L'Union européenne et la Chine, qui se livraient une bataille sans merci autour du prix des panneaux photovoltaïque, sont sur le point de trouver un accord "amiable" qui… ne satisfait réellement personne. Les deux parties auraient convenu d'un prix minimum pour les panneaux solaires sur un certain volume de produits importés d'Asie. Au-delà de cette quantité, les taxes anti-dumping de 47,6 % s'appliqueraient bien. Explications.

Est-ce une victoire à la Pyrrhus ? Karel de Gucht, commissaire européen au Commerce, a annoncé que la Chine et l'Union européenne avaient finalement trouvé un accord sur le prix des capteurs photovoltaïques : "Les deux parties ont convenu d'un prix minimum pour les panneaux solaires chinois importés". D'après certaines informations, ce prix serait de 56 centimes d'euro par watt crête, correspondant à une augmentation de 33 %, les derniers tarifs étant en effet de 42 c€/W. Cette tarification revalorisée s'appliquerait sur les 7 premiers gigawatts de panneaux importés, volume au-delà duquel la surtaxe anti-dumping de 47,6 % s'appliquerait. Selon le commissaire européen, l'accord permettrait d'établir "un équilibre entre deux éléments clés : éliminer le dumping préjudiciable constaté et assurer, en même temps, un approvisionnement stable en panneaux solaires de l'Union". L'accord aurait été salué à la fois par les autorités allemandes, hostiles à toute mesure de rétorsion contre l'Empire du Milieu qui aurait compromis leurs échanges commerciaux, et par les autorités chinoises heureuses de se voir accorder un débouché assuré en Europe, représentant environ 70 % de ce marché.

 

Un prix insuffisant selon EU Pro Sun... mais trop élevé selon l'Afase
Cependant, le compromis trouvé ne satisferait réellement personne. EU Pro Sun, collectif à l'origine des poursuites contre les fabricants chinois, a déjà dénoncé les termes de l'accord. Pour les membres européens de ce collectif de producteur des panneaux PV, le prix convenu d'environ 56 c€/W ne serait pas suffisant pour préserver l'emploi, et l'octroi d'une telle part de marché aux produits chinois serait contraire aux règles du commerce. Milan Nitschke, le président d'EU Pro Sun, estime que l'industrie solaire européenne, qui a déjà perdu 15.000 emplois à cause de l'afflux de panneaux chinois à bas prix, jouerait là ses derniers postes.

 

Un avis que ne partagent pas du tout les membres de l'Afase (Alliance for affordable solar energy) : "L'accord sur la table est une solution qui mécontente tout le monde. Pour nous, l'enjeu est de produire de l'électricité à bas coût", nous explique Jean-Pascal Pham-Ba de Solaire Direct. "Il faut donc que les coûts de production soient les plus faibles possible pour que le solaire soit compétitif face aux autres sources d'énergie. Or, si avec des panneaux à 42 c€/W, le photovoltaïque avait sa place dans la transition énergétique, un prix aux alentours de 56 c€/W est une augmentation considérable qui rend toute compétition impossible !". Le membre de l'Afase explique : "Le surcoût rend la production au tarif d'achat inintéressante. Ou alors il faut que le gouvernement augmente ce tarif mais cela ne semble pas être le cas". Selon lui, EU Pro Sun, avec ses demandes, obtiendrait exactement la destruction du solaire en Europe, en compromettant maintenant les emplois de la production d'électricité. "Ils demandent un mécanisme de soutien qu'ils reprochent aux fabricants chinois", souligne Jean-Pascal Pham-Ba, qui entrevoit une disparition pure et simple des gros clients installant des centrales au sol. L'étude Prognos, publiée en début d'année, estimait que l'imposition d'un droit d'entrée élevé entraînerait la destruction de milliers d'emplois dans le secteur des installateurs et des producteurs d'électricité.

 

Une solution miracle ?
Mais quelle serait alors la solution ? "Solar Direct envisage davantage la coopération plutôt que l'affrontement. Le poids d'un panneau solaire est lié au verre. La majorité des cellules photovoltaïques viennent désormais d'Asie, c'est un fait. Le plus raisonnable serait d'encapsuler ces cellules chinoises en Europe, avec du verre européen. Une solution qui aurait pour avantage de réduire les frais de transport et donc la quantité de CO2 émise". Une telle solution serait-elle réellement possible ? "Il faudrait que les droits sur l'importation des cellules soient les plus faibles et que les industriels européens soient prêts à travailler avec leurs homologues chinois", souligne Jean-Pascal Pham-Ba. D'après le secrétaire général de Solaire Direct, les deux parties y gagneraient, tout comme la transition énergétique.

actionclactionfp