Il n'y a pas que les artisans qui s'insurgent contre les nouvelles dispositions que souhaitent mettre en place Emmanuel Macron à propos du régime de la micro-entreprise ! Cette fois, la charge vient de… Bercy lui-même, et des services de Michel Sapin plus précisément. En cause ? Le triplement des seuils engendrerait un surcoût de 156 M€ pour les caisses de l'Etat. Détails.

Le ministre de l'Economie contredit par le ministre des Finances… Rien ne va plus à Bercy ? A en croire le rapport obtenu et publié par Lefigaro.fr, intitulé « Evaluation des propositions sur les micro-entreprises », il y a bien de l'eau dans le gaz au sein du ministère.

 

Des propositions qui « posent des problèmes multiples sans probablement avoir d'effet tangible sur l'activité », précise le rapport. Rappelons qu'Emmanuel Macron, qui souhaite faire évoluer le dispositif, recommande la suppression de l'obligation d'un compte bancaire dédié, celle du stage préalable à l'installation, ainsi que le triplement des seuils.

 

Points contestables

 

Et c'est justement sur ce triplement que les deux entités de Bercy sont opposées. L'objectif d'Emmanuel Macron est de permettre aux entreprises de bénéficier des régimes jusqu'à des niveaux de recettes trois fois plus élevés qu'aujourd'hui, et de rendre le régime accessible au plus grand nombre d'entrepreneurs individuels. Ainsi, les nouveaux seuils proposés seraient d'environ 100.000 € au lieu de 32.900 € pour les activités de services ; et de 250.000 € au lieu de 82.200 € pour les ventes.

 

Or, « il semble hautement inopportun que des dispositions fiscalo-sociales soient insérées dans un projet de loi ordinaire », tempêtent les services de Michel Sapin, dans ce rapport d'évaluation. Et d'énumérer les contradictions et les points contestables.

 

Tout d'abord, « l'utilité de la mesure n'est pas démontrée, aucun effet d'accumulation à proximité des seuils n'ayant été constaté, invalidant leur caractère dissuasif. Au contraire, la plupart des micro-entreprises sont très éloignées des seuils », avance le rapport. En outre, les services de Bercy craignent la contestation des organisations patronales, « notamment l'UPA », alors qu'un compromis avait finalement été trouvé dans la loi portée par Sylvia Pinel (ACTPE). Surtout, insiste le rapport, « le relèvement des seuils serait un effet d'aubaine pour les entreprises situées au-delà de ceux-ci dont les charges sont les plus faibles ». En l'occurrence, il s'agit des entreprises qui n'ont pas intérêt à déclarer leurs charges réelles et à opter pour le système de forfait, soit « 10% environ » des entreprises visées, « des entreprises dont les charges sont plus réduites que les abattements forfaitaires », précise le rapport. Qui ajoute : « En pratique, le triplement du seuil applicable aux activités de services permettra à la quasi-totalité de la population éligible d'opter pour ce dispositif, soit presque tous les artisans et surtout une majorité des professions libérales non réglementées ».

 

Un triplement qui coûterait cher

 

Le triplement des seuils auraient d'autres incidences : réinterroger les taux d'abattement forfaitaires de 71, 50 et 34%, qui n'ont pas été modifiés depuis la LFSS pour 2007 ; les ménages modestes seraient les plus impactés, l'absence de cotisation impliquant une moindre ouverture de droits ; le dispositif serait « complexe », un minimum d'obligations comptables restant à remplir ; n'est pas écarté le risque juridique ; enfin, il existe un risque d'accroissement du recours au salariat déguisé, le relèvement des seuils rendant plus facile l'embauche au statut de micro-entrepreneur.

 

Et les services de Michel de Sapin d'enfoncer le clou : « Un chiffrage du triplement des seuils a été établi par l'IGF (inspection générale des finances, ndlr) sur la base de données de la DGFIP. Il conduit à évaluer à 156 M€ le coût de la mesure pour les finances sociales. Ce chiffre est sans doute une estimation basse, puisqu'il ne tient pas compte d'un effet de déport des salariés vers le dispositif rénové ».

 

Pallier la baisse de création des micro-entreprises ?


Concernant le stage préalable à l'installation, la question ne se pose plus, le gouvernement ayant tranché il y a quelques jours en décidant de ne pas supprimer cette mesure. Quant à revenir sur l'obligation pour un micro-entrepreneur d'avoir un compte bancaire dédié, le rapport souligne que ce serait « un signal contradictoire avec la volonté de favoriser le contrôle et la lutte contre les fraudes ».

 

La baisse des créations de micro-entreprises, de 21% depuis un an, donne du grain à moudre aux propositions d'Emmanuel Macron. Or, ce n'est qu'un prétexte, répond le ministère des Finances, pour revenir sur certaines de ces obligations, qui estime que des raisons comme la lourdeur administrative de certaine démarche et une situation de maturité pourraient davantage être la cause de ce déficit de micro-entreprises. L'ambiance risque d'être tendue prochainement dans les couloirs de Bercy…

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