CONJONCTURE. Au vu du contexte économique favorable de ces derniers mois, la Fédération française du bâtiment maintient ses prévisions de croissance de l'activité de +3,4% en 2017. Mais cette année ne sera pas celle du retour des marges pour les entreprises.

La Fédération française du bâtiment a fait savoir, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le 29 mars dans son siège parisien, qu'elle maintenait ses objectifs de croissance pour l'année 2017. A savoir : +3,4% d'activité, 10.000 créations d'emplois à la clé.

 

Ces derniers mois ont, en effet, vu la reprise économique monter en puissance. Celle-ci est surtout tirée par la construction neuve. "Les chiffres révélés par le ministère du Logement sont très positifs", observe Jacques Chanut, président de la FFB. Non seulement en termes de construction de logements (les autorisation prennent 15,5% sur trois mois glissants à février, les mises en chantier +8,5%), mais aussi en non-résidentiel. "C'est une très bonne surprise : +4,2% en autorisations et +6,7% en mises en chantier." Cette bonne santé du secteur du neuf se ressent surtout autour des grandes agglomérations. "80% des chantiers relèvent des 20% des communes qui construisent le plus", remarque Jacques Chanut.

 

Recalibrer les aides à l'amélioration-entretien

 

Si toute l'activité est tirée par le neuf, c'est parce que l'amélioration-entretien reste atone, une constante depuis plusieurs années. Au point que la FFB estime qu'il faut réformer les aides financières aux travaux de rénovation (Crédit d'impôt pour la transition énergétique et éco-PTZ), car ils seraient "trop centrés sur la rénovation énergétique", selon Jacques Chanut.

 

"C'est un sujet dont nous discuterons avec le prochain gouvernement. Les dispositifs actuels sont mal calibrés, mal ciblés. Il faut arrêter de se mentir sur ce type de travaux. La réalité, c'est que lorsque les gens en précarité énergétique font des travaux, ils ne cherchent pas à améliorer l'efficacité énergétique de leur logement, mais ils cherchent à chauffer davantage ou à chauffer plusieurs pièces. C'est d'ailleurs une décision bien compréhensible. Ils ne sont donc pas sensibles à l'argument disant que les travaux de rénovation énergétique sont financés par une future baisse de charges." Une chose est sûre, pour le président de la FFB, il faut réagir. "Le neuf, à lui tout seul, ne permettra pas d'irriguer en activité l'ensemble de nos entreprises."

 

Le spectre de la remontée des taux

 

La FFB identifie par ailleurs deux risques économiques "majeurs". Le premier d'entre eux, une éventuelle remontée des taux d'intérêt. "Si la sortie de l'Euro devient une réalité, cela ferait monter les taux et entraînerait une hausse de 25% des remboursements mensuels sur les prêts", affirme Jacques Chanut.

 

L'autre inconnue pointée, c'est bien sûr les conséquences de l'élection présidentielle 2017. "Pour la première fois depuis très longtemps, je constate à regret que la question du logement est très peu présente dans les débats", observe Jacques Chanut. "Cela veut peut-être dire que cette question fait consensus ?" Le président de la FFB a également rappelé que la profession souhaitait le maintien du "Pinel" et du PTZ.

 

Parmi les demandes du secteur aux futurs décideurs, il y a aussi la problématique de simplification des normes. La FFB souhaiterait que l'effort porte non pas seulement sur le flux de normes, mais sur le stock. "Nous ne nous en sortirons pas par un moratoire sur les nouvelles normes", affirme Jacques Chanut. "Il va nous falloir remettre sur la table des normes. Y compris au sein de notre maison. Car certaines d'entre elles étaient là pour conforter des marchés. Mais à force, elles tendent à bloquer des marchés."

 

Clause Molière : la colère de Jacques Chanut

 

Lors du point presse de la FFB, Jacques Chanut est revenu sur les polémiques entourant la clause Molière. Affirmant que de nombreux ouvriers du secteur du BTP avaient mal pris certaines remarques formulées par les opposants au dispositif. "Certains se sont exprimés comme s'il n'était pas important qu'un salarié du BTP parle français, comme s'il n'était qu'un paquet de muscles sans cerveau", a expliqué Jacques Chanut. "La réalité, c'est que sur un chantier, chacun dépend de son voisin, et parler la même langue est indispensable dans un souci de sécurité et dans un souci de technique." Questionné sur l'éventuelle illégalité de cette clause, le président de la FFB s'est emporté. "Les chefs d'entreprise, en tout cas, ont une réelle responsabilité juridique : celle de l'obligation de résultat en matière de sécurité", a-t-il tonné. "La réalité, c'est que nous avons laissé s'installer, en France, un système délétère. C'est la responsabilité de l'Etat français. Heureusement, aujourd'hui, le sentiment d'impunité sur les chantiers n'existe plus pour ceux qui ont recours à du détachement illégal. Les contrôles se multiplient." La FFB espère, à l'avenir, que des mesures seront aussi prises pour contrôler les clients particuliers, gros utilisateurs de salariés détachés. "Nous pourrions par exemple faire contrôler les camionnettes qui stationnent en face des grandes surfaces de bricolage, et qui sont souvent remplies de travailleurs étrangers à bas coûts", propose Jacques Chanut. "Les douanes ont aussi l'autorisation de rentrer faire des contrôles chez les particuliers. Nous souhaitons que, pour l'exemple, des sanctions tombent contre des particuliers et soient médiatisées. Les artisans, qui souffrent de ce phénomène, ressentent un sentiment d'injustice énorme. Ce genre de pratiques explique aussi le non-décollage du marché de l'amélioration-entretien."

 

Niveau des prix : ça commence à aller mieux

 

L'une des bonnes nouvelles de ce début d'année 2017, pour le secteur du bâtiment, c'est la remontée des prix. "La reprise commence à se faire ressentir sur ce point", explique Jacques Chanut, président de la FFB. "Ils ont cessé de baisser, c'est la fin de la descente aux enfers. Mais ils restent beaucoup trop faible pour espérer un redressement des marges en 2017."

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