A l'occasion de l'inauguration de l'usine Isover de Chemillé, Pierre-André de Chalendar, Directeur Général du Groupe Saint-Gobain, a évoqué pour Batiactu les effets de la crise sur l'activité de son groupe en 2009, sa stratégie de l'habitat durable, les perspectives du photovoltaïque, l'importance de l'innovation ou encore ses raisons d'investir en France. Interview exclusive.

Batiactu : Vous venez d'annoncer vos résultats 2009, qui affichent de forts reculs (bénéfice net en chute de 84 %, le CA baisse de 13,7 %). Quelles en sont les principales raisons ? Qu'attendez-vous pour 2010 ?
Pierre-André de Chalendar : La principale raison est la crise mondiale. Saint-Gobain n'a pas été épargné, mais a le Groupe a bien résisté. Le plan d'actions mis en place a permis de réduire de façon importante l'impact de cette crise, qui, est la plus brutale qu'on ait connue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En revanche, ce qui a été positif - et c'est sûrement dû aux métiers que nous faisons - c'est que nous avons pu augmenter nos prix malgré la forte baisse des volumes. Au final, Saint-Gobain a bien résisté, au vu de la violence de la crise, grâce à son modèle actuel : celui d'un groupe avec des métiers plus locaux, à plus forte valeur ajoutée et sur lesquels notre influence sur les marchés est plus forte que lors de la crise de 1993.

 

Concernant 2010, je crois qu'on connaîtra une année extrêmement contrastée. D'abord sur le plan géographique. L'activité est repartie très vite en Asie et en Amérique latine. Aux Etats-Unis, la reprise est aujourd'hui nette dans l'industrie, mais elle n'est attendue qu'au deuxième semestre dans le marché de la construction. En Europe, la reprise est plus timide, car les industriels reconstituent leurs stocks. En France, les amortisseurs ont permis de limiter la chute, mais le risque est aussi que la reprise y soit plus faible. Ensuite, sur le plan des métiers : les métiers industriels de Saint-Gobain sont repartis, alors que ceux de la construction connaissent encore des difficultés. Saint-Gobain connaîtra donc une forte amélioration des résultats en 2010, mais qui émanera davantage des efforts que nous avons déployés que de la conjoncture.

 

Batiactu : Vous vous êtes recentrés sur l'habitat, et surtout sur l'habitat durable. C'est vraiment votre crédo désormais ?
Pierre-André de Chalendar : Toute la stratégie de Saint-Gobain, que j'ai définie il y a un peu plus de deux ans, est axée sur l'habitat, dont les leviers de croissance sont les économies d'énergie et la protection de l'environnement. La croissance et l'urbanisation sont les moteurs des pays émergents où nous développons notre activité. La rénovation thermique et le confort sont essentiels dans les pays développés. Le chauffage du bâtiment représente 30 % de la totalité de l'énergie dépensée en Europe. L'efficacité énergétique des bâtiments est un chantier considérable pour la construction, qui va alimenter la croissance de nos métiers pour les quinze prochaines années. Dans les métiers du bâtiment, Saint-Gobain s'est ainsi positionné essentiellement sur les produits et les solutions liés aux économies d'énergie comme le vitrage, le double vitrage et désormais le triple vitrage, et bien sûr l'isolation (laine de verre). 30 % du chiffre d'affaires du Groupe est déjà réalisé dans le secteur des économies d'énergie et de la protection de l'environnement.

 

L'arrivée de la nouvelle RT 2012 est une opportunité pour Saint-Gobain, même si nous l'avions anticipé en lançant la construction d'une nouvelle usine à Chemillé (lire page 3). Le Grenelle de l'environnement est la mise à niveau en France de ce qui existait déjà dans d'autres pays. L'Allemagne et la Scandinavie sont en avance, et continuent de progresser. En 2009 en Allemagne, par exemple, 24 % des fenêtres vendues sont des triples vitrages… Notre ambition est d'inventer et de produire les matériaux des bâtiments du futur. Aujourd'hui, nos nouveaux vitrages sont plus efficaces sur le plan énergétique que les murs, et l'on peut mieux isoler une maison en agrandissant les fenêtres. C'est ce qui se passe par exemple dans les pays scandinaves. Mais les habitudes de construction sont très locales et culturelles, et donc très lentes à changer. Il y a également un énorme enjeu de formation des artisans.

 

Batiactu : L'innovation reste donc le nerf de la guerre de Saint-Gobain. On a déjà évoqué certains produits, mais quelles seront les tendances de demain, une fois qu'on aura résolu la question des économies d'énergie dans l'habitat ?
Pierre-André de Chalendar : Le confort, notamment acoustique, est sans doute la prochaine étape. Le bruit est une nuisance reconnue à laquelle on peut s'attaquer. La qualité de l'air est aussi un thème d'avenir, et nous sommes en mesure de proposer des solutions comme des plaques de plâtre ou des mortiers qui absorbent les composés volatiles. L'esthétique est lui aussi un élément important, où le verre, matériau préféré des architectes, a toute sa place.
L'innovation passe aussi par des procédés que nous développons et qui s'inscrivent dans une démarche environnementale. Ainsi, vous évoquiez la technologie de la biomasse pour faire fondre le verre (lire article), c'est une des pistes que Saint-Gobain expérimente, toujours pour répondre à sa stratégie de développement durable

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