A l'occasion des prochaines journées professionnelles de la construction, des 19 au 21 avril 2017 à Strasbourg, les Unions nationales de l'artisanat de la peinture et des revêtements, ainsi que celle des métiers du plâtre, font le point sur les évolutions observées et à venir dans leur exercice professionnel. Jean-Jacques Châtelain et David Morales, les deux présidents, livrent leur sentiment.

BIM, rénovation, ubérisation de l'économie… sans langue de bois, les deux présidents des UNA "Métiers et techniques du plâtre et de l'isolation" et "Peinture Vitrerie Revêtements" de la Capeb ont évoqué tous les sujets d'actualité qui seront abordés devant leurs adhérents, à la fin du mois d'avril, lors des Journées professionnelles de la construction de Strasbourg.

 

David Morales, le président de l'UNA des métiers du plâtre, évoque tout d'abord l'isolation et l'arrêté du 22 mars qui impose des niveaux de performance minimaux lors d'une intervention, avec des résistances thermiques qui passeront de R=2,3 à 2,9 puis 3,2, à l'horizon de 2032. Il indique : "C'est un bon programme, l'Etat a écouté ce que nous avons dit. Cette obligation n'est pas trop haute afin de ne pas empiéter sur les programmes aidés comme les Certificats d'économies d'énergie (CEE) ou le Crédit d'impôt transition énergétique". Les artisans étaient inquiets que des niveaux trop élevés soient imposés à ces travaux et que les aides ne viennent à disparaître. "Les performances énergétiques ne font pas rêver les ménages. La décoration ou l'habitabilité les intéresse plus ! La Capeb essaie d'emmener les gens, en les incitant. C'est pour cela que ces aides d'Etat sont importantes", poursuit-il. L'arrêté correspondrait donc bien aux besoins exprimés par les artisans, au point que la confédération y voit une petite victoire personnelle. "Quant au décret sur les travaux embarqués d'isolation, il n'est économiquement pas adapté à tout le monde", déplore le président des plâtriers. Il estime que certaines entreprises risquent d'être pénalisées en ne réalisant pas des travaux d'isolation qui auront été refusés par des clients incapables de payer le surcoût imposé. "C'est juridiquement problématique. Faut-il refuser ces chantiers ? Qui sera responsable, le client qui refuse l'embarquement de l'isolation ou l'entreprise ?", s'interroge David Morales.

 

La maquette numérique pas encore utile en rénovation

 

Le président glisse ensuite sur le dispositif des CEE : "Il y a une montée en puissance des opérations d'isolation des combles au point que les fabricants d'isolant en vrac ont du mal à répondre à la demande". Un phénomène accentué par les propositions de certains intervenants de réaliser des opérations contre 1 euro. "C'est un problème pour nous… Dans ce genre d'opération, les artisans deviennent sous-traitants ce qui ne nous plaît pas trop", lance-t-il. La Capeb souhaiterait généraliser le principe des "Coups de pouce" aux artisans, avec une bonification des CEE, pour les obligés et les éligibles, signataires d'une charte spécifique, portant sur quatre opérations standardisées. "La prime pourra potentiellement être reversée aux clients", afin de rendre plus compétitive l'offre commerciale. De son côté, Jean-Jacques Châtelain, le président de l'UNA des peintres, déclare : "Nous sommes moins impliqués, même si totalement solidaires avec les autres unions de la Capeb. Mais le marché de l'isolation devient trop compliqué pour nous, avec RGE, CEE, etc. Il y a trop de concurrence, trop de contraintes et des prix très bas. Nous avons d'autres préoccupations".

 

Des centres d'intérêt qui sont en relation avec les nouvelles technologies, même si, sur la maquette numérique, les peintres ne semblent pas non plus particulièrement convaincus : "Nous sommes pour, mais l'UNA prend encore une voie légèrement différente. Car c'est une technologie encore trop jeune, destinée d'abord au neuf, moins à la rénovation. Peut-être que dans 5 ou 10 ans la situation sera différente". David Morales, son alter-ego des plâtriers, semble, lui, plus impliqué sur cette question du BIM : "Pour l'instant, c'est en expérimentation sur certains chantiers. C'est une phase d'apprentissage, car les outils sont surtout destinés aux architectes et bureaux d'études. En rénovation cela ne concerne que quelques gros chantiers". Mais le fin connaisseur est formel : "Il faudra qu'un artisan sache lire les données de la maquette numérique, qu'il puisse visualiser des plans en 3D, en extraire des coupes. La plateforme d'échanges interprofessionnelle est indispensable". L'outil, en cours de développement avec l'aide du Plan de Transition numérique dans le bâtiment, regroupera plusieurs fonctions dont certaines, gratuites, et d'autres, plus spécifiques, payantes. Des évolutions mettant à portée de toutes les bourses certaines technologies aujourd'hui hors de prix sont à l'étude : "Les outils de relevé par nuages de points, qui coûtent 30.000 € et sont inabordables pour une petite entreprise, seront remplacés par des applications pour portables ou tablettes qui feront des relevés photographiques". Et les artisans pourront enrichir les modèles 3D par les fiches des produits utilisés sur le chantier, qui seront transmises par les industriels. "Il faudra, à terme, que les artisans soient capables de dessiner et créer des objets BIM par eux-mêmes", accorde David Morales. "Faute de quoi ils deviendront des sous-traitants des industriels !", renchérit Jean-Jacques Châtelain.

 

Battre l'uberisation sur son propre terrain

 

Le président de l'UNA peinture vitrerie revêtements indique d'autres technologies émergentes que ses services suivent de près : "Nous misons par exemple sur les lunettes 3D pour la formation, avec un logiciel de réalité virtuelle d'application de peinture. Nous présenterons également une imprimante de papier peint numérique permettant de personnaliser les rouleaux, ainsi qu'un étonnant 'technopeintre', un robot de projection de peinture. L'auditoire sera surpris mais nous avons décidé d'être en avance, d'anticiper les tendances". Le professionnel évoque aussi les peintures "fonctionnelles" qui répondent à certaines problématiques de niche, comme les produits de protection contre les ondes, les odeurs, les composés organiques volatils ou les insectes. A l'inverse, l'union des métiers du plâtre semble s'orienter vers un retour des méthodes plus traditionnelles, avec des présentations de chantiers menés par les Compagnons du devoir, où des jeunes artisans réalisent corniches et décors en stuc.

 

Concernant l'uberisation de l'économie, les deux présidents d'UNA répondent à l'unisson : "Cette concurrence, il sera difficile de se battre contre. Il suffit d'être meilleurs qu'eux, de travailler différemment, d'être présents sur les marchés et d'améliorer la qualité de nos travaux". Une plateforme de mise en relation des artisans, créée par et pour eux, devrait bientôt être mise en ligne. Jean-Jacques Châtelain précise : "Il est un peu prématuré d'en parler mais c'est un énorme travail. En tout état de cause, les artisans doivent évoluer !". Une évolution qui sera donc particulièrement portée par les outils numériques, à tous les niveaux.

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