Un référendum populaire entérine la décision helvétique d'abandonner progressivement l'énergie atomique, d'ici à 2035. Cinq réacteurs sont actuellement en service et fournissent un tiers de l'électricité consommée dans ce pays qui souhaite s'orienter vers les renouvelables.

C'est l'épilogue d'un long débat de société : la population suisse a choisi, lors d'un référendum organisé ce dimanche 21 mai 2017, de sortir progressivement du nucléaire, une énergie qui est exploitée industriellement depuis 1969. De nombreuses votations avaient été organisées depuis les années 1990, au lendemain de l'accident de Tchernobyl. La première initiative, intitulée "Pour un abandon progressif de l'énergie atomique" avait pourtant été repoussée avec 52,9 % de personnes opposées. Toutefois, le même référendum avait également entériné l'arrêt de toute nouvelle construction de centrale nucléaire, de façon assez nette (54,5 % de pour).

 

 

De nouveau, en mai 2003, la population avait très largement rejeté une initiative de sortie du nucléaire (66,3 % de contre) et avait même levé le moratoire, entraînant la résurgence de projets de nouvelles centrales. Mais la catastrophe de Fukushima avait changé la donne, en mars 2011, entraînant la décision du Conseil fédéral de sortir progressivement du nucléaire à l'horizon de 2034. Malgré tout, une énième votation populaire avait, une nouvelle fois, repoussé cette idée au mois de novembre 2016 par 54 % de contre. Six mois plus tard, le rapport de force s'est finalement inversé, puisque 58,2 % se sont prononcés pour l'abandon de l'atome.

 

Le paradoxe helvétique

 

 

La Suisse possède aujourd'hui un parc de quatre centrales en activité - soit cinq réacteurs en tout - entrées en service entre 1969 (Beznau I) et 1984 (Leibstadt). Leurs centrales sont donc, pour la moitié d'entre elles, plus vieilles que la centrale de Fessenheim (détenue à 15 % par un consortium d'énergéticiens suisses Axpo, Alpiq et BKW). Certains activistes suisses réclamaient pourtant sa fermeture immédiate en raison de son implantation trop proche de leur territoire. Le pays tire cependant environ un tiers de son électricité de ses propres réacteurs. Il s'agit donc de la deuxième source de courant après l'hydroélectricité (60 %), mais qui reste très loin devant les énergies renouvelables (6 %) appelées à monter en puissance. Il faut noter que l'année 2016 a été la première où la Confédération helvétique a importé plus de courant qu'elle n'en a vendu à ses voisins, ce qui a peut-être motivé la décision de transition vers des énergies renouvelables - et donc locales. Les opposants à l'arrêt de l'atome civil regrettent, pour leur part, un risque de renchérissement de l'énergie : le tarif passera effectivement de 1,5 centime d'euro/kWh à 2,3 c€/kWh (+53,3 %), mais des soutiens accrus aux exploitants de barrages hydrauliques pourraient coûter des centaines de millions d'euros au contribuable chaque année.

 

L'arrêt de l'industrie nucléaire - outre le défi énergétique - posera également la question des déchets et matériaux issus des déconstructions, dans les 20 ans qui viennent. Pour l'heure, les combustibles radioactifs usagés sont entreposés dans le site temporaire de Würenlingen mais le volume accumulé sur place (7.500 m3) est sans commune mesure avec ce qu'il faudra stocker lors du démantèlement des centrales (95.000 m3). Des recherches relatives au stockage définitif sont donc menées dans le Jura suisse, au laboratoire souterrain du Mont-Terri, l'équivalent du laboratoire de Bure en France. Il faut également noter que le développement du nucléaire ne s'est pas fait sans heurt au cœur des Alpes, puisqu'un grave incident s'est déroulé en janvier 1969 sur le réacteur de recherche de Lucens, entraînant la contamination d'un réseau de grottes et la condamnation du site.

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