubles» monumentaux de la bibliothèque (7 m de haut, 3 niveaux de coursives de verre) impriment une nouvelle cadence à la nef.
Dispositif acoustique, la surface de ces casiers est composée d'une fine marqueterie de 3 essences de bois juxtaposées verticalement, qui évoque une autre rythmique : celle du dos des ouvrages entreposés.

Quant à la grange dimière médiévale, une des plus belles de Normandie, elle est aménagée pour accueillir colloques, lectures et autres expositions. L'espace y est modulable grâce au système de «boîtes techniques» en acier corten, disposées de part et d'autre du volume. Ces deux boîtes reçoivent les gradins télescopiques repliés (160 sièges) et les équipements nécessaires au fonctionnement de l'outil (sanitaires, loges, régie).

La restauration complète de l'Abbaye d'Ardenne devrait s'achever en 2006-2008, avec peut-être la reconstitution du cloître au cours d'une troisième tranche de restauration.

actionclactionfp