VILLE DURABLE. Mixité sociale, réversibilité des constructions, variété typologique, cycle de l'eau, influence du numérique… Quels sont les enjeux des nouveaux quartiers qui poussent sur tout le territoire ? Eléments de réponse avec des architectes, urbanistes et aménageurs, qui participaient à une matinale du Cérib.

Les éco-quartiers sont-ils simplement l'autre nom des ZAC, comme le pensent les architectes Lionel Blancard de Lery et Rudy Ricciotti, ou répondent-ils à d'autres enjeux ? Afin de répondre à cette question, le Cérib (Centre d'études et de recherches de l'industrie béton) a organisé une matinée d'échanges autour de la thématique des "nouveaux quartiers".

 

 

Modularité des constructions

 

Plusieurs intervenants se sont succédé, dont Philippe Servalli, vice-président de la FFB Grand Paris, qui a cité l'exemple du projet de Plaine-Commune, en Seine-Saint-Denis, qui se trouve à la croisée des deux plus importants chantiers de France : le Grand Paris Express et les Jeux Olympiques de 2024. Il explique : "Il s'agira d'un démonstrateur industriel pour la ville durable où seront expérimentés de nouveaux modes de conception des projets urbains pour une gestion plus sobre et une réduction des coûts". La zone, située au nord de Paris, servira de laboratoire de la construction. Notamment sur la question de la réversibilité des bâtiments puisque le village des athlètes sera transformé en habitat social une fois les olympiades terminées. "Il faudra faciliter le réaménagement intérieur pour convertir 17.000 chambres en 5.000 logements", précise Philippe Servalli. "D'où des processus industriels d'habitations convertibles, modulaires, où la préfabrication béton aura toute sa place", ajoute-t-il.

 

Consommation économe des ressources et du foncier

 

Autre grande thématique, celle de la biodiversité et de la place de la nature en ville. Paola Vigano, architecte et urbaniste italienne, Grand Prix de l'urbanisme 2013, a vanté les atouts d'une ville poreuse et perméable, en citant l'exemple d'un autre quartier, celui de la Courrouze à Rennes. "Une grande opération de 100 hectares, implantée sur une ancienne zone industrielle et militaire, qui était une friche à la topographie variée et à la végétation boisée", raconte-t-elle. Le projet de quartier a ici été construit en fonction de la cartographie de la biodiversité, en s'insérant dans la friche, sans pour autant la dénaturer. "En ce sens il est différent des projets traditionnels de ZAC, qui sont plus homogènes", dévoile l'urbaniste. L'opération, repose sur les trois piliers habituels - aspects sociaux, économiques et environnementaux - et présente une importante variété typologique des bâtiments, entre maisons et immeubles, tout comme une grande mixité des usagers et des services (étudiants, retraités, actifs…). Afin de parvenir à une "consommation économe du foncier", elle s'est même doublée d'un énorme travail de réutilisation des déblais et remblais sur place. Les terres extraites par le chantier de la station de métro n'ont pas été évacuées mais réutilisées localement afin de modifier localement la topographie et reconstituer des bassins versants vers des noues et un petit vallon collecteur. Paola Vigano note la relation directe entre terrain-matériau de construction et paysage. Les gravats des bétons issus de la déconstruction des rares infrastructures présentes ont également été incorporés aux nouvelles voiries, ceci afin d'améliorer encore le bilan environnemental.

 

Perméabilité des sols et préfabrication des éléments

 

Sur la question de la gestion des eaux pluviales, c'est le projet de la ZAC du Panorama à Clamart, qui a été présenté pour l'originalité de la solution retenue. Bien que situé sur une éminence, le quartier sera développé autour d'un… lac artificiel de 2,2 hectares ! Lionel Blancard de Lery, l'architecte-urbaniste en charge, raconte : "Le lac est l'élément central, avec des îles accessibles qui conserveront des éléments paysagers existants et des arbres adultes". Bien que créé de toutes pièces avec un fond bétonné, la pièce d'eau apportera un véritable plus au niveau de la biodiversité locale. Capable de stocker plusieurs milliers de mètres cubes d'eau de pluie, son niveau ne devra pas trop varier afin de ne pas perturber les espèces lacustres. Des fosses profondes de plusieurs mètres seront donc ménagées afin de servir de refuge et d'espace de reproduction pour les poissons, tandis que les berges seront traitées de façons variées, avec alternativement de la végétation ou des plages accessibles (bien que la baignade ne soit pas autorisée). Le maître d'œuvre ajoute qu'une attention particulière a été portée à la qualité des matériaux utilisés, y compris de la pierre de taille pour les immeubles et des éléments de béton architectonique ou préfabriqué. Murs antibruit, éléments de façade, toitures végétalisées, autant d'objets qui pourront être produits en usine, afin de respecter des délais toujours plus courts (ces chantiers du Grand Paris doivent être achevés dans les 5 ans) et des exigences de qualité toujours plus élevées. Philippe Servalli (FFB Grand Paris) insiste lui aussi sur l'utilité du BIM dès la phase de conception : "L'industrialisation sera indispensable pour diminuer les coûts de production, en conjonction avec le BIM qui l'intègre, dès l'origine du projet". L'utilisation de ce protocole de travail partagé, devra être clairement contractualisée avec une définition claire des responsabilités et une bonne gestion de la propriété intellectuelle des données.

 

ZAC du Panorama à Clamart
ZAC du Panorama à Clamart © Lionel Blancard de Lery

 

 

Les nouveaux quartiers sont donc des terrains d'expérimentation parfaits pour toutes les solutions constructives et bouillonnent de créativité en ce qui concerne la réduction de l'empreinte écologique. Paola Vigano résume ainsi la philosophie de l'éco-quartier : "Habiter la ville, vivre dans un parc". Pour Antoine de Souich, de l'EPA Paris-Saclay, la réussite d'un projet urbain durable au service de ses habitants et de ses usagers dépend de la mixité (logements, bureaux, commerces, services, administrations). Mais également de la capacité à "amener de la résilience dans les quartiers, en construisant sobrement et en développant des énergies renouvelables". Il conclut : "Réversibilité, biodiversité, économie circulaire et données numériques, tels sont les grands enjeux".

 

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