VIDEO. Au congrès HLM de Strasbourg, l'ensemble des acteurs du monde HLM ont fait savoir au Gouvernement qu'ils s'opposaient fermement à la réforme des APL annoncée par le Gouvernement. Julien Denormandie, secrétaire d'Etat, a été chahuté au point de ne pas pouvoir effectuer l'ensemble de son intervention. Reportage.

 

Cartons rouges, sifflets et banderoles. C'est une véritable fronde, voire une rébellion, qui s'est organisée au parc des expositions de Wacken, à Strasbourg, lors du congrès de l'USH 2017. Julien Denormandie, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires, a été accueilli, le 28 septembre aux environs de 15 heures, sous les huées et les sifflets d'une partie des 5.000 congressistes (voir vidéo ci-dessus). En cause : la présentation du PLF 2018, mercredi 27 septembre, prévoyant d'alléger d'en moyenne 60 euros par mois les APL aux 2,2 millions de locataires. Une annonce reçu par le monde HLM comme "un coup de massue".

 

"Je ne vais pas essayer dans cette tribune de vous convaincre et de vous vous expliquer pourquoi cette mesure est efficace", a tenté de se justifier Julien Denormandie, sous le vacarme. "Il faut sortir de ce système vieux de de 50 ans. [...] La seule solution pour faire diminuer durablement les APL, c'est de faire diminuer les loyers. [...] En aucun cas, nous ne cherchons à ponctionner des bailleurs sociaux. Franchement, les yeux dans les yeux, pourquoi diable n'avons-nous pas demandé d'augmenter la CGLLS [Caisse de garantie du logement locatif social, NDLR] ou de soumettre les bailleurs à l'impôt sur les sociétés ?"


L'intervention du ministre écourtée

 

Mais la situation était à ce point chaotique que le secrétaire d'Etat n'a pu s'exprimer qu'une quizaine de minutes, alors que de nombreuses personnes de l'assistance se permettaient de quitter les lieux. Au point qu'il a terminé son discours devant une salle à moitié vide, avant de partir, manifestement dépité, affirmant : "Je ne dirai pas 'Vive les APL', mais 'Vive les logements sociaux'." "Nous allons nous parler franchement, les yeux dans les yeux, je suis quelqu'un qui croit au dialogue", avait-il pourtant affirmé pour préparer le terrain.

 

Jean-Louis Dumont, président de l'USH, quelques minutes avant l'intervention du ministre, avait rappelé pourquoi le mouvement HLM s'opposait avec la plus grande fermeté au projet de réforme des APL. "Ce projet s'attaque à l'égalité entre les citoyens, entre les locataires HLM", a affirmé le président. "Il n'est pas juste. [...] Rien de ce que vous faites aujourd'hui n'a été annoncé dans la campagne présidentielle." Financièrement, d'après eux, le compte n'y est pas. "Les contreparties que vous proposez ne résistent pas à l'analyse. [...] Pour vous, pour Bercy, 3 millions d'euros, c'est quoi ? [...] Pour un organisme HLM moyen de 10.000 logements, c'est trois millions de fonds propres en moins., et avec l'effet levier, c'est plus de 21 millions d'euros d'investissement en moins pour construire. [...] Trois millions d'euros, c'est 600 logement qui ne seront pas réhabilités."

 

Congrès USH 2017
Congrès USH 2017 © S.Ch. pour Batiactu

 

Le Mouvement HLM a d'ailleurs adopté, à l'unanimité, une résolution : appel au retrait immédiat des dispositions, alerte auprès des élus locaux, les parlementaires et les locataires sur les dispositions et leurs "conséquences dramatiques". Interrogé par Batiactu, à l'issue du discours, Frédéric Paul, directeur général de l'USH prévient que "le mouvement HLM réfléchit à un éventuel recours juridique dans les prochaines semaines".

 

"J'ai quelques grenades dans ma besace pour répondre au Gouvernement"

 

Pour sa part, Alain Cacheux, président de la fédération des Offices publiques de l'habitat (OPH) a annoncé le lancement d'un plan d'actions sur les trois mois qui viennent. "Pour reprendre des termes de guerre et de combat, je vous assure que j'ai quelques grenades dans ma besace pour répondre au Gouvernement, car la mesure annoncée est une volonté affichée de détruire le monde HLM", a confié, jeudi matin, Alain Cacheux, président de la fédération qui regroupe 264 organismes gérant le parc de 2,4 millions de logements.

 

Placarder des affiches à l'entrée des parcs HLM

 

Parmi les principales actions, Alain Cacheux envisage d'organiser une journée spéciale, de placarder à l'entrée des parcs HLM une affiche "Non à la baisse de l'APL, non à la baisse de la solidarité nationale" et enfin de déployer un fort lobbying auprès des 577 députés. En effet, la fédération des OPH estime qu'elle va prendre de plein fouet la mesure : "Ce sont d'après nos calculs 122 organismes qui vont tomber dans le rouge et leur capacité d'autofinancement sera forcément négative", a expliqué Alain Cacheux. "Et ce sont près de 196 HLM qui seront en zone de fragilité sur les 723 que compte le parc."

 

Un impact de 4 Mds€ pour la construction et rénovation des HLM

 

D'après lui, "le secteur du BTP va forcément souffrir des conséquences de la mesure", a-t-il ajouté. "Cela va signifier une diminution brutale des investissements et des réhabilitations que l'Etat entend pourtant promouvoir." Interrogé par Batiactu, Alain Cacheux, évalue l'impact à hauteur de 4 milliards d'euros pour la construction et la rénovation. "J'ai également eu un appel de la Capeb ce mercredi qui m'a clairement exprimé son inquiétude", a-t-il ajouté.

 

Le président du Fonds des aides à la pierre met sa démission dans la balance
Emmanuel Couet, président du Fonds national des aides à la pierre (Fnap), a menacé de démissionner la semaine prochaine si les mesures annoncées par le Gouvernement étaient maintenues en l'état.

 

Un appel des élus prononcé pour le logement social
Près de 500 élus présents au congrès HLM ont demandé ce jeudi 28 septembre l'arrêt des mesures annoncées sur les APL pour "engager un dialogue approfondi et sans tabous". "Nous alertons sur l'impact économique des mesures du Gouvernement qui conduira à la destruction de plus de 300.000 emplois dans le monde du bâtiment et de l'immobilier", s'est exprimé Syamak Agha Babbei, vice-président de l'EuroMetropole en charge de l'habitat au nom des 500 élus. Avant de conclure : "L'arrêt de la construction neuve de logements et l'interruption des programmes de réhabilitation et de rénovation urbaine seront inévitables."

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