Batiactu : Sur cette notion de "construire plus", le Président de la République a assuré devant les professionnels que le PTZ neuf serait finalement maintenu dans les zones B2 et C. Cette décision pourrait-elle être étendue éventuellement pour le Pinel ?
Jacques Mézard :
Je rappelle tout d'abord que ces dispositifs étaient censés s'arrêter le 31 décembre 2017. C'est-à-dire que le Gouvernement aurait pu dire : "On arrête." Nous avons donc fait un choix qui a nécessité des arbitrages pour à la fois resserrer un peu les dispositifs, tout en donnant plus de visibilité aux professionnels. Sur le Pinel, ce qui est prévu sur les zones tendues, c'est un prolongement de quatre ans. Ainsi, les professionnels ne vont pas se demander chaque année si le dispositif est reconduit ou non l'année suivante. J'ai écouté les acteurs de l'immobilier et la stabilité, le fait de savoir de quoi demain sera fait, est extrêmement importante pour eux. Ils en ont assez que les législations changent tous les huit jours ! Quant au PTZ, le président de la République a en effet annoncé que la mesure serait étendue au neuf pendant deux ans sur les zones détendues, sur B2 et C pour une quotité de 20%. Il est bon de dire que sur des zones détendues, il faut mettre davantage l'effort sur la réhabilitation et la rénovation. On ne peut pas à la fois se plaindre de centres villes qui ont de graves difficultés, avec des populations qui partent et un bâti qui se dégrade, et nous reprocher de conserver le PTZ ancien pendant quatre ans en zone détendue. Toutefois, il ne fallait pas bloquer la construction du neuf dans ces zones-là, d'où notre décision d'y réintroduire le PTZ. Il s'agit aussi d'afficher un signal, concrétisé également par le lancement du plan pour les villes moyennes. Il y a une reconquête des centres villes à réaliser. Et c'est un marché qui s'ouvre pour le monde du bâtiment et, en particulier, en matière de rénovation, pour tous nos artisans.

 

"Nous avons trouvé sur le Pinel et le PTZ une formule qui assure de la lisibilité et de la prévisibilité."

 

Batiactu : Certains acteurs du secteur regrettent la primauté donnée à l'aspect budgétaire dans les décisions gouvernementales. Que leur répondez-vous ?
Jacques Mézard :
Nous sommes dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, et peu de Français contestent le fait que nous ayons besoin de rétablir les équilibres financiers et d'arrêter de tout régler par de l'endettement. Evidemment, quand on fait des économies budgétaires, les secteurs concernés n'apprécient pas forcément mais nous avons trouvé sur le Pinel et le PTZ une formule qui assure de la lisibilité, de la prévisibilité et qui ne remet pas en cause la capacité de construire.

 

Batiactu : Pour construire plus, mieux et moins cher, vous annoncez aussi une simplification des normes et pour ce faire, un allègement du code de la construction, une réécriture, même, qui ferait passer d'une logique d'obligation de moyens à une logique d'obligation de résultat. De nombreux professionnels ont envie d'y croire. Mais face à l'ampleur de la tâche, comment allez-vous procéder ? Sur quels sujets prioritaires (accessibilité, parasismiques…), sachant que se pose la question du contrôle des résultats ?
Jacques Mézard :
Bien sûr, il ne s'agit pas de faire n'importe quoi, notamment sur les sujets de sécurité. Mais nous faisons le même constat que tout le monde : nous croulons sous les normes. Dans le secteur de la construction, je connais peu d'intervenants qui ne considèrent pas que c'est devenu un frein considérable à la construction, au niveau du coût et des délais. Il y a plusieurs solutions. Il y a d'abord une volonté de ne pas alourdir la réglementation : nous nous sommes engagés à ne pas produire de nouvelles normes dans la construction durant ce quinquennat, sauf pour des questions de sécurité ou pour appliquer les normes déjà votées. Nous comptons également, comme vous le rappelez, réécrire toutes les normes de construction pour les formuler sous forme d'objectifs de résultats à atteindre : l'objectif est de simplifier et de soutenir des modes de faire différents, innovants et moins chers. Légifèrerons-nous par ordonnance sur ce dossier ? Pour l'instant, toutes les pistes sont à l'étude. C'est un gros chantier et nous souhaitons le conduire avec les professionnels.

"La meilleure solution pour simplifier, c'est de s'adresser à ceux qui ont les compétences et qui viennent du terrain."

 

Batiactu : Est-ce qu'il y aura, dans le cadre de cette politique de simplification, une place pour le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique ?
Jacques Mézard :
Oui, bien sûr. Il y a un nouveau président, Thierry Repentin, qui connaît bien le secteur et qui est extrêmement compétent. Le conseil supérieur de la construction va nous faire des propositions. Car la meilleure solution pour simplifier, c'est de s'adresser à ceux qui ont les compétences et qui viennent du terrain. Je rappelle toutefois que certaines normes sont le résultat d'un lobbying, parfois des professionnels du secteur eux-mêmes. J'ai passé un certain nombre d'années au Parlement et je sais comment fonctionnent les choses. Il faut collectivement apprendre à simplifier les normes et j'y suis déterminé.

 

"L'objectif, c'est 100% de logements évolutifs, dont 10% de logements accessibles."

