FICHE PRATIQUE. Deux décrets, complétant la loi Travail de 2016, renforcent la responsabilité des donneurs d'ordres dans la lutte contre le travail détaché illégal. Ils sont entrés en vigueur le 1er juillet 2017. Le point avec Sophie Chatagnon, avocate spécialisée en droit social au sein du cabinet Cornet Vincent Ségurel.

Depuis le 1er juillet 2017, les responsabilités des maîtres d'ouvrage dans le contrôle de la légalité du travail détaché ont été considérablement renforcées. Le résultat de deux décrets issus de la loi Travail de 2016, publiés début mai 2017. Que disent exactement ces textes ? Qu'est-ce qui est attendu de la part des donneurs d'ordres ? Les réponses avec Sophie Chatagnon, avocate spécialisée en droit du travail au sein du cabinet Cornet Vincent Ségurel.


Généralisation de la responsabilité à toute la chaîne de sous-traitance

 

Le donneur d'ordres est aujourd'hui tenu de vérifier que les entreprises étrangères, détachant des salariés en France, ont bien respecté leurs obligations en matière de déclaration du détachement. "A cette fin, le maître d'ouvrage doit se faire remettre une copie de la déclaration de détachement des salariés avant le début du chantier", explique Sophie Chatagnon. "Si l'entreprise qui détache des salariés n'a pas effectué cette déclaration, il revient au maître d'ouvrage de faire une déclaration dite subsidiaire." Il devient ainsi, de fait, responsable d'obligations qui incombent à l'entreprise étrangère.

 

Contribution de 40 euros

 

Une contribution de 40 euros par salarié détaché doit être payée par l'entreprise étrangère détachant des salariés. Le maître d'ouvrage est tenu de vérifier que ce réglement a bien été effectué.

 

Obligation de déclaration d'accident du travail

 

"Une amende est instaurée pour le maître d'ouvrage en cas de non-déclaration d'un accident du travail au sein du pays où siège l'entreprise d'où vient le salarié touché", explique l'avocate Sophie Chatagnon.


Suspension de chantier


Si une situation de travail illégale est constatée, l'administration peut décider de fermer temporairement un chantier en cours d'activité, jusqu'à une durée d'un mois. Si le chantier incriminé est terminé, il est alors possible d'en suspendre un autre (du même donneur d'ordres) si une situation illégale y a également été repérée.

 

Obligations d'affichage sur les chantiers

 

"Les textes instaurent une obligation d'affichage sur les chantiers, traduits dans la langue des salariés détachés, mentionnant les droits fondamentaux inscrits dans le droit du travail français", explique Sophie Chatagnon.

 

Sanction administratives

 

Si le maître d'ouvrage manque à vérifier l'un des points évoqués ci-dessus, au sein de l'un des intervenants, tout le long de la chaîne de sous-traitance, il risque une sanction administrative. "Celle-ci est de 2.000 euros maximum par salarié détaché, et jusqu'à 4.000 euros en cas de récidive", explique Sophie Chatagnon. "L'amende est plafonnée à 500.000 euros. Par ailleurs, en cas de non-respect de la suspension du chantier, l'amende peut aller jusqu'à 10.000 euros."

 


Une réglementation exigeante qui irrite les promoteurs immobiliers

 

Selon la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), l'administration fait peser trop de responsabilités sur les maîtres d'ouvrage en matière de maîtrise du détachement de salariés. "Les promoteurs regrettent le renforcement de leurs obligations en tant que maîtres d'ouvrage en cas de recours aux travailleurs détachés, alors même qu'ils n'en sont en aucun cas les employeurs", argumente la FPI. "Nous souhaitons rappeler que la réalisation des bâtiments résulte d'une chaîne d'acteurs ; ce sont les entreprises du bâtiment qui sont en premier lieu celles qui peuvent être concernées par le recrutement des travailleurs détachés. Ainsi, nous appelons de nos vœux le respect de la libre circulation des personnes dans l'espace européen, dans des conditions d'équité et de justice sociale avec les salariés du pays d'accueil."

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