C'est une première mondiale : un tribunal autrichien a interdit l'extension de l'aéroport de la capitale au nom de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. L'intérêt public lié à la protection contre le changement climatique a été considéré comme supérieur aux autres aspects, y compris en termes d'emploi. Mais un pourvoi a été annoncé.

Voilà une décision qui alimentera les discussions autour de Notre-Dame-des-Landes. Le tribunal administratif fédéral de Vienne a interdit la construction d'une troisième piste pour l'aéroport Wien-Schwechat en précisant que l'impact, en termes d'émissions de CO2, excédait les aspects positifs. Les magistrats ont estimé que "l'intérêt public, lié à la protection contre les effets négatifs du changement climatique, dû en particulier aux émissions de CO2, est supérieur aux intérêts publics positifs (aménagement du territoire et emploi) attendus de la réalisation du projet".

 

 

Selon eux, la construction d'une nouvelle piste aurait augmenté de façon "significative [les] émissions de gaz à effet de serre de l'Autriche". Les experts ont en effet calculé que la construction de la piste, qui nécessite de réaliser une déviation sur la route B10 voisine, et l'exploitation de cette infrastructure, aboutiraient à une augmentation de 2 % des émissions nationales de gaz carbonique liées au transport. Et ce alors que l'Autriche s'est justement engagée à diminuer l'impact de ce secteur économique d'ici à 2020 de… -2,25 %. Le bilan aurait donc été nul, obligeant le pays à trouver d'autres "pistes" d'économies. Techniquement, le chantier prévoyait de compléter les deux pistes existantes par une troisième, d'environ 3.500 mètres de long et 45 mètres de large, distante des deux autres de plus de 2 km. Elle leur aurait été reliée par deux paires de taxiways qui seraient prolongées également sur toute sa longueur.

 

3e piste aéroport de Vienne
3e piste aéroport de Vienne © Wikimedia CC

 

Le trafic se reportera-t-il sur d'autres aéroports ?

 

La décision a été accueillie avec joie par la responsable de l'Institut de droit de l'environnement de Linz, Erika Wagner, qui a déclaré : "C'est un jugement qui fera date et qui était attendu depuis longtemps par les spécialistes des sciences de l'environnement". Mais elle a également été critiquée par la direction de l'aéroport de Vienne qui a planifié cette opération d'extension depuis une dizaine d'années, afin d'éviter une possible saturation de sa plateforme actuelle en 2025. Car le trafic est en croissance constante : l'aéroport de Vienne-Schwechat a accueilli 23,4 millions de voyageurs en 2016 et table sur près de 24 millions en 2017. L'avocat de l'exploitant a déclaré : "A ma connaissance, c'est la première fois au monde que la protection du climat est invoquée pour interdire un projet concret". Avant d'ajouter : "Les avions ne voleront pas moins, ils atterriront juste ailleurs", peut-être à l'aéroport de Bratislava, distant d'une cinquantaine de kilomètres. La direction a donc prévu de se pourvoir auprès de la plus haute cour administrative voire auprès de la cour constitutionnelle. La raison écologique l'emportera-t-elle finalement sur la justification économique ?

 

 

Rappelons que l'intensité carbone de l'électricité autrichienne est assez forte, de l'ordre de 359 grammes de CO2/kWh, malgré une certaine proportion de production hydroélectrique. Le pays importe en effet une grande quantité de courant de ses voisins d'Europe centrale (République tchèque notamment) qui est encore moins vertueux. Et la taille du pays (8,7 millions d'habitants et 84.000 km²) fait que l'impact d'une seule piste d'aéroport est très significatif.

 

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