RÉGLEMENTATION. Le permis d'expérimenter, introduit par le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance (Essoc), concerne notamment la sécurité incendie. D'où l'inquiétude, dans un premier temps, des sapeurs pompiers. Ceux-ci ont été depuis rassurés sur les intentions du Gouvernement.

Alors que l'enquête sur l'incendie de la tour Grenfell produit ses premiers résultats, et rappelle à quel point des erreurs de conception peuvent avoir des conséquences dramatiques, en France les pouvoirs publics s'apprêtent à introduire un "permis d'expérimenter" qui touchera à la sécurité incendie. Comme nous l'expliquait récemment Thierry Repentin, président du Conseil supérieur de la construction, un groupe de travail sera monté pour faire prévaloir l'obligation de résultats sur l'obligation de moyen, y compris sur ce sujet sensible.

 

En début d'année 2018, les sapeurs-pompiers étaient "tombés de l'armoire", en découvrant que la sécurité incendie entrait dans le cadre de ce dispositif, prévu par le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance (Essoc). "Le texte que s'apprêtent à voter les députés remet en cause le droit des Français à être bien protégé contre le risque incendie", assuraient-ils alors.


"Nous sommes complètement rassurés"

 

Mais la situation a évolué depuis. "Nous sommes rassurés", explique le commandant Didier Rémy, de la commission prévention de la Fédération nationale des sapeurs pompiers (FNSPF), à Batiactu. "Le Premier ministre a répondu à notre demande et confirmé que si l'article 26 [qui prévoit les contours du 'permis d'expérimenter', NDLR] ne pouvait garantir le niveau de sécurité attendu, il réviserait les dispositions. Ce qui nous a assuré que nous étions bien entendus." Depuis la nomination du Gouvernement d'Emmanuel Macron, il est vrai que les ministres en charge du Logement ont toujours assuré que toute simplification normative (ou pause normative) ne se ferait pas aux dépends de la sécurité des personnes. "Nous estimons que les règles et contraintes de sécurité incendie actuelles méritent des évolutions en cohérence avec les constructions et innovations à venir", ajoute Didier Rémy.

 

Malgré tout, les professionnels du feu tiennent à ce que leurs messages soient bien entendus dans le cadre du groupe de travail auquel ils seront associés. "La première ordonnance ouvrira certainement le permis de déroger, les pistes à l'étude étant l'ingénierie du feu et le désenfumage. L'expérimentation devrait durer de 12 à 18 mois. Puis une seconde ordonnance fixera les règles du jeu à long terme", nous informe Didier Rémy. Le professionnel a participé à une réunion à ce sujet le 26 mars, avec les pouvoirs publics. "Ouvrir à l'innovation peut être intéressant. Cela peut permettre aux bâtiments de pouvoir évoluer au niveau de l'usage, tout en maintenant l'exigence de sécurité."

 

Une réglementation incendie qui "a fait ses preuves"

 

Mais les pompiers invitent l'administration à établir, dans le permis de déroger, un bon rapport prix/enjeux. "Ce que nous voulons éviter, c'est qu'il y ait trop de règles différentes en fonction des types de bâtiment, ou des types de matériaux de construction utilisés", explique le commandant. "Nous voulons un socle de fondamentaux qui soit toujours respecté. Nous pourrions par exemple imaginer un scénario dans lequel, après l'avant-projet sommaire (APS), les acteurs se mettraient autour de la table pour vérifier que les fondamentaux de la sécurité incendie sont respectés."

 

Et les professionnels du feu insistent sur l'importance des contrôles. "La mesure instaurant une autorisation pour les maîtres d'ouvrage de bâtiments à déroger à certaines règles de construction devra être encadrée afin de s'assurer que la preuve de l'atteinte de résultats équivalents soit cohérente et adaptée", nous expliquent-ils. "La réglementation incendie actuelle en vigueur a fait ses preuves, et le nouveau texte ne doit pas faire fi des fondamentaux qui doivent garantir un niveau de sécurité minimale attendu."

 

Grenfell : "Il faut appliquer l'instruction technique 249"
"Nous invitons les pouvoirs publics à faire davantage attention à l'idée de contrôle de la bonne exécution des travaux", explique le commandant Rémy, plusieurs mois après l'incendie de la tour Grenfell et alors que les cause du sinistre sont connues. "Il nous faut également une application de l'instruction technique 249", ajoute-t-il. C'est également ce qu'expliquait Stéphane Hameury, spécialiste du sujet au CSTB, fin 2017. Pour rappel, cette IT249 est pour l'instant recommandée sur les bâtiments d'habitation de troisième et quatrième famille, mais pas obligatoire. Elle a pour objet, d'après le CSTB, de préciser les conditions d'applications des exigences réglementaires relatives au risque de propagation du feu par les façades, définir les dispositions relatives aux façades et à leur jonction avec les planchers ne nécessitant pas de vérifications expérimentales au moyen de l'essai Lepir 2 et définir des dispositions pour éviter le passage rapide des flammes ou gaz chauds d'un étage à l'autre. Le CSTB, dans son rapport de juin 2017, préconisait notamment de "renforcer les exigences sur les façades et l'isolation en prescrivant notamment l'application de l'IT249 aux bâtiments de 3ème et 4ème famille".

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