OBSERVATOIRE. Si la réglementation sur les délais de paiement était strictement respectée, cela permettrait au secteur de la construction de bénéficier d'une manne de trésorerie de 7,5 milliards d'euros. C'est notamment ce qui ressort du dernier rapport de l'observatoire des délais de paiement.

"Les enquêtes montrent que certaines entreprises, notamment les plus grandes, ne respectent toujours pas la réglementation applicable par méconnaissance ou par négligence." C'est en ces termes que l'observatoire des délais de paiement, qui vient de remettre son rapport annuel, affirme que les entreprises ne sont pas à égalité en matière de retards de paiement. Les entreprises ne sont pas seules visées, car un même phénomène touche les acteurs privés et publics : en moyenne, plus on est une grosse structure, moins bien on paye. "Nous observons que publique comme privée, une structure est plus prompte à régler ses fournisseurs lorsqu'elle est de petite taille. Les écarts sont ainsi sensibles pour les personnes morales de droit public soumises au droit commercial (Epic) et les sociétés commerciales", explicite l'observatoire.

 

La raison ? "Les manquements les plus courants sont dus à des procédures administratives ou comptables internes complexes", affirment les auteurs du rapport. "Les services comptabilité des grandes entreprises, devant traiter un grand nombre de factures, organisent des campagnes de règlement à des dates prédéfinies chaque mois, indépendamment de la date d'échéance de chacune de ces factures." Mais ces remarques sont à compléter par le fait que, malgré les nombreux changements réglementaires qui ont été édictés ces dernières années sur ce sujet, une forme de 'loi de la jungle' continue de s'imposer dans la vie économique.

 

Les retards de paiement coûtent 7,5 milliards d'euros au BTP

 

Le secteur de la construction, très majoritairement constitué de PME-TPE, souffre de cette situation. Et continue à être concerné par l'effet ciseaux entraîné par la Loi de modernisation de l'économie de 2008. Ainsi, dans le BTP, entre 2008 et 2016, les délais clients ont stagné à 64 jours de chiffre d'affaires, alors que les délais fournisseurs ont nettement diminué, passant de 64,9 à 57,1 jours d'achats.

 

"Plus d'une entreprise sur deux appartenant au secteur de la construction fait l'objet d'un règlement tardif de la part des clients. De plus, les grands retards (supérieurs à un mois) concernent 23% des entreprises du secteur, ce qui fragilise leur trésorerie. En matière de règlements fournisseurs, les entreprises du secteur ont fourni un gros effort, puisqu'en quinze ans elles ont doublé leur taux de règlements sans retard (61% en 2016, contre 30% en 2001)", peut-on lire dans le rapport. D'après les chiffres du cabinet Altarès, fin 2017, le retard de paiement moyen pour un acteur du BTP était de 9,1 jours (11,2 tous secteurs confondus). Les sociétés de construction restent ainsi "fortement contributrices au crédit interentreprises avec un solde commercial correspondant à 28 jours de chiffre d'affaires", notent les auteurs du rapport.

 

Amélioration des délais de paiement des clients des artisans

 

La dimension économique du non-respect des délais de paiement légaux est un vrai boulet pour le secteur. Les membres de l'observatoire ont d'ailleurs calculé que si la réglementation était strictement respectée, cela dégagerait une manne de trésorerie de 7,5 milliards d'euros, uniquement dans le secteur de la construction. Le BTP est le secteur qui bénéficierait le plus d'un tel scénario.

 

Toutefois, des points positifs laissent de l'espoir pour la suite. Car, au-delà du fait que les retards du paiement se sont plutôt stabilisés ces dernières années, l'observatoire remarque une légère diminution de l'amplitude de l'effet-ciseau, en 2016. Et, de son côté, la Capeb fait état d'une amélioration du délai de paiement clients, à 20 jours en octobre 2017. En marchés publics, où les délais de paiement sont visiblement plus longs pour les artisans qu'en marchés privés, la Capeb appelle à modifier l'article 13 du CCAG travaux "afin de maîtriser les délais de paiement des travaux non prévus et d'ajuster le calendrier de déclenchement de la procédure de la réception en vue d'un paiement du solde dans de meilleurs délais".


700.000 euros d'amendes administratives en 2017

 

L'observatoire a enfin effectué un bilan des amendes administratives infligées pour manquements à la réglementation. Ainsi, en 2017, dans l'industrie du BTP, près de 700.000 euros de sanction ont été distribués, l'amende la plus élevée étant d'un montant de 375.000 euros. Et, dans le cadre de la procédure name and shame ('nommer sur la place publique pour faire honte'), 23 noms de sociétés punies ont été divulgués sur le site de la DGCCRF - tous secteurs confondus.

 

Afin de mettre la pression sur les acteurs qui jouent le moins le jeu, et notamment les plus gros, le Gouvernement a annoncé vouloir renforcer sa politique de dissuasion. Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État au ministère de l'Économie, a en effet déclaré que le name and shame pouvait "améliorer le comportement des entreprises vis-à-vis des retards de paiement". "La publication systématique des sanctions devrait renforcer cette tendance. Pour donner une meilleure visibilité à ces publications, le ministère communiquera les décisions de sanction deux fois par an."

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