Seulement 1% du parc existant sera concerné par la RT 2000. Pourtant avec 40% des fenêtres posées dans le neuf, le marché de la menuiserie et de la fermeture risque d'en être particulièrement affecté. Reste à vérifier la bonne application de la cette nouvelle réglementation.

Depuis la publication de la nouvelle réglementation, les experts s'interrogent sur sa nécessité, son champ d'intervention et son possible impact. " J'aimerais savoir si elle sera plus appliquée que l'ancienne réglementation ", se demande Jean Bridier du SNFA*. Un doute partagé par le député écologiste Yves Cochet dans son rapport au Premier ministre rendu en septembre 2000 : " Selon une évaluation du CSTB, dans 95 % des cas la réglementation thermique des bâtiments n'a pas été appliquée dans sa totalité dans le secteur tertiaire " précise-t-il.
Cette incertitude ne doit pourtant pas cacher un autre problème plus pernicieux comme l'indique Paul Malmezat du Comité Français de l'Isolation (CFI) : " La loi crée un risque manifeste pour les petits fabricants et petits poseurs qui ne pourront pas répondre de la même manière aux exigences réglementaires. Cela pourrait même être grave, mais les pouvoirs publics sont conscients de cela et travaillent dans ce sens pour éviter une désertification du paysage de la petite menuiserie ". Un problème que ne semblent guère rencontrer les industriels de la menuiserie à l'image de Laurent Hubsch (Rehau) qui déclare " La NRT n'est pas tellement perturbante pour nous. Cela fait longtemps que nous travaillons à de nouveaux profilés et cela nous offre une bonne opportunité de lancer de nouveaux produits ".

Coût de construction contre coût d'exploitation

Les scientifiques du CSTB se montrent plus circonspects que les acteurs industriels du marché. Leurs points de vue sur la nouvelle loi sont d'ordre plus technique, arguant une " continuation dans le progrès déjà fait qui était en germe dans le projet Vivrélec ". Ils envisagent une augmentation de 15 à 25 % des performances énergétiques des bâtiments non résidentiels, et seulement de 5 % pour les autres. Jean-Christophe Vizier, chargé de mission au CSTB, ajoute que l'impact réglementaire " va privilégier la prescription et mettre en avant une plus forte caractérisation des produits, soit à travers des innovations, soit par des solutions techniques ". Cette détermination n'ira pas sans un surcoût de la construction, qui devrait être compensée par la baisse du coût d'exploitation. Les projets à forte consommation trouveront donc ici un avantage qu'une simple extension individuelle ne trouvera pas. Cette disparité de traitement remet en cause l'estimation globale du surcoût constructif annoncé à 1 % de la construction qui sera forcement inégal et difficilement déterminable.

Augmentation du clair de jour

Faute de recul - la loi s'appliquera le 1er juin 2001 -, l'impact réel sur le marché de la menuiserie et de la fermeture ne peut-être que supposé. Pourtant certaines choses sont déjà clairement entérinées : transfert du vitrage simple sur le faiblement émissif, généralisation des rupteurs de ponts thermique pour les menuiseries métalliques, et dans le tertiaire, l'éclairage naturel est valorisé avec le vitrage clair ainsi que les ouvrants sur 30 % de la surface et les protections solaires. Cette valorisation de l'éclairage provoque d'ailleurs un petit bouleversement en inversant la tendance de ces 20 dernières années qui avait fait baisser de 25% le clair de jour. De la même manière, la protection solaire, trouve une justification nouvelle en devenant le complément indispensable de contrôle du confort visuel, sortant ainsi de son rôle anecdotique.
Comme c'est la cas pour de nombreuses réglementation, la pose est mise à l'index car cette étape décisive est l'opération la moins contrôlable et la moins quantifiable. Les ouvrages nécessitant des poses simplifiées devraient avoir le vent en poupe. C'est le cas des façades intelligentes qui intègrent d'un seul tenant l'ensemble des contraintes associées à la fenêtre; le bloc-baie, réminiscence de la période de la reconstruction, qui permet de minimiser les points faibles de la fenêtre. Cela concerne également la pose des fenêtres en applique avec fourrure et calfeutrement sec. Quelles que soient les solutions employées, chacune recevra un nombre de points résultant du cumul des points des différents ouvrages et permettra une évaluation simplifiée des performances acoustiques.

Le risque d'une contre-prescription

L'impact sur l'entreprise découle de l'article 6 de l'arrêté du 29 novembre 2000 portant sur les caractéristiques thermiques des bâtiments nouveaux et des parties nouvelles. Ce texte impose au maître d'ouvrage de justifier toute valeur utilisée dans le calcul thermique en ayant recours soit à une norme, une certification ou à des essais effectués en laboratoire. Les commanditaires se retourneront naturellement vers les entreprises qui devront prouver par un de ces trois moyens la performance thermique. Ainsi, les entreprises possédant un bureau d'étude pourront répondre alors que les autres devront se conformer aux solutions techniques qui, à ce jour, ne sont connues de personne. Ce rôle de la preuve administrative renforçant la procédure technique imposera aux entrepreneurs d'assurer une veille technologique pour ne pas devenir contre-prescripteurs. En somme, les entreprises qualifiées trouveront dans cette loi, un renforcement de leur rôle ainsi qu'un nouvel argument commercial.

