Secoués plusieurs fois par an par des séismes de magnitude supérieure à 5 sur l'échelle de Richter, et balayés par de puissants typhons, les gratte-ciel japonais tanguent mais ne cèdent pas grâce à des technologies parasismiques aussi surprenantes qu'efficaces.

Si les tours géantes de Tokyo, Osaka ou Nagoya défient la nature par des hauteurs qui dépassent parfois les 250 mètres, leurs promoteurs n'ont pas sous-estimé pour autant le pouvoir destructeur des séismes et des tempêtes.

Promoteurs et architectes ont recours à des systèmes de plus en plus sophistiqués pour protéger les «IGH»(immeubles de grande hauteur) : vérins, ressorts, rails, cuves d'eau, haubans, boudins en caoutchouc, afin d'amortir les secousses violentes. «Beaucoup de leçons ont été tirées de la catastrophe imprévisible de Kobe», souligne le coordinateur de recherches de l'Institut de recherche sur les immeubles (BRI), Mitsumasa Midorikawa.

Le grand port de l'ouest du Japon a été dévasté par un séisme de 7,3 en janvier 1995 qui a fait plus de 6.000 morts et endommagé un demi-million d'habitations. «Cette tragédie a été un tournant. A partir de là, le nombre de constructions parasismiques a considérablement augmenté et les nouvelles techniques de rénovation d'immeubles ont été mises en œuvre», explique un professeur d'architecture de l'Université de Tokyo, Harayuki Kitamura.

Le désastre de Kobe a coïncidé avec l'arrivée à maturation de techniques qui n'existaient pas auparavant, selon Yoshiki Ikeda, ingénieur de l'entreprise de BTP Kajima.

«1995 marque l'entrée dans une nouvelle ère où des techniques permettent de contrôler semi-activement le comportement des constructions», dit-il.

La législation japonaise sur les normes de construction, révisée en 2000, définit les critères à remplir dans le double but de «limiter les dégâts matériels et sauver un maximum de vies humaines».

Immeubles de bureaux, tours résidentielles, usines, centrales, gares, ponts, barrages, tous les bâtiments et infrastructures sont concernés. «Roppongi Hills» (241 mètres, 290.000 tonnes), un des gratte-ciel commerciaux les plus modernes et les plus fréquentés de Tokyo est ainsi érigé sur quelque 356 vérins à huile actifs qui amortissent les mouvements.

«Lors des tremblements de terre, les immeubles se déforment puisque les fondations bougent. Plus ils sont hauts, plus la déformation est importante. Les systèmes d'isolation, placés entre les fondations et les structures de colonnes de l'immeuble, permettent d'atténuer ou de supprimer ces déformations», explique un porte-parole de Kajima, Mitsuo Okada.

Mitsuo Okada cite l'exemple du siège rénové du Parti libéral-démocrate (PLD) de Junichiro Koizumi: lors des secousses telluriques, l'immeuble, porté par des sortes de grosses boules, se déplace, droit, sur un sol en métal incurvé, telle une boîte montée sur billes dans une assiette.

Les simulations sont spectaculaires. Tandis que tout s'effondre dans une tour normale en cas de séisme de magnitude supérieure à 7, l'immeuble bien «isolé» ne subit pas les effets destructeurs de la secousse.

Le choix des technologies dépend de la hauteur, de la masse et de l'architecture des immeubles, ainsi que du coût. Les boudins en caoutchouc, dont le fabricant de pneus japonais Bridgestone a fait sa spécialité, font partie des techniques les plus prisées actuellement, ainsi que les amortisseurs à huile.

Les recherches se poursuivent pour réduire les investissements requis et rendre ces techniques accessibles à d'autres pays.«Il est désormais nécessaire de penser simultanément l'architecture et la technologie pour que les effets antisismiques des deux s'additionnent, plutôt que de compenser les faiblesses de la première par la seconde», plaide Yoshiki Ikeda.

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