L'Etat a lancé lundi matin la privatisation totale des sociétés Autoroutes Paris Rhin-Rhône (APRR), Autoroutes du sud de la France (ASF) et Sanef, sous la forme d'un appel à candidature annoncé par les ministres Thierry Breton et Dominique Perben. Un scénario qui contraint les groupes de BTP à revoir leurs offres à la hausse.

Lundi matin, le gouvernement a opté pour la solution des appels d’offres pour la privatisation des sociétés d’autoroutes. L'opération «portera sur l'intégralité de la participation détenue par l'Etat dans chacune des sociétés», ont précisé les ministres des Finances et des Transports dans un communiqué.

«La date limite de remise des offres est fixée le 22 août» et le gouvernement devrait choisir «à l'automne» le ou les repreneurs des trois sociétés d'autoroutes parmi les candidats déclarés, précise le ministre des Finances dans un entretien publié lundi dans «Les Echos». Dans le même entretien, son collègue des Transports a expliqué que la privatisation des sociétés d'autoroutes «leur permettra par exemple de nouer facilement des alliances pour conquérir des marchés à l'étranger». «Afin de garantir encore davantage la transparence et le caractère ouvert de la procédure», celle-ci sera placée «sous la surveillance d'une personnalité indépendante qui sera désignée dans les prochains jours», a précisé le communiqué des ministres.
«L'Etat n'exclut pas la cession de tout ou partie de l'une ou l'autre des participations dans le cadre de placements sur le marché (y compris accélérés)», selon le cahier des charges publié lundi par Bercy. La cession de «l'intégralité» des parts peut être effectuée en «une ou plusieurs fois», a commenté le ministère de l'Economie. L'Etat a pour objectifs, entre autres, «d'optimiser les conditions financières de cession», en privilégiant le numéraire, et de «garantir le respect des contrats de concession et la qualité du service public». Afin de garantir un actionnariat stable, les acheteurs doivent s'engager à ne pas revendre dans un délai de deux ans, ou à ne pas augmenter leur part dans ce même délai s'ils n'ont pas acheté la totalité. Le cahier des charges a précisé que l'attribution des travaux des sociétés d'autoroutes devra s'inscrire «dans la transparence» et la «non discrimination».

Les groupes de BTP en concurrence avec les fonds d’investissement
Le scénario de l’appel d’offres change radicalement la donne de départ. En effet, depuis la déclaration du Premier ministre officialisant la vente des trois sociétés, la logique financière a donc pris le pas sur le projet industriel, même si le gouvernement n’oublie pas celui-ci. «Les groupes de BTP vont devoir aligner à la hausse leurs offres sur celles que pourront faire des fonds d’investissement», a noté un analyste d’une banque parisienne, cité dans «Les Echos».
Jusqu’à présent, Vinci visait ASF, dont il détient déjà 23%, tandis qu’Eiffage pouvait jeter son dévolu sur APRR, et Bouygues sur Sanef. Des trois intéressés, Eiffage semble être le plus désavantagé par la tournure des événements. «Sa capacité d’investissement est limitée, même s’il revend ses 17% dans Cofiroute ou la concession du viaduc de Millau : pas plus de 1,5 à 2 milliards d’euros», a déclaré aux «Echos» Edmond Sassine de Kepler Equities. Or, les sociétés d’autoroutes coûtent cher : près de 11 milliards pour APRR, contre environ 7,5 milliards pour la Sanef et 19 milliards pour ASF. «Quel que soit le groupe, une alliance avec un investisseur institutionnel semble désormais inévitable pour répondre à la logique du gouvernement», a jugé un analyste.


Annoncée le mois dernier par Dominique de Villepin, la vente des trois sociétés pourrait rapporter au moins 11 milliards d'euros, qui seront «affectés au désendettement de l'Etat et au financement d'investissements porteurs d'avenir pour notre économie». Selon Thierry Breton, le produit de cette cession servira notamment à financer l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), l'Agence nationale de la recherche et l'Agence de l'innovation industrielle.

Modification des statuts de l’AFITF
Ses statuts seront modifiés pour lui permettre de financer non seulement les grands programmes d'infrastructures arrêtés en décembre 2003 par un Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire mais aussi la part relevant du ministère de l'Equipement dans les contrats de plan Etat-région. «Pour assurer son financement, l'AFITF sera dotée de ressources pérennes», a précisé Bercy dans son communiqué. «Tout en conservant le produit des redevances domaniales, elle se verra affecter la taxe sur l'aménagement du territoire et, pour les infrastructures ayant les impacts les plus importants en terme de sécurité, 40% des recettes d'amendes des radars routiers automatiques». «Ainsi, les ressources de l'AFIFT seront assurées pour des montants supérieurs aux dividendes qu'elle reçoit actuellement des sociétés concessionnaires d'autoroute», a ajouté le ministère de l'Economie et des Finances.
En 2006, l'AFITF bénéficiera ainsi d'un revenu global de 1,5 milliard d'euros, contre 1,1 milliard en loi de finances 2005. «Sur la période 2005-2012, elle disposera d'environ 12 milliards d'euros de ressources garanties», a précisé Bercy. «Ce renforcement des conditions de financement de l'AFITF permettra d'accélérer la réalisation des programmes d'infrastructures de transports».


Les sociétés d’autoroutes en chiffres
APPR (Paris-Rhin-Rhône) : 1,51 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2004 et 148 millions d’euros de résultat net. 2.260 km de réseau de concession. 4.495 salariés. Part de l’Etat au capital : 70%.

ASF (Sud de la France) : 2,39 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2004 et 403 millions d’euros de résultat net. 3.124 km de réseau en concession. 8.190 salariés. Part de l’Etat au capital : 50,3%.

Sanef (Nord et Est de la France) : 1,05 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2004 et 97 millions d’euros de résultat net. 1.772 km de réseau en concession. 3.600 salariés. Par de l’Etat au capital : 74%.

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