Une police de la fenêtre ?

L'outil normatif a toujours servi à réguler le marché et cette réglementation n'y échappe pas. Avec l'émergence du marché européen, les entreprises soucieuses de trouver des nouveaux débouchés européens trouveront dans la loi, un appui à leur ambition. En effet, ce texte à vocation globale s'inscrit dans le cadre d'une normalisation européenne. Au niveau national, l'Etat va prendre une plus grande part à l'intérieur du marché, avec le contrôle technologique et l'approbation des solutions techniques. Cette centralisation aura pour effet d'une part de niveler les solutions au niveau territorial voire international au détriment de solutions plus singulières ou trop décalées. Et d'autre part, de renforcer le rôle des contrôles technologiques et de leurs répartitions, créant ce que certains nomment déjà une " police de la fenêtre ".


Points de vue

Laurent Hubsch, service communication du bâtiment, Rehau

" La NRT n'est pas tellement pertubante pour nous. Cela fait longtemps que nous travaillons à de nouveaux profilés et c'est une bonne occasion de lancer de nouveaux produits. Le problème est plus structurel chez nous. Notre maison mère est allemande, nous avons donc des certifications allemandes et pas encore d'avis technique français. Nous sommes donc prêt, mais nous avons quelques aménagements à faire. Pourtant la réglementation reste lourde et concerne essentiellement des personnes volontaristes : se tenir au courant et se former, coûte nécessairement. Comme nous ne pouvons imposer les choses, depuis deux ans, nous sensibilisons notre clientèle composée essentiellement de petites entreprises. Nous développons des formations pour préparer les menuisiers à la nouvelle réglementation. Nous délivrons des certificats de pose de fenêtre. D'un autre côté, cette loi peut devenir un nouvel argument de vente et un bon moyen de différenciation : c'est une manière de retrouver une marge dans un marché devenu coûtant. "


Fabien Zanghellini, chargé des affaires techniques, SNFPSA*

" La NRT formalise l'apport des dernières années de recherche sur les performances thermiques des fermetures et des stores. En thermique d'hiver, elle confirme le rôle de la fermeture dans l'isolation thermique des baies : moins la fenêtre est performante, plus cet apport est important pour satisfaire les exigences de la réglementation. Nul doute, par exemple, que la fenêtre aluminium saura exploiter cet avantage. En thermique d'été, la NRT permet au store de jouer pleinement leur rôle protecteur plus valorisant que celui purement esthétique dans lequel il se trouvait bien souvent cantonné. Notre action ne s'arrête pas là. Nous oeuvrons tant au niveau national qu'européen (élaboration de normes) pour valoriser le rôle du store dans le confort visuel (protection contre l'éblouissement, de l'intimité et contact visuel avec l'extérieur, etc.). Nous pensons qu'à l'avenir ces critères visuels devront être ajoutés à ceux introduit -pour la première fois- dans cette réglementation thermique. Nous y travaillons depuis quelques années, mais la tâche est beaucoup plus ardue, l'optique se révélant plus délicate à appréhender que la thermique !"


*SNFPSA : Syndicat national de la fermeture, de la protection solaire et des professions associés



Paul Malmezat, délégué général, CFI*

" Depuis quelques années, les performances techniques des vitrages ont fait de véritable progrès. Pour les prendre en compte, il devenait urgent d'en modifier les règlements. C'est ce qu'entérine la nouvelle réglementation en s'articulant autour de deux axes fédérateurs : solutions techniques et méthode de calcul. Par rapport aux anciens textes, les solutions techniques s'inscrivent dans la continuité alors que le principe de calcul, lui, est très novateur. Il propose aux industriels et aux prescripteurs de travailler en synergie pour proposer des solutions globales originales. Cette dynamique technologique ne doit pas pour autant masquer certains inconvénients. La loi crée un risque manifeste pour les petits fabricants et petits poseurs qui ne pourront pas répondre de la même manière aux exigences réglementaires. Cela pourrait même se révéler grave, mais les pouvoirs publics sont conscients de cela et travaillent dans ce sens pour éviter une désertification du paysage de la petite menuiserie. Les entreprises devront établir une veille technologique pour se tenir au courant des dernières évolutions. Il ne faut pas que les entreprises deviennent des contre-prescripteurs ! D'ailleurs, c'est le monde de la prescription qui est le plus bouleversé par ce texte. En revanche, cela les rend incontournables ! "
*CFI : Comité Français de l'Isolation

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