REPORTAGE. Passant de la déception à la colère, puis à la demi-satisfaction, le président de la Capeb a interpellé Martine Pinville et Emmanuelle Cosse ce jeudi à l'occasion des journées de la construction. S'il invite la première à sortir de son silence notamment sur les qualifications, il demande son soutien à la seconde pour relancer le secteur de la rénovation. Les ministres ont réagi.

"Nous sommes troublés depuis plusieurs semaines, alors que nous nous battons sur le projet de loi Sapin, par votre silence qui nous fait du mal", déclare d'emblée, ce jeudi 14 avril au matin, Patrick Liebus, s'adressant à la secrétaire d'Etat à l'Artisanat, présente aux journées de la construction de l'organisation patronale.

 

Blessé, déçu, il rappelle les points de discorde par rapport à ce texte issu du projet de loi NOE. En premier lieu, les qualifications professionnelles. "C'est inacceptable en l'état !", a-t-il clamé sous les applaudissements de la salle. "Cette mesure va dévaloriser les métiers du bâtiment et tout l'artisanat. Elle ne créera pas d'emplois mais affaiblira nos entreprises". Avant d'asséner : "Un métier qui n'a pas besoin de qualification n'est pas un vrai métier !"

 

La goutte d'eau de trop

 

Quant au plafonnement de chiffre d'affaires des micro-entreprises, là encore Patrick Liebus a qualifié le projet d' "inacceptable". "Si c'était adopté, ce serait un avantage fiscal pour les micro-entreprises au détriment des artisans. Et que dire de l'impact sur les recettes de TVA". Enfin, sur la question du stage préalable à l'installation, le président de la Capeb redit qu'il faut le conserver ainsi que son caractère obligatoire, et adapter son contenu aux besoins. Et de prévenir: "Le mécontentement est grand sur le terrain. Les dispositions de la loi Sapin seraient la goutte d'eau qui ferait déborder le vase".

 

Rétablir la vérité sur le RSI

 

Patrick Liebus tient aussi à rappeler le rôle du RSI, "qui a besoin du soutien plein de vos services, MME la ministre". Indiquant que l'organisme est "à la merci de l'état" et qu'il "ne peut être tenu responsable des irrégularités que nous connaissons".

 

Concluant sur les mesures du décret sur les marchés publics, il ne cache pas sa frustration. Avant de déclarer : "Nous attendons vos réponses et votre soutien dans notre combat".

 

La réponse de la ministre est sans grande saveur, de l'avis de tous. Souvent huée, lorsqu'elle évoque une reprise de la construction ou quand elle semble défendre le régime de la micro-entreprise, vouloir étendre leurs dispositions et "donner une voie complémentaire à l'emploi dans certaines activités", elle récolte finalement quelques applaudissements quand elle annonce la tenue des élections aux chambres des métiers pour le 14 octobre prochain... Maigre consolation.

 

Bien mais peut mieux faire...

 

Autre ton, autre réaction en début d'après-midi. Emmanuelle Cosse, ministre du Logement et de l'Habitat durable, se libère finalement pour rejoindre le pupitre de la Capeb.

 

Devant elle, Patrick Liebus redit son désaccord sur l'affirmation d'une reprise dans la construction. Et la rénovation ? s'interroge-t-il. Avant de dévoiler des prévisions à +0 % pour 2016 et une hausse de l'activité de l'artisanat de +1 % en volume... Qui ne s'était pas vue depuis 4 ans.

 

 

S'il salue les récentes mesures (cumul eco-ptz et CITE, renforcement de la rénovation de logements sociaux et prolongation du Pinel), invitant la ministre à "ne pas changer de cap", il attend encore des dispositions de ce type et les simplifications attendues notamment sur le RGE. "Mais nous avons aussi besoin de votre soutien face à la ministre de l'environnement !", glisse-t-il avec un sourire...

 

Emmanuelle Cosse confirme de suite son "engagement" après de la profession. "L'artisanat du bâtiment est un acteur clé dans le développeur du logement, du développement durable et de l'économie de notre pays". Et de poursuivre : "Oui, il y a une inflexion de l'entretien amélioration, mais nous continuerons nos efforts pour relancer le secteur".

 

Égrenant les dispositifs récents, la ministre assène : "Nous avons devant nous des décennies de travaux à réaliser dans le bâtiment". Pour cela, elle annonce le lancement d'une campagne de communication pour valoriser les outils en place et inciter à la rénovation, ainsi qu'un accompagnement sans relâche sur le terrain.

 

Bientôt un référentiel en vue de la future RT

 

Et de conclure : "Le chemin accompli est conséquent mais il faut pérenniser et poursuivre les efforts. D'autres défis restent à relever - qui ne relèvent toutefois pas de mon Ministère - tels que les efforts sur le travail détaché, pour lequel un gros travail est à mener avec les élus locaux, ou les questionnements que j'entends sur les suppressions des qualifications prévues dans la loi Sapin "qui doivent être relayés au niveau nécessaire", ou encore les inquiétudes quant à la future réglementation environnementale "pour laquelle nous devons travailler ensemble pour mieux l'anticiper et à laquelle il faut donner de la stabilité et du pragmatisme".

 

A ce sujet, elle annonce ainsi œuvrer actuellement à "finaliser une proposition d'un référentiel sur le bâtiment à énergie positive". Ainsi qu'à réfléchir à un appel à projets relatif à la mise en place de la carte vitale du bâtiment...

 

"Nous devons avancer ensemble ! Et j'entends bien vos prochaines demandes sur la TVA réduite", glisse-t-elle, elle aussi, dans un sourire... Cela suffira-t-il à apaiser la colère des artisans, prêts à descendre dans la rue pour se faire entendre ?

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