"Si ce projet est techniquement faisable, ses impacts négatifs restent importants et il ne répond pas à des objectifs fonctionnels majeurs de la FFT", a conclu le cabinet indépendant Egis Conseil Bâtiments dans un rapport commandé par la Fédération française de Tennis (FFT) à la demande du ministère de l'Ecologie et de la Ville de Paris sur les projets d'extension de Roland-Garros (Paris). Détails de l'étude de "faisabilité technique et pertinence fonctionnelle" dont Batiactu s'est procurée une copie et réactions.

Le match opposant la Fédération française de Tennis aux associations de défense et du patrimoine est loin d'être terminé à Roland-Garros. Même si le Conseil de Paris avait donné en 2011 son feu vert au projet porté par la FFT, les élus parisiens avaient voté, le 18 mars dernier, à l'unanimité, le vœu présenté par Yves Contassot, conseiller de Paris, écologiste, et à la demande du ministère de l'Ecologie, relatif à la réalisation d'une nouvelle étude de "faisabilité technique et de pertinence fonctionnelle des deux projets d'extension."

 

 

Ce lundi 18 mai 2015, le cabinet Egis Conseil Bâtiments mandaté par la FFT a donc a dévoilé l'étude d'une alternative au projet de modernisation de Roland-Garros. En voici les grandes lignes.

L'extension sur l'A13 privilégiée...

"Dans le cadre des procédures juridiques liées à cette opération, un collectif d'associations a présenté des alternatives au projet porté par la FFT visant toutes, principalement, à 'remplacer' l'extension prévue dans le jardin des serres (court de 5.000 places et utilisation des bâtiments des Meulières) par une extension sur l'autoroute A13 (courts de tennis)", ont rappelé les experts indépendants en préambule du dossier.

 

"Sur le contenu, cette analyse détaillée est sans appel : le projet de la FFT est meilleur, nous confie la Ville de Paris ce mardi 19 mai. Si l'on note que le projet porté par les associations comporte un impact sur le milieu naturel 'légèrement plus faible' que celui de la FFT, il pose toutefois de nombreux problèmes : un surcoût minimum de 68 millions d'euros HT; des délais supplémentaires d'au moins cinq ans (sans compter d'éventuels recours), donc une livraison post JO 2024, toutes les procédures juridiques devant être relancées ; un bilan carbone deux fois plus élevé ; un impact visuel plus fort pour les riverains, en particulier ceux de Boulogne ; côté circulation routière, rien d'insurmontable mais beaucoup de complexité, une partie de l'avenue de la Porte d'Auteuil devant notamment être privatisée pendant les tournois et le transit des bus et poids-lourds supprimé sur le pont à proximité ; un résultat beaucoup moins fonctionnel pour ces mêmes tournois."

 

De plus, les experts du cabinet Egis Conseil Bâtiments précisent bien que "le projet de couverture de l'A13 comporte un bilan carbone deux fois plus lourd que celui de la FFT, qui doit financer la quasi-totalité du projet à hauteur de 350 à 400 millions d'euros, assortis d'une subvention de 20 millions d'euros de la Ville de Paris. Un montant qui serait augmenté de quelque 80 millions d'euros en cas de réalisation du contre-projet."

... mais au prix d'un surcoût réel...

L'étude apporte en effet une première observation claire : "Même si le projet porté par les associations permet globalement de conserver les équipements du programme de la FFT, il ne répond pas à des objectifs fonctionnels majeurs de la FFT, en raison notamment d'un site relativement déséquilibré et de moindre dimension, et de la conservation d'un existant (le court n° 1) contraignant les perspectives d'évolution et de résolution des dysfonctionnements actuels."

 

En clair : d'après le rapport de ces experts indépendants, le projet porté par les associations représente un surcoût "réel" de 54 millions d'euros hors taxes hors actualisation. "Sachant que sur un projet de cette ampleur, un décalage de cinq ans entraîne des coûts d'actualisation qui peuvent être substantiels. Ils seraient ainsi de plus de 14 millions d'euros hors taxes sur l'ensemble du projet avec un taux d'actualisation de 1% par an (taux retenu par la FFT aujourd'hui)", détaille le document. La FFT, consultée, estime ne pas être en mesure d'absorber ce surcoût étant donné que le projet porté par les associations ne permet pas de générer des revenus supplémentaires.

