A l'issu des défilés Haute Couture, Jean-Paul Gaultier prendra possession de son nouveau siège parisien installé dans l'ancien Palais du Prolétariat. Décalage et simplicité pour cette nouvelle maison de 5.000 m2 où 150 personnes oeuvreront à la conception, la production et la communication des produits de la marque.

Afin de regrouper dans un même site la totalité des activités de son atelier Haute Couture, le créateur Jean-Paul Gaultier recherchait un lieu intimiste, à l'image des maisons de couture des années 50 et 60 qui invitaient à domicile les journalistes et les clientes pour assister à la présentation de leurs collections. Avec ses 5.000 m2 sur sept niveaux, son escalier d'honneur et sa salle des fêtes, l'ex-Palais des Arts de la société mutualiste «l'Avenir du Prolétariat» (architecte : Bernard-Gabriel Belesta ; construction : 1912) offrait cette possibilité, sous condition d'y effectuer quelques transformations. La dernière affectation du 325, rue Saint-Martin fut comme atelier de campagne de Lionel Jospin pour l'élection présidentielle de 2002.

Jean-Paul Gaultier a choisi sur concours les architectes Alain Moatti et Henri Rivière pour réhabiliter ce lieu, autrefois flamboyant, dont il ne subsiste que des structures en béton et des décors en plâtre de style Beaux-Arts - Troisième République. L'oeil de la photographe Sophie Elbaz a suivi les différentes étapes de cette résurrection.
Le Palais, bâtiment long et étroit encastré dans une parcelle dense du coeur de Paris, est dégagé des murs et cloisons rapportés au fil du temps, retrouvant ainsi une grande quantité de lumière. La cour extérieure est agrandie par la démolition du sarcophage de béton qui emprisonnait l'immeuble ; tandis qu'à l'intérieur des arches monumentales sont retrouvées.

Désireux d'être en concordance avec la prédilection de Jean-Paul Gaultier pour le détournement et l'esthétique de l'excès, les architectes se sont fixés l'objectif de «trouver la distance heureuse entre mesure et démesure». Lorsqu'ils travaillent sur les espaces de bureaux individuels dédiés à l'export, ils décident de les ouvrir sur la cour par le biais de... portes pompiers coulissantes, et de les éclairer... avec les plus hauts panneaux vitrés qui existent : 6,10 m d'un seul tenant.
Pour la salle de presse, les architectes détournent l'esthétique traditionnelle d'un lustre en collant les cristaux entre deux plaques de verre au lieu de les laisser pendre (réalisation : Guillaume Salzburg). De même pour le carrelage métro des murs de l'accueil qui prend un aspect métallique après recouvrement de sa surface par une couche de nickel.

La pièce maîtresse de l'établissement, celle destinée aux défilés de mode, réserve également plusieurs surprises de taille. Les 380 m2 de la Salle des Fêtes (60 m de long, 14 m de large, 11 m sous plafond) étaient éclairés à l'origine par trois lourdes verrières de 30 m2 chacune. Elles ont été remplacées par un système léger de caissons gonflables, innovation technologique mise en oeuvre en Grande-Bretagne par Sir Nicolas Grimshaw, jusque-là inutilisée en France. Ces caissons de 5 m de côté sont tendus d'EFTE - film plastique totalement incolore formant un coussin d'air alimenté par un compresseur - qui offre toutes les garanties d'isolation et de sécurité. Pincés dans des profilés d'aluminium, les coussins pneumatiques sont soutenus par la structure du toit et ne pèsent que 2,5 kg par m2.

Le ciel de Paris qui pénètre à travers ces verrières gonflables se reflète sur un sol constitué de résine époxy noire qui a été verni. Un revêtement brillant sur lequel vont miroiter les tissus colorés des vêtements. Enfin, si vous avez l'occasion unique d'assister à une réception dans la salle des fêtes, jetez un coup d'oeil aux toilettes et levez la tête, vous verrez l'envers du décor d'une des premières voûtes minces en béton de Paris.

actionclactionfp