Alors que l'on connaît le contenu du décret fixant les premiers "budgets carbone" de la France à horizon 2028, qui demande notamment un effort important au secteur du bâtiment, la Fédération du bâtiment a choisi d'avancer avec pragmatisme dans cette voie indispensable de la transition énergétique. Et c'est lors de son Sommet de la construction, organisé ce jeudi à Paris, qu'elle a pris part à de nouvelles réflexions.

Il y a quelques jours, Ségolène Royal présentait les grandes lignes de sa Stratégie nationale Bas carbone. Il y est notamment question d'un effort supplémentaire de 45 Md€ par an d'ici à 2020, souligne la FFB. Le décret paru ce jeudi, et alors que la COP 21 approche à grands pas, la Fédération française avait donc de quoi débattre sur comment réussir la transition énergétique… sans y laisser des plumes, Jacques Chanut jugeant cette somme « disproportionnée et irréaliste ».

 

Réunis ce jeudi matin, salle Wagram à Paris, les adhérents de la FFB ont pu assister à deux tables rondes : la première, autour d'experts*, pour distinguer les objectifs et les réalités d'un tel enjeu ; la seconde, autour de professionnels du secteur**, sur les solutions crédibles pour le bâtiment. Car la FFB « refuse de s'engager (…) dans la voie des vaines promesses », et souhaite avancer avec « ambition et pragmatisme », en cherchant la voie optimale entre la nécessité de faire plus et mieux et celle de se confronter au monde réel.

 

Priorité à la rénovation de l'existant

 

Dès lors, quel serait le « chemin acceptable » pour le bâtiment, sachant que l'objectif d'une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre interroge toujours ? Sur scène, Jean-Marc Jancovici, fondateur du cabinet Carbone 4, martèle : « Il faut diviser la consommation des logements par deux, passer du tout électrique à la généralisation de la pompe à chaleur. Durcir les obligations dans le neuf ne sert à rien : les réglementations sont déjà assez contraignantes et efficaces. Utilisons cet argent pour le bâtiment existant ! ». Même son de cloche chez Bruno Maresca, chargé de cours à Sciences Po. « C'est sur le bâtiment existant que les efforts doivent porter ». A leurs côtés, Hervé Juvin, président d'Eurogroup Intitute, prône une approche basée sur la singularité et la spécificité territoriale, mais également l'avènement des ruptures, et notamment du tout-technique au profit du biomimétisme par exemple.

 

Rénover dans l'ancien, certes, mais tous les Français en ont-ils les moyens, interroge l'animateur de cette table ronde, le journaliste Victor Robert. Quand on voit ce que coûte l'entretien d'un bâti ancien, sa rénovation, et autres taxes auquel il est soumis, son achat n'est plus vraiment rentable. D'où la question du fléchage des aides à la performance énergétique. Concernent-elles tous les ménages ? Comment inciter les gens à investir pour rénover ? Doit-on aller vers une rénovation « accompagnée » comme le suggère Bruno Maresca ? Autant de questions auxquelles les professionnels devront apporter des réponses concrètes et crédibles…

 

Rénover, oui, mais en bonne intelligence…

 

« Il faut que le niveau de l'investissement soit adapté aux capacités de celui qui le fait, clame Jean-Louis Dumont, président de l'Union sociale pour l'habitat (USH). On n'utilise plus le bâtiment comme il y a 40 ans, il faut désormais donner son mode d'emploi à ses occupants ». L'organisme table sur la rénovation de 120.000 logements en 2016…

 

Obligation de résultat plutôt que de moyens, valeur verte du bâtiment… les problématiques sont encore nombreuses pour répondre aux exigences de la performance énergétique. L'innovation est également un enjeu majeur, souligne le président de la Fédération des industries du béton (FIB). Pour sa part, le directeur immobilier du groupe La Poste et co-pilote du groupe de travail « Réflexion Bâtiment Responsable 2020-2050 » se met à imaginer un niveau de garantie de la consommation qui pourrait être sous forme de forfait…

 

Enfin, tel le loup dans la bergerie, le président d'UFC-Que Choisir, qui a récemment épinglé les aides gouvernementales pour la rénovation, a asséné : « Sans le retour de la confiance du consommateur, rien ne se fera ! ». Et de poursuivre sa diatribe contre le CITE ou RGE, qui sont, selon lui, des « échecs », et qui ne s'inscrivent pas dans une approche globale de la performance énergétique. « On a un combat commun à mener, mais le comportement des professionnels ne sert pas la transition énergétique », a-t-il conclu.

 


* Jean-Marc Jancovici, associé de Carbone 4
Hervé Juvin, président de l'Observatoire Eurogroup Consulting
Bruno Maresca, chargé de cours à Sciences Po
Jean-Pierre Orfeuil, membre de l'Institut pour la ville en mouvement

 

** Alain Bazot, président de l'UFC-Que Choisir
Bernard Cadeau, président du réseau Orpi
Christian Cléret, directeur immobilier du groupe La Poste
Jean-Louis Dumont, président de l'USH
Philippe Gruat, président de la Fédération de l'industrie du béton (FIB)
Jean Passini, président de la commission environnement de la FFB

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