Tandis que le projet de loi dit Sapin II est examiné par les députés depuis ce lundi, le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, s'est livré à un plaidoyer pour défendre sa réforme contestée par l'artisanat, et plus précisément l'article 43. L'UPA affirme être désormais entrée « en guerre » contre ce texte. Explications.

Ce n'est plus un combat, mais « une guerre », nous a confié ce mardi 7 juin 2016, Jean-Pierre Crouzet, président de l'UPA. Une guerre contre le texte de la future loi Sapin II, et contre l'article 43 en particulier, qu'a encore défendu bec et ongles le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, lundi devant les députés. Le mot est donc lâché.

 

En effet, le ministre s'est livré à un véritable plaidoyer en faveur de la réforme des qualifications, issue de son projet de loi sur les Nouvelles opportunités économiques (Noé), désormais intégrée dans le projet de loi Sapin II porté par Michel Sapin. Plaidoyer car les députés à qui il faisait face ce lundi étaient loin d'être acquis à sa cause. « Ils sont effectivement bien embêtés », nous glisse Jean-Pierre Crouzet.

 

Les compétences n'empêchent pas la création d'entreprise, UPA

 

Emmanuel Macron a ainsi redit que sa réforme vise à « faciliter la création et le développement d'activités et d'emplois par les travailleurs indépendants », notamment « en soutenant les personnes éloignées du marché du travail ». Et l'UPA de gronder : « (…) Pour autant, le gouvernement se garde bien de livrer le moindre objectif chiffré. Aucune étude d'impact n'a, en effet, été fournie à l'appui de cette proposition ». L'organisation patronale estime même que le calcul des créations de postes est erroné. « En effet, l'artisanat figure parmi les secteurs où l'entrepreneuriat s'est le plus développé ces dernières années, avec la création de 300.000 entreprises supplémentaires (sur un total de 1.1 million d'entreprises artisanales) en moins de 20 ans ». Preuve que l'acquisition d'un minimum de compétences n'est pas un frein à la création d'entreprises, martèle-t-elle.

 

Face à la levée de boucliers des professionnels qui voyaient, un temps, la suppression des qualifications, le ministre a rappelé : « Il ne s'agit pas ici de revenir sur les qualifications pour l'accès à ces métiers : il faudra toujours un CAP pour être électricien ou boulanger ». Mais « avec une meilleure prise en compte de la validation des acquis de l'expérience », a-t-il ajouté, prenant l'exemple de la coiffure où les professionnels et l'Etat ont trouvé un accord pour moderniser le secteur.

 

Des tâches « détachables » pour faciliter la création d'entreprises

 

Sécurité et santé seront également prises en compte, s'est défendu Emmanuel Macron, « mais des tâches détachables de certains métiers, dans un juste contrôle, pourront être ouvertes pour que l'on crée plus facilement son activité ». Un saucissonnage redouté par la Capeb, et relayé de nouveau par l'UPA. « Les métiers de l'artisanat sont des vrais métiers qui nécessitent de disposer de compétences. On ne peut pas s'improviser maçon, coiffeur ou boucher », insiste l'organisation patronale. Qui, rappelons-le, a initié, il y a quelques jours, une campagne de communication originale et décalée, qui consistait, entre autres, à livrer aux ministres une box pour apprendre certains métiers de l'artisanat. « Pour l'instant, nous n'avons eu aucun retour des ministres, révèle Jean-Pierre Crouzet, mais sommes décidés à poursuivre nos actions ».

 

Gauche et droite pour une fois à peu près d'accord

 

De nombreux amendements sont attendus sur ce texte, les parlementaires semblant faire bloc contre cet article 43. Ainsi, la députée de l'Ariège, Frédérique Massat (PS) s'est dite « pas favorable » à cet article qui suscite de « fortes inquiétudes sur nos territoires ». De son côté, l'orateur LR, Olivier Marleix, a déclaré la « complète opposition » de son groupe à cette réforme, qui est une « forme de mépris » à l'artisanat et un « étrange message aux jeunes ». En effet, cette mesure « porterait un coup fatal à l'apprentissage », estime également l'UPA.

 

Le ministre de l'Economie a cependant tenu son discours jusqu'au bout, affirmant que ces mesures ont « vocation à permettre au plus grand nombre de saisir ces nouvelles opportunités économiques ». Avant de conclure que « nos concitoyens ne sont pas tous égaux pour tirer partie de leurs talents » et qu'il faut « s'adapter à la grande transformation économique à l'œuvre ». A bon entendeur…

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