La flambée de l'immobilier anglais réveille le spectre d'un crash semblable à celui qui avait balayé le pays au début des années 90, même si les économistes estiment peu probable la répétition d'un tel scénario.

Les prix des maisons ont affiché en mai leur plus forte hausse mensuelle depuis près de 20 ans, avec une progression de 4,2% par rapport à avril et de 18,5% sur un an, selon les chiffres de la banque Halifax.

Après un vague ralentissement à la suite des attentats du 11 septembre, les prix de l'immobilier continuent ainsi leur course folle, entamée à la fin des années 90.

La faiblesse des taux d'intérêt - à 4%, soit un plus bas depuis 40 ans -, le dynamisme du marché de l'emploi, le déséquilibre de l'offre par rapport à la demande et la flambée des bonus à la City de Londres expliquent cette envolée des prix, dans un pays où l'achat d'un logement est préféré à la location.

Mardi, Howard Davies, président du régulateur financier britannique, l'Autorité des services financiers, a mis en garde les acheteurs, notamment les jeunes urbains, contre la contraction de prêts "qu'ils pourraient regretter toute leur vie".

La semaine dernière, le gouverneur de la Banque d'Angleterre Eddie George avait tapé du poing sur la table en déclarant que la hausse de l'immobilier n'était "pas supportable", et menaçant d'un relèvement des taux d'intérêt si la situation ne se calmait pas d'elle-même.

Ces avertissements ont réveillé le spectre du crash du début des années 90. Après plusieurs années de fortes hausses des prix des maisons, la Banque d'Angleterre (BoE) avaient brusquement remonté ses taux pour combattre l'inflation.

Parce que les taux de la plupart des prêts immobiliers sont indexés sur les taux de la BoE, de nombreux Britanniques avaient été pris à la gorge: ne pouvant faire face aux remboursements, ils avaient dû vendre en masse, aggravant encore l'effondrement du marché.

En trois ans, les maisons dans le sud de l'Angleterre avaient perdu en moyenne plus d'un tiers de leur valeur, une baisse sans précédent, alors que les gens devaient rembourser le montant initial de leur achat, rappelle Andrew Oswald, professeur d'économie à la Warwick University.

Mais selon Jonathan Loynes, économiste au cabinet de consultants Capital Economics, la Grande-Bretagne devrait éviter cette fois-ci les images traumatisantes de ces rues entières bordées de panneaux "à vendre", comme il y a dix ans.

"Bien que les prix de l'immobilier aient fortement progressé, l'inflation se situe à un niveau historiquement bas. Il n'y a donc nul besoin pour la Banque d'Angleterre de relever ses taux de manière agressive", déclare-t-il.

"La BoE peut se permettre d'y aller doucement", ajoute-t-il, pariant comme ses collègues sur une remontée progressive des taux. L'inflation a en effet encore ralenti en mai, avec une hausse de seulement 1,1% sur douze mois en mai.

Andrew Oswald table sur "un fort repli des prix de l'immobilier", mais pas sur un effondrement. "Les précédents crash avaient tous été provoqués par une brusque remontée des taux", rappelle-t-il.

D'autre part, la valeur d'une maison britannique équivaut en moyenne à trois fois et demi le revenu annuel du propriétaire en temps normal. A la fin des années 80, ce ratio était monté jusqu'à plus de 5. On est aujourd'hui à 4, "soit proche du territoire dangereux", estime Andrew Oswald, qui pense cependant que cela n'ira pas plus loin.

En outre, le crash d'il y a dix ans avait coïncidé avec l'entrée en récession du pays et l'envolée du chômage.
"L'an dernier, c'est le marché immobilier qui a évité la récession à la Grande-Bretagne", juge l'économiste de Capital Economics. Les maisons prenant chaque mois de la valeur, les Britanniques ont le sentiment d'être plus riches et n'ont pas hésité en 2001 à dépenser, alimentant ainsi la croissance.

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