SOLUTION TECHNIQUE. Une société d'ingénierie française a imaginé un "poteau-ressort" permettant d'isoler les bâtiments des vibrations solidiennes, sans recourir aux classiques boîtes à ressort. Une solution qui remplace les traditionnels poteaux porteurs et permet de gagner en hauteur. Explications avec Pierre-Alexandre Cot, directeur du département Structure Bâtiment d'Ingérop.

Avec les chantiers du Grand Paris et la tension sur le foncier urbain, de plus en plus d'immeubles de bureaux ou de logements sont construits à proximité de voies ferrées. Or, des critères de confort imposent d'isoler les bâtiments des vibrations engendrées par le passage des trains. Pierre-Alexandre Cot, le directeur du département Structure Bâtiment chez Ingérop, explique : "Normalement, on place un ensemble de boîtes à ressorts pour isoler le bâtiment". Des objets qui présentent une couche de ressorts en acier, d'une hauteur de 30 à 40 cm, mais qui nécessitent également des appuis en béton qui portent leur encombrement total à 80 cm. Une hauteur qui est perdue dans le cas d'immeubles devant rester sous la limite des 28 mètres.

 

"C'est loin d'être anodin", nous révèle-t-il. "Cette situation de hauteur limite se pose de façon courante, car le passage dans la catégorie IGH a un impact financier monstrueux pour répondre à la réglementation incendie - avec la présence 24h/24 de pompiers dans les lieux - ou des protocoles de fabrication plus lourds". Une situation qui fait que de nombreuses constructions en R+8 flirtant avec cette hauteur sont obligées de sacrifier un étage. "Chaque centimètre compte, il faut vraiment optimiser. Avec des commerces en rez-de-chaussée qui ont une forte hauteur sous-plafond (entre 4,5 et 5 mètres) c'est d'autant plus vrai pour arriver à commercialiser les espaces", analyse l'expert. D'où le développement d'une solution 2 en 1 de "poteaux-ressorts" qui combinent les fonctions de reprise des descentes de charge et d'amortissement des vibrations solidiennes (résultantes de chocs solide contre solide).

 

Poteau-ressort
Poteau-ressort © Ingérop

 

Placer les ressorts de la boîte directement dans un poteau gigogne

 

Ce poteau-ressort, mis au point chez Ingérop, se présente comme un empilement des ressorts normalement contenus dans une boîte à ressorts, dans une structure cylindrique coulissante. La reprise de charge sera fonction du nombre de ces ressorts qui offrent une capacité unitaire de 15 tonnes. Entièrement réalisés en acier, ces poteaux préfabriqués sont livrés rigidifiés, grâce à des cales, pour que leur mise en œuvre soit facilitée, même si leur diamètre de 800 mm est le double des poteaux classiques. "Une fois en place, ils sont libérés pour que le bâtiment repose sur les ressorts. S'il faut remplacer un ressort, il est possible d'utiliser un vérin", nous explique l'ingénieur. Résultat de l'emploi de ce poteau-ressort, il n'y a plus de place perdue avec les boîtes à ressorts. "La façade est également plus basse d'un mètre, ce qui multiplié par toute la périphérie de l'immeuble peut représenter une économie importante, compte tenu des performances d'isolation aujourd'hui demandées", met en avant Pierre-Alexandre Cot. La surface perdue au premier niveau, du fait de poteaux plus épais, est largement récupérée grâce à l'étage supplémentaire conservé. Cependant, le coût unitaire des poteaux-ressorts, quatre fois plus élevé que des poteaux traditionnels, cantonnera leur utilisation à des immeubles où leur emploi est impérieux.

 

 

Le directeur du département Structure Bâtiment estime toutefois que ces chantiers devraient être de plus en plus nombreux à l'avenir et que la solution pourrait également être indiquée pour isoler des vibrations certains bâtiments de laboratoires scientifiques par exemple. Optimisée pour les basses fréquences (contrairement aux blocs néoprène utilisés pour filtrer les hautes fréquences), la solution d'Ingérop n'influencerait pas les appuis sismiques demandés par la réglementation. "Il n'y a pas de raison qu'ils soient incompatibles mais des études devront être menées", prévient-il. Un premier projet a d'ores et déjà été mené avec les poteaux-poutres dans le cadre d'une gare connexe du Grand Paris, et plusieurs autres immeubles devraient en être dotés à l'avenir. Dans le cas présenté par Ingérop, ce sont 4.000 m² de surface utilisable qui ont été conservés grâce à l'utilisation du dispositif breveté. Et dire qu'on pensait que le génie civil n'innovait plus...

 

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