 

Batiactu : Que comptez-vous faire pour simplifier la réglementation sur l'accessibilité ?
Jacques Mézard :
Nous avons beaucoup dialogué avec les acteurs, notamment l'Association des paralysés de France (APF).Il faut respecter les attentes des associations parce qu'il y a encore à faire, notamment en matière d'accessibilité des transports, afin de développer une société réellement inclusive. Toutefois, force est de constater que la loi de 2005 a par ses effets suscité beaucoup de crispations, alors je souhaite de l'apaisement et travailler collectivement pour que chacun puisse être logé dignement. Aujourd'hui, il ne s'agit pas de crisper sur la norme accessibilité mais de penser le logement autrement : anticiper les besoins du vieillissement, la perte d'autonomie, les accidents de la vie. D'un point de vue accessibilité, nous allons donc proposer sur le neuf d'aller vers 100% de logements évolutifs, dont 10% de logements accessibles. Nous avons estimé que sur un appartement de 60m², une telle mesure peut en faire gagner 5. Ce n'est pas neutre. Ce qui sera, en matière de construction, un progrès considérable car nous souhaitons co-construire une solution nouvelle avec les constructeurs et les associations. Je suis confiant et le dialogue doit se poursuivre pour préciser ces éléments.

 

"Je souhaite faire examiner la pertinence de la carte du risque sismique."

 

Batiactu : Et qu'en est-il des normes sismiques ?...
Jacques Mézard :
Il faut travailler dans deux directions : d'abord, je souhaite faire examiner la pertinence de la carte du risque sismique car on nous remonte que des territoires sont indiqués en risque alors que la terre n'y tremble jamais ; ensuite pour mieux proportionner les exigences en fonction des zonages. Je serai très attentif aux questions de sécurité.

 

Batiactu : Les professionnels du bâtiment, entreprises et architectes, apprécient en tout cas votre souhait de leur faire davantage confiance en faisant primer une obligation de résultats...
Jacques Mézard :
Multiplier la règlementation et les normes, c'est faire preuve qu'on ne fait confiance à personne ! Je souhaite résolument agir avec les professionnels.

 

Batiactu : Et c'est aussi un frein à l'innovation…
Jacques Mézard :
J'allais justement y venir. Je suis récemment allé inaugurer une usine de fabrication de chanvre, en Essonne, où il y a 900 hectares de production. L'entreprise nous a dit qu'il y avait des certifications qu'elle n'avait pas et que cela l'empêchait d'utiliser certains de ses produits dans la construction. Cela l'empêchait ainsi d'accéder au marché. Les produits de l'entreprise ont pourtant des qualités qui paraissent très intéressantes. Nous leur avons répondu que nous allions faciliter cela. Et pour le bois, même problème. Nous avons une législation qui ne permet pas toujours d'utiliser l'ossature bois pour construire. Notre volonté, c'est de permettre l'utilisation de nouveaux matériaux et de nouvelles technologies. Je ne souhaite pas privilégier certains matériaux par à d'autres mais lorsque certains sont désavantagés, il faut rétablir les équilibres.

 

"Nous avons une législation qui ne permet pas toujours d'utiliser l'ossature bois pour construire."

 

Batiactu : Avez-vous avez un calendrier à nous présenter sur la stratégie logement présentée en septembre dernier ?
Jacques Mézard :
Notre objectif est de présenter la loi en conseil des ministres avant la fin de l'année, pour un passage au Parlement au 1er semestre 2018. Je rappelle toutefois que la stratégie logement se traduira dans la loi, mais aussi par des dispositions réglementaires ou encore à travers des démarches d'entraînement des acteurs, des engagements volontaires. Il y aura bien sûr des dispositions fiscales, comprises dans le PLF 2018 : il y a notamment la question du renversement du système fiscal dans la cession du foncier. C'est un signal fort, une véritable rupture alors que notre système fiscal encourage aujourd'hui la rétention foncière. Nous souhaitons également mobiliser le foncier public. Il est malheureusement très difficile à mettre sur le marché, parce que nous sommes dans un système très bureaucratique et je souhaite faciliter la mobilisation par l'open data sur les données foncières publiques. Je recevais récemment un maire d'une commune d'Île-de-France qui venait de signer l'achat du terrain de l'ancien hôpital : la procédure avait débuté en 2004. Il avait donc fallu treize ans !.... Des grands aménageurs m'ont également dit qu'une opération d'aménagement, entre le commencement et la livraison, prenait en moyenne douze ans. Nous devons traiter ce sujet des délais à bras-le-corps !

 

Batiactu : Ce qui nous amène à la question des recours abusifs ?...
Jacques Mézard :
Ce n'est pas imputable qu'aux recours, c'est aussi l'accumulation des enquêtes, des procédures… Les recours, il est vrai, sont un problème majeur. Un autre maire m'expliquait que 60% de ses permis faisaient l'objet d'un recours. Sachant qu'une bonne partie de ces recours sont un moyen de négocier un retrait moyennant un chèque : il y a de réelles pratiques abusives qui nuisent à la construction de logement et nous étudions actuellement les dispositions permettant d'accélérer les délais de jugement, éviter les procédures dilatoires et renforcer les sanctions contre les recours reconnus abusifs.

 

"Nous avons reçu tout le monde, et nous continuerons ces consultations, notamment numériques."

 

Batiactu : Vous avez lancé une concertation pour récupérer des idées pour votre stratégie Logement. Continuerez-vous à utiliser cette méthode à l'avenir ?
Jacques Mézard :
Quand j'entends certains dire que nous n'avons pas concerté, je me dis qu'ils devraient venir faire un tour au ministère ! Nous avons lancé une large consultation électronique. Nous recevons des acteurs professionnels, associations, élus tous les jours. Nous avons reçu tout le monde, et nous continuerons ces consultations, notamment numériques, qui représentent une opportunité pour tous. Mais je ne vous dis pas que toutes les propositions qui nous ont été faites seront reprises. Il y en a beaucoup qui sont totalement contradictoires les unes avec les autres, parce que les intérêts ne sont pas forcément les mêmes. Trouver l'équilibre est notre travail, et ce, dans la concertation.

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