Un rapport d'experts, préconisant l'exploitation en France des gaz de schiste grâce à une technologie alternative à la fracturation hydraulique, refait surface, plus d'un an après sa publication. Il est resté lettre morte, enterré par le Gouvernement qui reste très fermement opposé à toute expérimentation autour des hydrocarbures non conventionnels.

Le rapport sur les hydrocarbures non-convetionnels en France était dans les mains d'Arnaud Montebourg depuis le début de 2014. Mais la disgrâce du ministre du Redressement productif a également enterré le document de 67 pages signé des membres de la DGCIS (Direction générale de l'industrie), du CGEIET (Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies), de l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) et de l'IFP (Institut français du pétrole). Le quotidien Le Figaro a réussi à se procurer un des sept exemplaires et en a rendu public le contenu. Dans l'introduction, le ministre déclarait : "La question des hydrocarbures non-conventionnels est majeure pour la France, dont le potentiel est, aux dires de l'Agence Internationale de l'Energie comme de l'Institut Français du Pétrole Energies Nouvelles, qui a consolidé les données françaises disponibles dans le cadre de cette étude, considérable, sur le plan économique, géopolitique et environnemental". Enfonçant le clou, il poursuit : "Ignorer le potentiel du sous-sol français, c'est prendre le risque de priver la France d'un potentiel de croissance considérable, un risque coupable dans le contexte de crise que connaît notre pays".

 

Le fluoropropane, la panacée ?

Rapidement, Arnaud Montebourg évoque les différentes conclusions des experts rédacteurs du rapport, qui remettent en cause le moratoire décidé en France. Le ministre met en avant "les progrès technologiques spectaculaires (qui) permettent de concilier l'exploitation des gaz de schiste avec le respect scrupuleux de l'environnement et de marier les hydrocarbures non-conventionnels avec l'écologie". Il réaffirme "son opposition à la fracturation hydraulique qui demeure condamnable au plan environnemental car utilisant de grands volumes d'eau et des additifs chimiques" et rappelle "l'exigence du refus de toute forme de pollution en sous-sol et en surface". Sa solution ? "La stimulation au gaz propane". Pourtant, cette technique connue présente un risque non négligeable : ce gaz est inflammable et une utilisation massive dans le sous-sol pourrait être dangereuse. D'où la suggestion, formulée par des universitaires américains en 2013, d'utiliser le fluoropropane. Un dérivé qui présente l'avantage d'être liquide à basse pression et qui est déjà utilisé comme agent propulsant dans les inhalateurs et… les extincteurs, démontrant par là sa sûreté. Autre argument, le fluoropropane serait plus facilement récupéré et pourrait donc être réutilisé. Plus lourd que l'air, il ne présenterait pas de risque de fuite vers l'atmosphère, et il s'accommoderait bien de micro-forages, moins impactant sur l'environnement et le voisinage. Deux arguments mis en doute par les défenseurs de l'environnement qui rappellent que la molécule présente un potentiel de réchauffement climatique 3.000 fois supérieur au CO2, et que la multiplication des forages et stimulations augmente également le risque de pollution en phase de production…

Totale opposition malgré les arguments économiques

Pourtant, à en croire les promoteurs de cette technologie, notamment la société américaine eCorpStim, elle ne présenterait que des bons côtés. Mis à part deux détails : son prix élevé, difficilement justifiable alors que le cours du pétrole est au plus bas depuis 2009, aux alentours de 50 dollars le baril, et un manque d'expérimentation criant. Arnaud Montebourg souhaitait justement que la France serve de terrain de test pour cette "fracturation verte" en Île-de-France et dans le Sud-Est. Une piste que Total avait jugée, en 2013, "intéressante pour certains types de réservoirs" mais que le groupe n'était pas prêt à promouvoir en Europe, justement par manque d'expérience. Le ministre de l'Economie et du Redressement productif, toujours dans le même rapport oublié, précisait un scénario jugé "probable" par ses experts : il en ressortait qu'une exploitation des hydrocarbures non-conventionnels génèrerait une rente, sur 30 ans, comprise entre 103 et 294 Mrds €. L'impact sur toute l'économie serait important avec une croissance annuelle du PIB de +0,9 à +1,7 point et une réduction du déficit commercial de -0,4 à -0,8 point. "Sur le terrain de l'emploi, l'exploitation (…) permettrait de créer entre 120.000 et 225.000 emplois pendant 30 ans, avec au pic de production, 453.000 emplois créés, soit entre 1,5 et 2 points de chômage en moins", annonce le rapport.

 

 

Des arguments qui n'ont pas convaincu l'actuelle ministre de l'Environnement, qui indique que "les gaz de schiste ne sont plus d'actualité". Ségolène Royal souligne que le fluoropropane "n'apporte pas de solution : c'est une technologie qui n'est pas mature et sans retour d'expérience". Elle rappelle donc, une nouvelle fois, sa totale opposition et le refus systématique de toute recherche dans le domaine, "malgré la pression de lobbies". La ministre estime même que relancer le débat pourrait "déstabiliser l'effet de relance économique créé par la transition énergétique" à un moment où le gouvernement cherche à mobiliser autour de la sobriété et des énergies décarbonées. Nul doute que la question refera surface régulièrement, d'ici à 2016, et deviendra un enjeu électoral, au même titre que l'énergie nucléaire ou le développement des renouvelables.

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