AVIS D'EXPERT - Le contrôle des fondations profondes par des méthodes non destructives peut s'opérer de trois manières, selon le type d'ouvrage et de chantier. Philippe Gaiani, chef d'agence de Grenoble du groupe Ginger-CEBTP, nous expose les principales caractéristiques de ces trois méthodes.

Batiactu : Pouvez-vous nous présenter les trois méthodes de contrôle des fondations profondes ?
Philippe Gaiani : Il existe tout d'abord la méthode « par transparence » ou « par carottage sonique », régie par la norme NF P 94-160-1. Elle est plutôt utilisée dans le domaine du génie civil. Des tubes d'auscultation sont préalablement fixés aux cages d'armature, avant l'étape du coulage de béton. En fonction du diamètre du pieu (en dessous ou au-dessus de 120 cm), trois ou quatre tubes sont disposés sur son pourtour. La technique consiste à faire passer une sonde émettrice et une sonde réceptrice dans les tubes d'auscultation, deux à deux.
Contrôle fondations profondes
Contrôle fondations profondes © Ginger CEBTP
Pour trois tubes, on obtient donc trois passages et pour quatre tubes, six passages. Les ondes émises par la sonde traversent le pieu et tout retard dans le signal reçu traduit une anomalie dans le béton. Cette anomalie peut être une mauvaise mise en œuvre (phénomène de ségrégation du béton), une rupture du bétonnage entre deux coulées, ou la présence de sol mélangé au béton. Cette méthode par transparence est également valable pour l'auscultation des parois moulées et pour les barrettes de fondation.

 

Batiactu : Quels sont les avantages et inconvénients de cette méthode ?
P.G. : La longueur des câbles des sondes est la seule limite de la méthode. Le fond de pieu peut parfois présenter un problème de contact avec le sol (curage du fond de pieu insuffisant). Ces anomalies sont généralement visibles avec cette méthode (tubes descendus jusqu'à -0.20 m du fond de pieu environ). En cas d'anomalie, un des tubes d'auscultation (descendu à -0.50 m du fond de pieu) peut servir de tubage pour la réalisation d'un carottage de fond de pieu afin de vérifier le contact pieu/sol.
Grâce à la méthode de carottage sonique, on obtient une bonne image de la qualité des fondations sur l'ensemble de leur profondeur. Elle est obligatoire pour les ouvrages d'art comme des ponts, qui présentent finalement peu de pieux à contrôler.

 

Batiactu : Quelle autre méthode peut-on rencontrer ?
P.G. : La méthode « par réflexion » et « par impédance », qui sont régies par la norme NF P 94-160-2 et -4. On envoie, à l'aide d'un marteau, une onde dans le pieu et on récupère ensuite cette onde qui revient via un géophone couplé. La méthode par impédance est un peu plus compliquée lors de l'étape du traitement du signal, mais le principe reste le même. Ces contrôles se font sur les pieux de bâtiments de types et de tailles variées. Elles sont peut-être plus polyvalentes. De plus, elles présentent l'avantage d'être faciles à mettre en œuvre : le seul temps de préparation consiste à rendre propre la tête de pieu pour pouvoir y coller le capteur du géophone. Dans la pratique, c'est un coup de disqueuse qui décape la surface du pieu ! A contrario, le traitement et l'interprétation des résultats est plus ardue que dans la méthode par transparence. Des spécialistes sont requis pour analyser les courbes. L'inconvénient de cette méthode porte sur les hypothèses prises en compte qui ne permettent pas de définir avec certitude la longueur réelle du pieu. Le fond de pieu et le contact avec le sol ne peuvent être discernés avec exactitude.

 

Batiactu : Qu'en est-il de la troisième méthode ?
P.G. : Il s'agit de la méthode de « la sismique parallèle ». Cette dernière s'utilise dans le cas où le bâtiment est déjà existant et les pieux en place ne sont plus accessibles, rendant impossibles les méthodes de réflexion ou d'impédance. La sismique parallèle est la plus lourde des trois techniques : elle nécessite la réalisation d'un forage à un mètre de la fondation, qui doit être équipée d'un tube PVC scellé au sol par un coulis de de ciment. Cette opération, plus longue et plus fastidieuse, génère de plus un surcoût important. La technique est utilisée dans le cadre d'expertise ou de réhabilitation de bâtiment nécessitant de connaître les fondations mis en œuvre sur l'existant. Du côté de la technique, encore une fois on envoie une onde dans le bâti existant et on récupère les ondes émises grâce au géophone installé dans le forage parallèle à la fondation. Le récepteur est descendu par tranches de 1 m entre chaque essai. Toute inflexion dans le signal peut montrer la fin de la fondation avec une définition assez fine. Là encore, l'interprétation peut être ardue, en particulier sur des ouvrages qui ne sont pas en béton, tels des murs calcaires enterrés ou des puits béton mélangés : la propagation des signaux dans les matériaux est moins maîtrisée.
Chacune des méthodes a donc ses avantages de rapidité et facilité de mise en œuvre, ou de précision et de qualité des informations recueillies. La première sera employée uniquement sur des ouvrages d'arts pré-équipés, la seconde sera la plus généraliste (chantier de bâtiment) et la troisième sera celle employée non plus en phase chantier mais lors d'expertises sur un bâtiment déjà terminé.

 

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