Maintien ou modification des aides, suppression des droits de mutation, refonte de la taxe foncière, reconnaissance des loyers "implicites" des propriétaires… Toutes ces questions ont été abordées par des députés et spécialistes du crédit réunis à l'occasion des 12es Rencontres pour le logement et l'immobilier. Tour d'horizon des différentes propositions formulées.

France Stratégie (ex-Commissariat général à la stratégie et à la prospective), l'organisme de réflexion, d'expertise et de conseil placé auprès du Premier ministre, s'est penché sur la question de la fiscalité du logement. Elle a rédigé une note contenant plusieurs pistes de réflexion. Fabrice Lenglart, le commissaire général adjoint, prévient : "C'est un levier d'action dont il faut s'emparer dans les dix ans. Mais il n'est pas question d'augmenter les prélèvements obligatoires en France !". Il poursuit : "La fiscalité du logement avantage les propriétaires occupants qui bénéficient, à revenus égaux, d'un meilleur niveau de vie qu'un ménage de locataires. Est-ce un problème ? En fait cela pose deux difficultés, tout d'abord en freinant la mobilité résidentielle - conjuguée à une taxation des transactions très lourde en France - et elle avantage les séniors par rapport aux plus jeunes".

 

Taxer les propriétaires-occupants ?

 

L'organisme a donc évalué plusieurs mesures de réforme de cette fiscalité afin de la rendre plus neutre pour les différentes catégories de personnes. "Nous mettons en avant trois options, sans préférence aucune : la première est de rendre les loyers versés déductibles du revenu fiscal, et la seconde, de refondre la taxe foncière et de défiscaliser les revenus fonciers. La troisième, enfin, consiste à supprimer cette taxe foncière et à assujettir les loyers 'implicites' à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, et donc à imposer les propriétaires occupants". Une idée très contestée qui se base sur un avantage en nature qu'il est difficile d'évaluer. Audrey Linkenheld, députée du Nord, répond : "Je ne suis pas convaincue. Quel est l'intérêt de cette réforme ? En quoi réglerait-elle les problèmes qui se posent aux Français ? Il faut une politique de logement mixte, avec des propriétaires, mais également des locataires, un parc privé et un parc social… Nous avons surtout besoin de produits logements qui répondent aux attentes". Fabrice Lenglart assure que la mesure ne découragera pas l'envie d'accéder à la propriété : "Cela existe aux Pays-Bas, au Danemark, au Luxembourg ou en Suisse, des pays où les taux de propriété sont supérieurs à la France". Un avis partagé par Bruno Deletré, le directeur général du Crédit Foncier : "La propriété ne freine pas la mobilité : ce sont les droits de mutation qui sont un problème, ainsi que les frais d'hypothèque qui sont les plus élevés d'Europe". Ce à quoi France Stratégie répond par une proposition complémentaire : celle d'une suppression de ces droits de mutation, moyennant une compensation pour les collectivités locales.

 

Des dispositifs d'aide à maintenir

 

Le député du Loiret, Olivier Carré, note : "Le marché de l'immobilier ne fonctionne pas bien. Le coût global de production des logements et celui des loyers est plus important en France qu'ailleurs. Les prix sont davantage liés à l'inflation qu'à la situation du marché lui-même". Il estime que les rapports propriétaire-locataire, très favorables au second depuis la loi ALUR, doivent être simplifiés : "Il faut travailler sur le bail, notamment pour régler le problème des locataires indélicats qui détruisent la confiance, l'appétence et sapent la base de l'immobilier". Du côté du secteur HLM, le député prévient : "Les acteurs vont devoir faire face à la remontée des taux d'intérêts et nous allons avoir des situations délicates. La gouvernance doit servir l'intérêt général et présenter plus de souplesse". Bruno Deletré renchérit : "Le marché du logement et de la construction neuve vont mieux aujourd'hui. Il faut maintenir dans la durée les dispositifs d'aides à l'accession, comme le PAS ou le PTZ, qui sont tous complémentaires. Il est certes possible de bouger les curseurs, tel le plafond de ressources, mais il faut absolument éviter d'inventer de nouveaux dispositifs qui mettraient des années à se répandre". Un sentiment partagé par Audrey Linkenheld : "Ces aides ont fait l'objet d'une mission d'évaluation de plusieurs mois, menée avec le concours de la Cour des Comptes. Et il nous semble que le dispositif fonctionne plutôt bien. Le PTZ est bien relativement bien calibré, ce qui se traduit dans les chiffres et la qualité. Il répond à la cible, celle des ménages modestes. Le PAS, prêt à l'accession sociale, pourrait être étendu aux personnes qui n'ont pas de contrat de travail à durée indéterminée". La députée du Nord estime qu'il reste du travail à effectuer sur l'articulation entre les aides nationales et celles apportées par les collectivités locales.

 

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