Le gouvernement italien qui a mis en oeuvre un important programme de grands travaux - 126 milliards d'euros d'investissements sur 10 ans - est contraint de vendre le patrimoine immobilier de l'Etat pour éviter d'aggraver un déficit qui s'élève déjà à 16,6 milliards d'euros.

"A vendre surface 40.000 mètres carrés à Rome. Site imprenable, proche du Vatican, avec vue sur le Tibre. Idéal pour investissement groupe hôtelier. Prévoir travaux. Pour information, s'adresser à l'Etat italien". Cette petite annonce n'existe pas. Du moins pas encore. Mais elle pourrait voir le jour si le gouvernement de Silvio Berlusconi décidait de céder ce bien pour financer son programme de grands travaux.

Le bâtiment concerné est la prison de Regina Coeli, située dans le quartier touristique du Trastevere à Rome. Elle est citée comme une des possessions dont l'Etat italien pourrait se séparer dans le cadre de loi "salva deficit" (éviter le déficit) adoptée par le Parlement le 13 juin.

"Si nous la vendions, par exemple au Sheraton ou au Hilton, avec l'argent que nous en tirerions, nous pourrions construire une prison beaucoup plus moderne et confortable, et en plus, il nous resterait un bénéfice conséquent", a expliqué le sous-secrétaire d'Etat à l'économie, Vito Tanzi

Derrière cet argument se dissimule ce qui est devenu en Italie une affaire d'Etat, avec ses psychodrames, dont le plus retentissant a été la démission du tonitruant secrétaire d'Etat aux biens culturels Vittorio Sgarbi.

La loi "salva deficit" permet au gouvernement de créer deux entités contrôlées à 100% par le ministère de l'Economie - Patrimoine Spa et Infrastructures Spa - chargées de tirer un meilleur revenu des biens de l'Etat et financer les grands travaux d'infrastructures.

La première société sert de garantie aux investissements réalisés par la seconde, sans que ces opérations n'apparaisent dans le budget. L'enjeu est important. Avec un déficit de 16,6 milliards d'euros et une dette publique de 1.330 milliards d'euros, le gouvernement de Silvio Berlusconi est en effet dans la gêne. Or son programme de grands travaux prévoit 126 milliards d'euros d'investissements sur 10 ans, dont 5,7 milliards pour le pont suspendu entre la Sicile et la péninsule.

Mais l'adoption de cette loi a déclenché une polémique, avivée par les accusations de M. Sgarbi, encore membre du gouvernement, sur les noirs desseins de son ministre de tutelle, Giuliano Urbani, et du ministre de l'Economie Giulio Tremonti.

"Ils vendent les bijoux de famille pour régler des dettes de jeu", accuse l'ancien ministre de la Culture Giovanna Melandri. "Non, le Colisée n'est pas à vendre, pas plus que la Galerie des offices à Florence", assure depuis à qui veut l'entendre le ministre de l'Economie.

Ses assurances ne sont visiblement pas convaincantes. Le Président de la République italienne, Carlo Azeglio Ciampi a dû monter au créneau en rappelant "le caractère inaliénable, inscrit dans la Constitution, des biens culturels".

"Le gouvernement n'a pas l'intention de vendre les biens artistiques qui constituent le patrimoine inaliénable de la nation", a aussitôt assuré Silvio Berlusconi.

Mais il y a tout le reste: bâtiments, terrains, notamment sur le littoral, aéroports, autoroutes, entreprises publiques. Le patrimoine public italien a une valeur estimée à 2.000 milliards d'euros.

Et là, les craintes sont plus réelles. "Si un particulier achète une plage, il le fait pour en tirer un profit. Sur la plage se construit ensuite un hôtel, et le lieu devient un Disneyland plein de bruit et de ciment", s'inquiète Giulia Maria Crespi, présidente de la FAI, la fédération des environnementalistes italiens.

Limogé vendredi par une décision unanime de ses collègues lors d'un conseil des ministres, Vittorio Sgarbi est parti en croisade contre la loi. Il ne cesse depuis de se répandre en invectives et menace de passer à l'opposition.

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