... et d'impacts techniques importants

D'ailleurs, le rapport pointe les impacts techniques : "La couverture complémentaire de l'A13 nécessite des travaux de remise en sécurité du tunnel existant. Le projet porté par les associations augmente les surfaces construites de 11.000 m²." Et la "pollution visuelle" n'est pas épargnée dans ce document : "L'impact le plus significatif du projet reste l'installation de courts de compétition sur l'A13 qui seront visibles et masqueront le bois depuis l'avenue de la Porte d'Auteuil."

 

De plus, les procédures juridiques à mener dans le projet porté par les associations sont globalement similaires à celles menées dans le projet porté par la FFT, avec en plus la procédure spécifique de la Commission nationale d'évaluation de la sécurité des ouvrages routiers (CNESOR), estiment les rapporteurs.

 

Et de préciser : "Toutes les procédures juridiques devraient être relancées dans le cas du projet porté par les associations, ce qui signifie un délai de 5 ans minimum.(…). Enfin, le projet porté par les associations pourrait par ailleurs se heurter à des difficultés importantes et pourrait faire l'objet de contentieux."

La Ville de Paris prête à délivrer le PC si l'Etat donne son feu vert

Enfin, s'agissant des délais, "la mise en oeuvre du projet porté par les associations entraînerait, compte tenu de l'avancement du projet de la FFT, un retard dans la livraison du projet de 5 à 6 ans, complètent les experts. Ce retard est du presque exclusivement à la nécessité de relancer de nouvelles procédures juridiques."

Autant de délais qui empêcheraient le stade d'être opérationnel pour d'éventuels JO à Paris en 2024, nous confirment la mairie de Paris et la Fédération. Et quelle sera la prochaine échéance ? "Un débat sans vote est prévu le jeudi 28 mai au Conseil de Paris et on peut effectivement s'attendre à une réponse de Matignon dans une dizaine de jours qui suit le Conseil, nous précise la Ville de Paris. A partir du moment où l'Etat donne son accord la Ville de paris pourra délivrer le permis de construire."

 

 

A noter que le calendrier prévisionnel de mise en œuvre du programme d'extension du site "se resserre", reconnaissent la Ville de Paris et la FFT. Après quatre ans de recours, et une annulation de la convention d'occupation du domaine public liant la FFT et la Ville de Paris autorisant la mise en œuvre du projet en mars 2013, suivie d'une nouvelle convention validée par le tribunal administratif en février 2014, le chantier reste figé. Le court des Serres d'Auteuil doit en principe sortir de terre en 2019…

 


Les associations réagissent
Le groupe des élus écologistes de Paris (GEP) dans un communiqué: "Le voeu, porté par le GEP et adopté à l'unanimité (du Conseil de Paris), demandait que (cette) étude soit menée de façon indépendante et neutre. Force est de constater à la lecture du document remis par le cabinet EGIS qu'il n'en a rien été."

 

Agnès Popelin, vice-présidente de France Nature Environnement, FNE interrogée par l'AFP : "Le cabinet EGIS reconnaît la faisabilité technique et fonctionnelle du projet alternatif d'extension du stade Roland-Garros porté par les associations de protection de l'environnement et du patrimoine. Pourtant, ce point fondamental est occulté par une longue suite de fausses contraintes et de pseudo-réserves avancées par le bureau d'études. Mon étonnement est que le bureau d'études a travaillé sur un projet FFT qui est obsolète…"

 

Philippe Toussaint de l'association Vieilles maisons françaises, VMF: "Plutôt que détruire le court N°1 pour le remplacer par un autre au milieu des serres, le plus simple serait de l'agrandir, ça se fait en 18 mois... la couverture du central Philippe Chatrier, nous nous sommes bien gardés de l'attaquer car nous pensons que c'est vital pour Roland-Garros, ça peut se faire en deux ans..."
Avec AFP

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