Face à un risque de rejet de la loi Travail, le Premier ministre Manuel Valls a engagé ce mardi 10 mai le recours à la procédure dite du 49-3 de la Constitution pour l'entériner. Un échec ? Précisions et premières réactions de la Capeb et de l'Unsfa.

Avant même la fin des débats sur le projet de loi "Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actifs", le Premier ministre, a convoqué un conseil des ministres extraordinaire, ce mardi 10 mai 2016, pour engager le recours à la procédure dite du 49-3 de la Constitution.

 

 

Le Gouvernement, en difficulté sur ce texte épineux, a même été contraint de "repousser jusqu'à nouvel ordre", les votes sur les amendements en recourant à la procédure de la réserve des votes. Il craignait effectivement d'être mis en minorité par les députés socialistes qui ont durci leur position.

 

Blocage sur l'article 2 donnant la primeur aux accords d'entreprise

 

Le principal point d'achoppement a été l'article 2 de la loi qui concerne la primeur aux accords d'entreprise. Cet article donne ainsi le dernier mot aux accords d'entreprises par rapport aux accords de branche. Jusqu'à lundi, le rapporteur du texte, Christophe Sirugue, ne désespérait pas de trouver un accord en déposant un amendement afin que les branches donnent leur avis sur les accords d'entreprises…

 

"Le 49-3 est un déni de démocratie pur et dur", Patrick Liébus, président de la Capeb

 

Chez les professionnels du bâtiment et de l'architecture, le projet de loi travail passe toujours mal. Pour Patrick Liébus, président de la Capeb et vice-président de l'UPA, "l'utilisation du 49-3 est un déni de démocratie pur et dur." "Surtout lorsqu'on voit le nombre d'articles à traiter à l'Assemblée nationale, la déception est profonde, complète-t-il. C'est forcément problématique, on ne sait pas comment cela va se traduire."

 

Avant d'ajouter : "Effectivement, les débats sont mal partis dès l'article 2, lorsqu'on a répété ces mois-ci qu'il était impossible de faire passer les accords d'entreprises. Ce sont les accords de branche qui sont prioritaires." Et pourtant, d'après Patrick Liébus, l'article 19 du projet de loi, prévoyant comme règle de calcul de la représentativité patronale, constituait une "bonne nouvelle". "Effectivement, on avait réussi à se mettre d'accord car le texte prenait en compte 80% du nombre de salariés et 20% du nombre d'entreprises adhérentes, contre un mode de calcul une entreprise une voix précédemment", précise-t-il.

 

Interrogations sur les contours du texte

 

De son côté, l'Union Nationale des Syndicats Français d'Architectes (UNSFA) s'interroge d'ores-et-déjà sur l'impact de ce projet de loi "Travail". "La réponse nécessiterait au préalable quelques certitudes sur la version qui sera présentée aux députés, nous signale-t-elle. Ce ne sera certainement pas la rédaction du texte déposé le 24 mars 2016, mais laquelle alors ?"

 

Au sujet de l'article 2, qui a suscité tant de réactions, "la primauté de l'accord d'entreprise en matière de temps de travail sur l'accord de branche n'est pas une attente des professions libérales", signale-t-elle.

 

Le syndicat nous rappelle enfin que des dérogations à cette hiérarchie ont déjà été introduites par de précédentes lois, comme en 2004 et en 2008, et que moins d'une dizaine d'accords d'entreprise ont déjà fait l'objet d'une demande d'homologation de la branche des entreprises d'architecture.

 

 

"De plus, les dispositions annoncées sur la modulation des taux de contributions patronales des CDD font craindre de nouvelles charges, même si la ministre du Travail s'est voulu rassurante en évoquant un principe de taux de majoration et de minoration incitatifs, laissés à la négociation des partenaires sociaux dans le cadre de l'assurance chômage", poursuit l'organisation. Tout en déplorant "la disparition du plafonnement des indemnités prud'homales qui répondait à une attente des TPE." Et enfin, la lutte contre le détachement temporaire illicite des salariés étrangers, sujet crucial pour le secteur du BTP va dans le bon sens.

 

Quant à l'utilisation du 49-3, le Premier ministre peut à tout moment suspendre la discussion d'un texte - après délibération en conseil des ministres - et faire ainsi adopter un texte sans vote. Sauf si une motion de censure est votée dans les 48 heures. Pour être adoptée et faire tomber le Gouvernement, la motion doit être votée à la majorité absolue, soit par 289 députés. A ce jour, les députés LR et UDI, qui détiennent 227 voix, ont déposé une motion de censure dénonçant "l'impasse dans laquelle François Hollande a mené le pays".

 

"Restent une quarantaine de voix à trouver dans les rangs de la gauche", nous avait signalé ces jours-ci, Christophe Sirugue, rapporteur PS de la loi Travail.

 

Rappelons que le Gouvernement avait eu recours à l'article 49-3 en février et juillet 2015 pour entériner la loi Macron pour la "Croissance et l'Activité", et également 10 ans plus tôt par le Gouvernement Dominique de Villepin avec le Contrat première embauche (CPE).

 

Dernière minute : Le Gouvernement ne renonce pas sur les accords d'entreprise

 

Sur l'article 2 du texte, qui permet aux accords d'entreprise d'être moins favorables que les accords de branche sur le temps de travail (durée et rémunération des heures supplémentaires), le Gouvernement ne retiendra pas l'ultime "compromis", proposé lundi par le rapporteur Christophe Sirugue, pour tenter de parvenir à un accord avec les députés socialistes opposés au texte, a signalé l'entourage de Manuel Valls, indique ce mardi soir l'AFP.

 

En revanche, sur les licenciements économiques, l'Exécutif renonce à introduire un critère national sur le périmètre d'appréciation des difficultés d'un groupe et "revient au droit actuel", qui retient une appréciation au niveau mondial, a-t-on précisé.

 

Concernant la surtaxation des CDD, envisagée via un amendement gouvernemental, "on renvoie aux partenaires sociaux", selon la même source.

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